Le gouvernement a été instruit par le président de la République de
s'inspirer du rapport Bensalah pour élaborer les
nouveaux projets de lois politiques.
« Dès que la
Commission nationale des consultations politiques lui a remis
son rapport, le président en a envoyé une copie au Premier ministre pour
consultation, en vue de l'élaboration des projets de lois politiques devant
être présentés à la rentrée au parlement,» nous dit une source de la présidence
de la République.
Pour rappel, présidée par le premier responsable du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, la commission en question a terminé ses auditions
le 21 juin dernier, après avoir écouté un grand nombre de représentants de
partis politiques et d'autres de la société civile ainsi que des personnalités
nationales politiques, universitaires et religieuses. La mission de consulter
l'ensemble des acteurs de la société lui avait été confiée par le chef de
l'Etat en vue de les associer à la refonte des lois réglementant la pratique
politique dans le pays.
La commission Bensalah a ainsi remis à Bouteflika, au courant de la première semaine de juillet, trois
documents : l'un est un rapport complet sur l'ensemble des consultations qui
ont été menées pendant près d'un mois, le second en est une synthèse des
principales idées exposées et propositions faites par les consultés et le
troisième document est une annexe rattachant les requêtes que ces derniers ont
remis à Bensalah. L'on nous précise qu'un tel travail
n'avait pas pris beaucoup de temps «puisque le staff technique de la commission
qui était composé d'une trentaine de personnes, faisait la synthèse des
consultations au fur et à mesure qu'elles étaient menées, c'est-à-dire chaque
jour. Il fallait donc juste agencer ce qui a été fait pour en sortir un rapport.»
Il est même affirmé que «les synthèses ont été faites en trois langues, arabe, français
et anglais pour les besoins d'une éventuelle large diffusion.»
Conformément aux textes réglementaires, le parlement dans ces deux
chambres, haute et basse, ouvrira sa session d'automne le 4 septembre prochain.
Il est, d'ores et déjà, soutenu que «cette session sera la plus importante et
la plus riche en matière de textes devant être débattus.» Elle doit être en
principe, d'ici à début septembre, destinataire de quatre nouveaux textes de
lois à savoir la loi sur les partis politiques, celle électorale, le code de la
wilaya et enfin le code de l'information. «Ces textes devront être amendés
conformément aux instructions du chef de l'Etat lors du discours qu'il a
prononcé à la Nation,
en mai dernier,» nous dit-on du côté d'El Mouradia.
Une Assemblée constituante, une option rejetée ?
Ces textes seront ainsi présentés par le gouvernement qui les aurait, si
l'on en croit nos sources, élaborés sur la base des propositions qui ont été
faites à la
Commission Bensalah.
Le parlement devra les faire adopter avant la fin de l'année en cours, en
prévision des échéances électorales à venir à savoir les élections communales
suivies de celles législatives prévues en 2012. Ne restera en principe que la Constitution dont la
révision devra être soumise à référendum. Il semble que la proposition relative
à l'élection d'une assemblée constituante n'a pas trouvé preneur. L'on dit
qu'elle a été catégoriquement rejetée par Bouteflika
qui estime, dit-on, qu'elle risque de remettre en cause les principes
fondamentaux contenus dans la
Constitution en vigueur. Une idée qui n'est pas partagée par
ceux qui rappellent que la nécessité d'une assemblée constituante s'est fait
sentir dès que le système politique a commencé à montrer ses défaillances et
lacunes. Il y en a parmi eux d'ailleurs, qui remontent aux premières années de
l'indépendance où les signes avant-coureurs d'un tel état de fait commençaient
à se faire visibles. Kaïd Ahmed en avait parlé avec
insistance à la fin des années 60 et durant les années 70. Raconté par Kamel Bouchama dans un livre «Kaïd Ahmed, homme d'Etat», paru récemment, ce militant du
FLN nommé par le président Boumediene «Responsable de l'appareil du parti»-une
appellation de circonstance- avait déjà en 1972, transmis un mémorandum au
Conseil de la Révolution,
instance suprême du pouvoir d'alors, par lequel il revendiquait l'élection
d'une Assemblée constituante. Bouchama a choisi de
mettre en annexe de son livre, le texte en question, parce qu'a-t-il noté «on
est tenté de crier et de répéter que ce texte conçu en 1972, appartient
toujours au présent car 39 ans après, il est certain de trouver encore, les
grandes équations politiques posées, toujours non résolues.» Kaïd Ahmed écrit en préambule de son mémorandum sous le titre
«La confusion idéologique et politique» que «Les carences institutionnelles et
organiques, engendrant elles-mêmes une singulière dilution ou une concentration
abusive des pouvoirs, sont caractéristiques d'un phénomène dommageable pour la
vie des peuples concernés.» Il tentera une analyse «même sommaire des
événements saillants» qui selon lui, «autorise à déceler l'origine et la cause
«des crises latentes, sourdes ou violentes qui ont jalonné les deux décennies.»
