Satisfaction des uns, déception des autres
La troisième phase du relogement des familles des Planteurs, dans le cadre de l’éradication de l’habitat précaire, a été caractérisée par une protesta, celle des ménages d’une même famille affectés à un seul logement, un F3 ou F4.
Ils se sont retrouvés en fait, à trois voire même quatre ménages dans un seul appartement. La famille Bounouara est l’une d’entre elles. Le jour du relogement, au lieu de la joie de se retrouver dans un logement neuf, c’était l’appréhension du lendemain et de la vie commune dans cet appartement, un F4 au premier étage d’un des immeubles à Haï El-Nour. La mère de famille était, ce jour-là, souffrante d’hypertension, sa tension étant montée en flèche lorsque la peur pour ses enfants s’est accentuée. «Mon fils est resté au terrain Chabat, là où nous habitions et a refusé de venir avec nous, il m’a dit qu’il ne sortirait pas de la maison, quitte à y mourir. J’angoisse pour lui et pour ses frères mariés, affectés eux aussi avec nous, dans cet appartement étouffant». les belles-filles de cette dame, au nombre de trois ainsi que sa fille divorcée et mère de trois enfants dont le plus âgé a 17 ans, s’attelaient à nettoyer les pièces de cet appartement, ciblant chacune la chambre qu’elle occupera, son mari, ses enfants et elle. Quelques jours plus tard, nous sommes revenus rendre visite à cette famille, question de voir comment elle vivait dans cet appartement. Les choses n’allaient pas trop bien pour la famille Bounouara, les problèmes tant redoutés ont surgi. Selon El hadja «au deuxième jour de notre installation, une de mes belles-filles est repartie chez ces parents, abandonnant son mari». Celui-ci, le plus jeune des garçons d’El Hadja avait la gorge nouée en nous parlant «Ma femme est partie et je n’ai pu la retenir car je sais que je ne peux lui offrir ce qu’elle veut, un logement où elle pourrait vivre aisément». Notre interlocuteur ajoutera «la maison que nous avons été obligé de quitter, est un R+1 composé de 8 chambres, d’une cour et d’une terrasse. Là-bas, chacun de nous avait sa chambre et un coin cuisine. Dans cet appartement, on est réduit à utiliser la même cuisine, les quatre familles qu’on est: ma femme et moi, mes deux autres frères et leurs épouses, mes parents, un autre frère aveugle ainsi que ma sœur et ses enfants. Cette dernière est la plus à plaindre de tous les membres de cette famille. En fait, si les frères ont pu, chacun occuper une chambre; ma sœur, elle, s’est retrouvé partageant le salon avec mes parents et notre frère handicapé».
La sœur prendra la parole à son tour pour dire «Je n’ai pas où aller mes enfants et moi. Lorsque j’ai divorcé, je ne pouvais les abandonner à un père irresponsable. La grande maison parentale m’a donc accueillie et j’ai eu droit à une chambre et à une kitchenette que j’ai aménagée. Je suis couturière, c’est ainsi que j’arrivais à nourrir mes enfants et à assurer les frais de leur scolarité». Notre interlocutrice n’a pas cessé de pleurer sur son sort et dira: «Pourtant lorsque les membres de la commission de recensement sont passés chez nous, ils nous ont dit qu’elle aurait droit à un logement comme les autres». L’infortunée maman nous confiera qu’elle avait peur pour son fils de 17 ans qui ne rentrait que tardivement le soir à la maison pour dormir.
Abordant sa relation avec les belles-sœurs, elle dira «dans la société algérienne, les belles-sœurs ne peuvent vivre dans l’exiguïté, sans problème et encore plus lorsqu’elles partagent la même cuisine. Il y a aussi le problème de la répartition des tâches ménagères et les enfants qui se battent. Chacun de nous a les nerfs à bout, moi j’essaye de me faire toute petite, j’encaisse en silence comme toute femme algérienne dans ma situation». Un des fils Bounouara abordant sa situation dira «On n’a pas demandé à être relogés, on était bien dans notre maison et puisque «El houkouma» a décidé de nous déloger, elle n’avait qu’à faire preuve de justice et nous donner l’équivalent de notre bien. On nous a mis dans des conditions invivables, on nous pousse à la rébellion, j’invite un de ceux qui ont décidé de nous mettre dans une cage de trois pièces, un salon et une cuisine, mal-faits de surcroît, d’essayer de passer une semaine dans les mêmes conditions, ils se suicideront certainement, eux qui sont habitués à vivre dans de somptueuses villas, au frais d’El Baylek». Mohamed, un voisin de cette famille, relogé à son tour à Haï El-Nour et ayant assisté à cette rencontre dira qu’il a été, lui aussi, contraint de partager un F3 avec son frère. Il a souligné que son frère et lui n’occupaient pas la même habitation et que lui et sa petite famille résidait dans un petit haouch et son frère dans un autre sis à une centaine de mètres plus loin, mais qu’ils ont été placés dans le même appartement. Il a expliqué que les membres de la commission ne se sont pas cassé la tête, ils ont mis les frères et père de familles dans un seul appartement, «n’est-ce pas une aberration et une injustice flagrante?», ajoutera-t-il. Mohamed précisera qu’il y a de nombreuses familles dans son cas. Il a affirmé que des frères ou beaux-frères que nous connaissons, tous ennemis, ont été placés dans un seul appartement. C’est comme si les décideurs avaient opté pour transformer les nouveaux logements en ring et en lieux de rixes et de crimes. On nous citera le cas des deux frères qui se sont entretués pour les seules clés de l’appartement qui leur a été affecté. L’un, nous a t-on affirmé, a asséné un coup de couteau à son frère le blessant gravement pour pouvoir bénéficier seul du logement qui leur a été attribué. D’autres personnes rencontrées à Haï El-Nour diront que les appartements sont mal-faits, la dalle de sol a été placée n’importe comment et la plomberie est défectueuse. Il est à signaler que dans ce nouveau quartier, il n’ y a pas que des mécontents, quelques familles affirmeront être ravies d’avoir bénéficié d’un logement à Haï El-Nour et diront que l’attribution s’est faite dans la transparence. La mère de la famille A., composée de sept personnes, soit la grand-mère, les parents et quatre enfants dira «nous avons bénéficié d’un F3, El hamdou lillah, nous sommes enfin sous un toit convenable, nous vivions dans une maison précaire, composée de deux pièces, une cuisine et d’une courette, là on a l’impression qu’on renaît». Cette mère de famille ne manquera pas de remercier à l’occasion le chef de la daïra d’Oran qui a supervisé cette opération.
Hafida B.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 03/08/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com