Algérie

Réminiscences de mots à l'Espaco


Dans une très belle exposition réalisée par l'artiste plasticien multi facettes Arezki Larbi, il a été fait monstration de plus de 75 tableaux qui sortent de l'ordinaire sente, arpentée et admise par les amateurs de facilité. «Alter Ego» est le nom de cet évènement qui ne manquera pas d'inscrire cet artiste dans un panthéon en bonne place de l'histoire de l'art algérien.Cela aura été une très belle aventure picturale et livresque, puisque le plasticien est aussi amateur de bons mots, il écrit lui-même quelques textes bien sentis et résume ainsi le siècle sur des mots qui viennent des contreforts d'une inspiration vécue au jour le jour. Cette concrétisation inspirée s'est réalisé du 17 novembre au 1er décembre 2018, dès 16h30 pour une session artistique qui nous aura menés dans de délicates escales peintes, dessinées, alchimiques, ancrées dans quelques techniques d'estampes, de monotypes, de gravures ou bien juste d'utilisation de la plume, du crayon pour une série de portraits exposés où la matière, la forme, le discours se sont frayés un chemin esthétique délicat pour se rappeler à notre bon souvenir.
Arezki Larbi et l'Espaco nous ont aussi offert quelques notes dérivées de ce travail immense qui a été exposé : des cartes postales, tee-shirts, et surtout un folio photos et textes magnifique, tiré en nombre limité et signés par l'artiste autour de son travail, «Face-Profil», qui reste mémorable puisqu'appelé «Mémo-Art» et qui immortalise nombre d'artistes et de personnalités algériennes sur des «murs» qui constituent, après montage, une mosaïque émotive, affectueuse, attendrissante par l'entremise de personnages qui sont encore vivants, actifs. Mais aussi, ce travail devient par la force des choses et par la force du temps qui passe un hommage obligé, impératif en égard à ceux que nous avons perdus en route.
Cela dit, l'exposition «Alter-Ego» d'Arezki Larbi est un évènement qui a aussi eu sa part de poésie à travers les dernières limites admises de cette exposition lors de la journée du 1er décembre dernier par l'organisation d'un «dévernissage» qui, le moins que l'on puisse dire, est qu'il a marqué les présents par son originalité et son caractère inédit, surtout aussi par la présence surprenante et plus d'une fois émouvante de personnalités que l'on n'a pas vu ici-bas depuis longtemps, ne manquait sans nul doute dans cette galerie que Djaout, Alloula, Sebti, ou Asselah et les nombreux autres qui sont partis?
Pour clore le cycle de rencontres et de présentation de ses images, de ses travaux, Arezki Larbi, outre un hommage rendu à Djamel Allam, Salah Hioun, et Wahab Mokrani a aussi voulu réaliser un travail sur les mots. C'est tout naturellement que le public est venu nombreux, constituer un aréopage d'esthètes attentifs aux mots inauguraux d'Abderahmane Djelfaoui qui fera une lecture magistrale de son «Alger sous le scalp», une sorte de plaidoyer interlope d'une capitale que l'on ne retrouve plus?Il sera suivi par Lazhari Labter, toujours aussi délicat et soigneusement engagé par les réminiscences de la prose des années 1980 et probablement même un peu avant, pour la mise en mot de son deuxième ouvrage dans lequel il écrira un poème à Saïda, héroïne de l'opposition marocaine, victime des turbulences de Hassan II, morte sous la torture. Lazhari Labter, en fera un cri poignant, qu'il lira dans un silence de cathédrale.
Le méditerranéen Yacine Si Ahmed, homme de radio, féru des mots de Fernand Braudel et des grands philosophes grecs ira de sa prose un peu spécifique pour aller par monts et par vaux kabyles jusqu'aux limites de nos frontières pour nous conter les quelques audaces de la poésie, des «Isefra» de Cheikh Si Mohand U'Mohand qui de poète maudit, aussi honni qu'aimé des femmes a laissé une impression générale très appréciée des présents. Jean Sénac était sans nul doute de la partie et ses fameuses notes amoureuses inscrites dans notre inconscient collectif, concernant notamment ses effusions au temps de l'autogestion ont eu une seconde vie par la grâce de la voix «rock» du divin Khaled Louma qui mettra une note subversive, frisant l'ironie du propos dans de très belles envolées lyriques qui font de notre Sénac un Pasolini délicieusement impertinent à l'algérienne.
Le final de cette joute émouvante sera assuré par le comédien Ahmed Benaïssa, voix et hésitation dopée au trac, laissera une impression humaniste, fondamentalement en contre-point avec le lyrisme ambiant sur un texte, encore en cours, écrit magistralement par Arezki Larbi comme un hommage à contresens sur l'intitulé, «Nichane», direct dans les c?urs, pour une succession de phrases bouleversantes qui retracent un peu les années de plomb et de fer, tout en rendant au passage, comme dans le rituel «face-profil» un hommage à ceux qui de près ou de loin ont fait cette Algérie, encore vivante, encore vivace, turbulente, attisant le feu, attirant l'eau et l'onde tressaillante, une Algérie qui de par ses artistes, ses acteurs, ses sociologues est une entité riche en surprises.
Ils étaient nombreux dans une atmosphère de retrouvailles assez étrange par la présence du journaliste de l'ancien Alger-républicain et de l'Agence EFE, Tahar Mejdoub, Smaïl Hadj-Ali, universitaire au nom illustre, qui a longuement animé les jours heureux du désormais mythique, RAIS, rassemblement des Artistes, Intellectuels et Scientifiques qui, dès l'orée d'Octobre 1988, a été un grand mouvement citoyen. Halim Faïdi architecte, bâtisseur, bleu de Chine porté avec humilité et amabilité à toute épreuve a été une ombre bienveillante dans cet aparté amical, Mya Lazali, généreuse et enjouée, le sourire facile et la partage naturel, d'autres artistes, d'autres personnalités étaient là, présentes.
Karim Sergoua, plasticien exubérant, au récit ponctué d'anecdotes rigolotes, Souad Delmi Bouras, toujours disponible animant les lieux ponctuant de photos et de vidéos les sourires et les échanges. Ils étaient encore plus nombreux dans cette rencontre hors du temps pour nous rappeler aussi que ce dernier finalement n'avait point d'emprise sur l'art, la culture, et c'est ainsi que ce «dévernissage» a posé le point final sur une exposition et une présentation poétique de très haute facture à refaire de toute urgence?
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