Kaïd Ahmed, le
retour
Il en évoque entre autres, «la volonté tenace et délibérée des hommes - que
des concours de circonstances, moins souvent que la valeur intrinsèque éprouvée,
ont placés au faîte de la hiérarchie de centres de décision- de diriger, de
gouverner, de trancher discrétionnairement sans tenir compte des exigences d'un
irremplaçable exercice harmonieux des responsabilités réparties par les
instances et les organes habilités dans le cadre général des institutions
reconnues et admises officiellement» et «l'inaptitude des hommes à considérer, à
accepter et à respecter la règle, la loi pourtant indispensables de la
concertation, de la confrontation et du contrôle, fait que leur tendance a été
invariablement de se hisser eux-mêmes au- dessus de toute règle et de toute loi,
au-dessus des autres hommes et des institutions…»
La conséquence en a été, a-t-il écrit dans son mémorandum, que «la
pression d'opportunismes convergents, nourris de démagogie outrancière
d'actions infantiles, populistes ou faussement radicales par la distillation pernicieuse
de concepts anachroniques flattant le spontanéisme et les ressorts affectifs
des masses par l'exploitation de la crédulité, de la générosité et surtout de
l'indulgence de ces dernières, il s'est établi, au cours de notre récente
histoire, un total renversement des valeurs dans tous les domaines y compris la
morale.» Kaïd Ahmed dénoncera à cette époque
l'accaparement par un seul homme - Houari Boumediene- des pouvoirs de «chef de
l'Etat, de chef de gouvernement, de secrétaire général du FLN, de chef suprême
de l'armée.» En ajoutant «sans parler de l'emprise qu'exerçait cet homme sur
les divers secteurs économiques par le truchement d'agents pleins d'appétit, assurés
d'une toute puissante protection et peu disposés à reconnaître l'autorité des
instances nominales, témoins plus ou moins complaisants de leur propre
impuissance.»
Le pouvoir veut-il réhabiliter «l'Homme d'Etat» ?
Transposés dans le contexte actuel, les éléments rapportés par Kaïd Ahmed en 1972, expliqueraient
dans toute son ampleur, la situation politique du pays. Au-delà du fait
qu'aucun démocrate ne partagerait jamais l'idée de ce «responsable de
l'appareil du parti» de défendre corps et âme, la prédominance du FLN sur
l'Etat, entre autres propositions qu'il avait faites à l'époque est celle de
«s'accorder sur des principes, des critères et des formes pour l'élection d'une
Assemblée constituante (…).»
S'il n'est pas trop opportun de
comparer l'Algérie d'hier à celle d'aujourd'hui, tant les choses ont évolué en
dehors de l'ex parti unique, il est intéressant de relever que les causes de la
crise politique telles que soulignées par Kaïd Ahmed
n'ont pas changé à ce jour. Ce qui signifie que le système est depuis, resté
intact en ayant gardé en mains tous les moyens de sa régénérescence et de sa
persévérance. Le plus curieux qui a poussé à l'évocation de cette partie du
livre de Kamel Bouchama est
que l'actuel Premier ministre semble en avoir fait son livre de chevet. En
effet, l'on se rappelle qu'Ahmed Ouyahia l'a montré à
l'écran de la télévision nationale, en juin dernier, lorsqu'il a été l'invité
d'une émission politique. Il avait ainsi tenu à en parler en direct à l'opinion
publique en notant que c'est «mon ami Kamel Bouchama qui me l'a dédicacé.» Quid alors de l'utilité d'un
tel geste à un moment où le président de la République a décidé de «réviser»
les mÅ“urs politiques du pays. Kaïd Ahmed a été, faut-il
le noter, un farouche opposant de Boumediene, à une époque où personne n'avait
le droit de le contredire.
Ouyahia est loin d'être homme à s'appliquer à une présentation publique d'un
livre pareil sans qu'il ait la moindre arrière-pensée politique. Entre un Kaïd Ahmed opposant de Boumediene, un Bouteflika
qui en a fait son «maître» et un Ouyahia dont les
velléités de «prendre» El Mouradia ne peuvent être
cachées, il y a certainement des messages à décoder. L'on note au passage que
dès son élection à la présidence de la République, Bouteflika
voulait réhabiliter Kaïd Ahmed en voulant baptiser de
son nom un des aéroports du pays. Mais l'idée en était restée là.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 15/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com