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Rencontre à la villa Abdellatif avec l'écrivain Yves Slavat



L'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) poursuit son cycle de Diwan, en organisant dans l'après-midi de samedi dernier, son troisième rendez-vous avec l'historien Yves Salvat, autour du livre : «La guerre de la honte». L'ouvrage publié récemment, a fait l'objet d'une rencontre intéressante qui a réuni un grand nombre d'invités.
«La guerre de la honte» est un livre qui relate le vécu de l'auteur et de ses camarades engagés en Algérie. Par devoir de mémoire, Yves Salvat donne, aujourd'hui, la parole à ses camarades et témoigne de son propre enfer. Echo douloureux d'un passé qui ne cesse de hanter les mémoires, cette quinzaine de témoignages vient poser la question de la torture et dénoncer la réalité des faits. Là où la majorité des ouvrages sur le sujet esquive la psychologie et la réflexion, l'opus d'Yves Salvat sonde l'âme et la conscience des appelés d'Algérie. Le roman en question a été édité par la maison d'édition algérienne Sedia. Cette dernière a réédité l'ouvrage en 2012. La version en langue arabe sera disponible dans deux semaines. D'emblée, l'écrivain Yves Salvat indique qu'il ne se souvient pas qu'on lui ai parlé de «guerre» et que pendant son séjour en Algérie, il était pratiquement «interdit» d'en parler en ces termes au sein de l'escadron auquel il appartenait. «Nous étions, dit-il, comme conditionnés pour cela et évoluions dans une sorte de vase clos». Ce besoin de témoigner est apparu au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. La faisabilité de la chose résidait sur une «conscience», acquise grâce à son militantisme au sein du Parti communiste français (PCF). Un parti qui lui a appris à dire ce qu'on pense. Il est à noter que tous les compagnons de Salvat n'ont pas eu ce «privilège» de dire les injustices et les violations des droits humains auxquelles, ils ont assisté ou contraints à en être les auteurs. Plusieurs d'entre eux sont victimes de traumatismes post-guerre pour n'avoir pu exorciser leurs souffrances. Il se rappelle, à cet effet, d'un soldat de sa section qui a eu recours au suicide en 2011. Sollicités pour les besoins de son recueil de témoignages, certains soldats ont tout simplement refusé de partager leur expérience, sans doute pour ne pas avoir à la revivre, dira-t-il. Il affirme à ce propos que : «Quelques-uns n'ont pu s'exprimer car rongés par le remords d'avoir été impliqués dans des actes de délation», ajoute-il, tout en soulevant l'autre forme de «silence» qui s'exprime, à ce jour, dans le refus de certains médias et autres éditeurs de rendre publics les témoignages inhérents à la guerre de libération. En témoigne l'un de ses ouvrages qu'il voulait publier en 1982 mais que les maisons d'édition en France ont catégoriquement refusé de sortir. Les éditeurs contactés ont prétexté que «la guerre d'Algérie fait partie du passé», comme l'auraient évoqué les éditions Laffont citées en cela par Yves Salvat. Pour le conférencier, la France refuse, aujourd'hui, encore, de reconnaître la guerre qu'elle a menée contre le peuple algérien avec son lot de crimes et d'exactions dont l'utilisation du napalm. «En France, indique-t-il, on parle depuis le mandat de Sarkozy de guerre des mémoires, mais il ne s'agit en réalité que d'une fausse mémoire que l'on tente de véhiculer». Mieux encore, Yves Salvat renchérit en dénonçant l'attitude du secrétaire général de l'Association républicaine des anciens combattants de France qui a refusé de préfacer son ouvrage. D'autres agissements de ce genre l'ont poussé à démissionner de l'organisation. Il est à noter qu'Yves Salvat est né en 1936 à Millas. Etre né l'année du Front populaire, au moment où le peuple de France se rassemble pour faire face au fascisme, semble être pour Yves Salvat un signe du destin. A l'âge de quatre ans, il vit partir son père, au petit matin, entre deux gendarmes venus l'arrêter pour menées subversives. Il vécut dans une famille constamment en lutte à la répression vichyssoise. Salvat devient un passionné pour des idéaux de justice et de liberté. Il s'engage dès sa prime jeunesse, en tant que militant actif et courageux d'une cause qu'il trouvait naturelle. La guerre d'Algérie ne vient en rien altérer sa passion. Elle fut au contraire une expérience décisive. «En lui fournissant un vécu militaire, répressif et colonialiste, la guerre affina sa volonté de combattre les forces droitières de son pays. C'est pourquoi, dès son retour à la vie civile, il se lança à corps perdu dans la lutte politique, menant de front des activités de responsable au sein du parti communiste, faisant partie de la municipalité de son village ou bien encore s'intéressant comme dirigeant national à l'Association républicaine des anciens combattants. Bien entendu, ces longues heures de militantisme désintéressé, il les a prises sur son temps de repos. Et ce ne fut pas là, le moindre de ses mérites, car en homme de la terre qu'il a toujours été, il connaît le prix de l'effort».


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