Par Loines GHEZALI*
Le «Journal» de Mouloud Feraoun relate la période de la guerre d'Algérie de 1955 à 1962. L'ouvrage, qui s'alimente à l'actualité la plus immédiate, ne sera pas écrit sans passion, mais toujours avec le remarquable sérieux de l'écrivain et sa concision habituelle. C'est l'actualité du jour mêlée au regard de l'auteur qui assiste, impuissant, à la déshumanisation de son monde; à la cruauté de celui-ci où l'esprit même n'a plus sa place, où les coeurs n'ont plus d'amour, ni de compassion.
Difficile pour lui de vivre et de peindre ce monde cruel de la guerre; un monde où la vie de tout un chacun était en train, subitement, de chambouler de fond en comble. Surtout lui, homme averti, imprégné de culture française, n'ayant de surcroit aucune stratégie à mettre en oeuvre ni idéologie à défendre. Il n'avait que son esprit pétri à l'école humaniste de la Troisième République et son âme de Kabyle et d'Algérien façonné par les siècles.
Des siècles à l'histoire très mouvementée tressant à chaque joie ou peine vécue une humanité certes, forte, mais qui n'échappe guère aux conséquences de tous les aléas et des nombreuses agressions subies.
Une humanité toutefois qui ne peut se départir de la dignité à reconquérir! Ses phrases puisées dans la respiration de son coeur ne font pas qu'agiter son inquiétude ou sa peur. Elles témoignent aussi, à travers une plume sublime, de l'effondrement de toute cette pensée avec laquelle sont construits tous ses rêves et ses espoirs.
Une pensée basée sur la paix, la fraternité; basée sur l'abnégation au travail, le savoir, et dont il espérait qu'elle porterait son pays, l'Algérie, dans ses différentes composantes linguistiques, ethniques et religieuses vers le progrès et l'épanouissement.
Il constate avec dépit qu'une fois les hostilités enclenchées, suit immédiatement la perte de tout bon sens. Avec sa sincérité et sa modestie, tout en condamnant sans ambages le colonialisme, il tente de comprendre cette déferlante de haine. Il tente de décortiquer tout ce qui donnait à vivre à ce pays ces moments tragiques. Lui qui ne voulait qu'applaudir la paix d'où qu'elle vienne, lui qui ne pouvait pour rien au monde s'infliger le rôle d'être dans le métier des armes, ne pouvait pourtant, rester indifférent au sort des siens qui tombaient quotidiennement. Il ne pouvait malheureusement constater que l'aveuglement du pouvoir colonial de l'époque entrainant une rupture définitive entre communautés d'Algérie.
Le sentiment que les choses fuyaient entre les doigts, que personne ne pouvait rien contre une histoire implacable, charriant tout sur son passage, prend le dessus sur tout, mais ne le découragera pas à rester attentif jusqu'au bout, à plonger parfois dans des rétrospections pour comprendre et ce, même si l'écriture se faisait dans le vif, en fonction des événements au quotidien.
*ECRIVAIN
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Posté Le : 01/09/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : L'Expression
Source : www.lexpressiondz.com