Regard

Turquie: un simple repli tactique ? A l’approche de l’élection présidentielle au pays d’Atatürk, les islamistes au pouvoir ont changé leur fusil d’épaule. Bien qu’ils affichent le sourire candide de «modérés», la multitude laïque de Turquie ne s’en est pas laissé compter et a préféré prendre les devants… Une manifestation gigantesque fut organisée il y a deux semaines, sommant l’actuel premier ministre Erdogan de retirer sa candidature. Autant l’armée, garante de la laïcité en Turquie, que les multiples partis démocratiques se réclamant de l’héritage de Kamal Atatürk, ont exigé le changement de candidat à la tête de la pyramide islamisante aux commandes. Il est clair que si les islamistes ont opéré une petite reculade en proposant le non moins islamiste et bras droit d’Erdogan, Abdullah Gul, les choses ne vont pas en rester là. Il est fort à craindre que les partis conservateurs ne se rebiffent et une riposte organisée pour bien montrer au monde qui a l’initiative dans un pays d’extraction essentiellement musulmane. La seule crainte que peuvent éventuellement nourrir les alliés d’Erdogan est de se voir refuser le démarrage des négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne. Car paradoxalement, ce sont ces propres islamistes qui ont mis le feu aux rues le jour où le parlement européen a émis publiquement des doutes quant à la faisabilité de la chose. Les Turcs se considérant plus européens que les Européens et en même temps musulmans, non pas seulement au «sens géographique du mot», allant jusqu’à vouloir voiler leurs futures députées à l’hémicycle européen avant même d’y être entrées! Les voilà à présent contraints à donner le change pour préserver toutes les chances d’entrer dans l’Union en renonçant à présenter Erdogan à la magistrature suprême. Pris en tenailles entre le front kurde en Irak et le front européen au Nord, les Turcs éprouvent toutes les difficultés du monde à accepter le simple fait de vivre leur diversité comme elle leur a été léguée par l’Histoire. Si la mouvance islamique internationale veut tirer tous les pays musulmans vers le bas, réussira-t-elle à en faire autant avec la Turquie? Réponse dans les trois mois à venir. Pas plus tard.