Algérie

Réformes politiques : Sous le signe de la pression internationale



Le chassé-croisé des délégations d'hommes d'affaires étrangers en visite à  Alger, ces dernières semaines, illustre l'ampleur des concessions économiques faites aux Occidentaux. Quand les puissances occidentales «saluent» et «encouragent» les réformes, les dirigeants du pouvoir algérien feignent les offensés. «Ces réformes constituent la troisième étape du processus de redressement (en Algérie) et non pas le résultat d'une crise ou de conjonctures internationales», déclarait Ahmed Ouyahia, le 16 juin dernier, lors d'un «débat» télévisé. «Le programme du président Bouteflika (d'avril 2009), ajoutait le Premier ministre, renfermait des réformes politiques dont certaines ont déjà été engagées et sont mentionnées dans un document qui a été distribué à  l'époque !» Lorsque l'Espagnole, Laura Baeza, chef de délégation de l'Union européenne en Algérie, se dit convaincue que les réformes annoncées «vont dans le sens d'une juste réponse aux aspirations de la société algérienne», cela fait aussi sursauter d'indignation les symboles du régime. Excédé par l'intervention de l'ambassadrice de l'UE faite à  l'ouverture, le 14 juin, des états généraux de la société civile, Abdelmadjid Sidi Saïd claquera avec fracas la porte du Palais des nations. «Je ne partage pas ce qu'a dit l'Union européenne, dit le secrétaire général de l'UGTA, parce que le CNES (organisateur de l'événement) existe depuis les années 1990, donc ce n'est pas à  l'initiative de l'Union européenne que nous faisons cette action. C'est une initiative algérienne. De ce fait, les donneurs de leçon doivent se taire. C'est une question algéro-algérienne.» Vaudeville de faux souverainistes qui fait rire à  gorge déployée l'ancien ministre Abdelaziz Rahabi. «Si on ne veut pas qu'on nous donne de leçon, rétorque le diplomate, il fallait initier, de son propre chef, des réformes.» L'absence d'un «agenda national» de réformes, une réalité qui, d'après M. Rahabi, ne fait que créditer davantage la thèse qu'en Algérie le projet de réforme «obéit forcément à  des considérations et pressions internationale». Trêve d'hypocrisie d'Etat ! Tous les processus d'intégration régionale, rappelle l'ancien ambassadeur d'Algérie à  Madrid, auxquels l'Algérie adhère, comportent des «conditions» et des «avenants» politiques, déclinés sous diverses formes : «Le processus de Barcelone, l'Accord d'association avec l'UE, l'adhésion à  l'OMC sont tous assortis de conditions politiques et sociales. Alors, prétendre aujourd'hui que dans nos relations avec le monde occidental on n'est pas soumis à  des pressions concernant le niveau des libertés et des droits de l'homme, c'est se mentir et mentir à  son peuple.» Des réformes conformes à  la «feuille de route» concoctée par les puissances occidentales, avalisée par le pouvoir, ne seraient-elles donc pas un mythe ' Le politologue Rachid Tlemçani en est persuadé. «Quand Obama exhortait, en février dernier, Moubarak à  engager un processus de transition ordonnée et pacifique, souligne l'universitaire, cela s'applique aussi à  tous les pays de la région, l'Algérie y compris, car elle jouit d'une position géostratégique importante. Changement ordonné signifie changement de façade et non un changement radical qui pourrait, lui, remettre en cause les intérêts stratégiques des Occidentaux : des réformettes plutôt que des réformes profondes. On amuse la galerie avec des commissions, un projet d'une nouvelle Constitution, une ouverture médiatique, etc., et ce, le temps que la tempête des révoltes arabes passe.» Les signes d'allégeance aux Occidentaux «Comme le roseau, le régime de Bouteflika a su plier mais n'a pas rompu», image Salhi Chawki. Pour ne pas prendre de face la tempête sociale, explique le porte-parole du Parti socialiste des travailleurs (PST), Bouteflika a multiplié les mesures sociales, augmentant les salaires par-ci, offrant par-là des cadeaux à  sa clientèle, au patronat, etc., mais «il a aussi cédé aux Occidentaux sur des intérêts concrets, signe d'allégeance, car il est rentré dans le moule du 'grand frère' de Paris et de Washington, dans les plans de la recolonisation mise en œuvre sous les apparats de la démocratisation par des impérialistes pressés de civiliser les bougnoules». L'attitude conciliante du régime de Bouteflika est doublée d'un démantèlement progressif de toute la batterie de mesures «protectionnistes» de l'économie nationale, et ce, au profit des intérêts étrangers.  «Nous ne savons pas (pas dans le détail) quels ont été les avantages octroyés, souligne le trotskiste, mais il est certain que des concessions importantes, politiques, économiques et diplomatiques ont été faites aux Occidentaux.» En témoignent, selon lui, «l'infléchissement de la position de l'Algérie vis-à-vis de la Libye», «le recul sur les mesures protectionnistes de l'économie nationale». Le chassé-croisé des délégations d'hommes d'affaires étrangers en visite à  Alger, ces dernières semaines, illustre l'ampleur des «concessions économiques faites aux Occidentaux». Au Front des forces socialistes (FFS), on nourrit les mêmes inquiétudes quant à  la capacité du régime algérien à  monnayer l'intérêt national contre des garanties de survie occidentales. Dans une lettre adressée le 11 juin dernier à  son conseil national, Hocine Aït Ahmed, président du FFS, s'interroge lourdement : «Comment peut-on choisir ce moment pour, dans l'opacité absolue, conclure un train d'accords commerciaux et financiers avec des partenaires étrangers ' Ne profite-t-on pas du contexte national et régional pour dépecer le pays '» «C'est la sécurité nationale, voire  la souveraineté du pays, dit-il, qui peuvent àªtre compromises.»


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