Algérie

Réformes, multipartisme et justice: Les mises au point de Bouteflika



Le président de la République a affirmé que les réformes politiques engagées s'inspirent des consultations menées avec les partis et les personnalités, que l'Algérie n'a pas à retourner à des expériences qu'elle a déjà vécues et que «si la démocratie impose l'existence de petits partis, qu'il en soit ainsi !».

C'est en substance ce qu'il a déclaré, hier, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire 2011-2012 qui a eu lieu au siège de la Cour suprême, à El-Biar. Bouteflika a, le temps de prononcer précisément ces propos, fait appel à ses anciennes habitudes. En effet, comme à ses débuts de règne où il improvisait plus qu'il ne lisait son discours, il s'est détaché du texte écrit qui était sous ses yeux pour lancer plusieurs mises au point aux personnels politiques qui trouvent grandement à redire sur les réformes politiques qu'il a lancées et fait consacrer dans les textes de lois adoptés récemment par le Parlement.

«A la lumière des consultations autour des réformes politiques qui ont été menées avec les partis, les personnalités nationales et les représentants de la société civile, nous avons entrepris d'élaborer des projets de lois qui ont un lien avec la pratique des droits civils et la vie politique et visent à renforcer la démocratie et à élargir la participation des citoyennes et citoyens dans l'activité politique», a indiqué, hier, le premier magistrat du pays en prélude à des précisions qu'il tenait à apporter sur les événements qui marquent la conjoncture nationale et celle internationale. Il a rappelé que par rapport à l'ensemble des réformes qui ont été lancées, «la priorité a été accordée au secteur de la justice». Priorité, a-t-il expliqué, «non seulement pour que la justice lutte contre la corruption, les passe-droits et les fléaux sociaux mais pour que la justice s'acquitte convenablement de son rôle au sein d'une société en constante évolution». Il fait alors savoir que «je ne dis pas que nous avons franchi toutes les étapes, nous sommes au début du chemin pour ce qui est de l'expérience démocratique». Il dit ne pas se permettre la comparaison avec la France ou la Grande-Bretagne, pays qui, dit-il, «nous ont précédés dans l'expérience démocratique». Il admet qu' «il est possible qu'il y ait des insuffisances, qu'il y ait des lacunes, qu'il y ait d'autres étapes qui s'imposent à nous, certes, mais ces étapes doivent venir de notre peuple par rapport à ses aspirations». Son allusion à un refus formel de toute ingérence étrangère dans le choix des réformes et des moyens et méthodes pour les réussir est on ne peut plus clair.

«L'ALGERIE N'A PAS A RETOURNER A DES EXPERIENCES QU'ELLE A DEJA VECUES !»

Le président de la République continue sur sa lancée et s'interroge : «L'Algérie fait-elle partie de ce monde ?» Et répond tout de suite : «L'Algérie fait partie de ce monde et s'en influence !» Mais, dit-il avec fermeté, «elle n'a pas à retourner à des expériences qu'elle a déjà vécues, le peuple algérien est conscient, on ne lui dicte pas ce qu'il doit faire (ma nemloulouche omorou) !» Ici, ce sont les islamistes qui en prennent un coup. S'appuyant certainement implicitement sur l'exemple de la Tunisie, la Lybie et l'Egypte, Bouteflika refuse ainsi que l'expérience d'un raz-de-marée électoral des islamistes soit rééditée en Algérie.

Il s'appuie aussi sur l'histoire pour rappeler que «le peuple algérien a eu son indépendance grâce à ses martyrs et à ses sacrifices». Il se ressaisit quelque peu, pour faire remarquer qu' «on ne marchande pas avec notre indépendance !», mais, ajoute-t-il quand même, «quoique nous ayons le droit de le faire !» Il déclare, cependant, à «ceux qui s'attendent à ce qu'il n'y ait pas une exception algérienne, on ne marchande pas avec notre souveraineté !» Encore une fois, son refus de l'ingérence étrangère ne souffre d'aucune nuance. Il s'exclame : «Nous n'avons de leçon à recevoir de personne !» Il ne nie pas que «nous tirons les enseignements de ce qui se passe autour de nous, mais on les adapte à nos spécificités, à nos besoins et à nos exigences».

Le chef de l'Etat évoque, par ailleurs, le multipartisme comme nécessité politique au pays. «Oui, seulement, il y a des partis qui sont majoritaires ! Mais si la démocratie exige qu'il y ait des petits partis, qu'il en soit ainsi ! Qu'il y ait des petits partis ! Des partis qui, plus leur poids diminue au sein de la société, plus leurs voix s'élèvent ! Mais il faut que le peuple rende la crédibilité à ces partis en tant que partis !» Il lance ainsi un défi aux partis qui remettent en cause la crédibilité de ses réformes et les appellent à prouver leur représentativité sur le terrain par la voie des urnes.

«L'ADMINISTRATION N'ECHAPPE PAS AU CONTROLE DE LA JUSTICE !»

Bouteflika tient à lever ambiguïtés et amalgames en soulignant : «Je ne parle pas au nom d'un parti, je parle au nom du peuple algérien, les réformes sont ses réformes !» Et continue ses mises au point, celle-là certainement à l'attention du MSP. «Il se pourrait que les réformes ne cadrent pas avec la vision d'un des partis de l'alliance ou autre parti, c'est normal !» Et comme probable mise au point à l'adresse des politiques qui réclament des élections transparentes, il lance : «S'il faut des élections, il y aura des élections et il y a eu des élections…». Il préfère, à ce sujet, revenir à la justice pour indiquer que «nous allons vers des joutes politiques importantes qui ouvrent les portes sur des horizons sur lesquels règne une démocratie dont les éléments se complètent». Démocratie qu'il qualifie de «moyen pour reconstruire la confiance du citoyen en les instances élues à tous les niveaux». Le président estime alors que «la justice devra jouer un rôle important pour faire aboutir ce processus global de réformes et pour atteindre l'objectif qui lui est assigné».

 Pour faire preuve de volonté de crédibiliser le processus des réformes ainsi que les prochaines élections, Bouteflika rassure sur un ton de recommandation «tout le monde doit se plier au contrôle de la justice et doit respecter ses décisions, pour tout ce qui a un lien avec les joutes nationales ou avec l'exercice d'un des droits politiques ou autre». Il élargit le champ d'intervention de la justice pour rassurer de plus de transparence et déclare : «L'administration n'échappe pas à ce contrôle ni à son engagement à exécuter ce que la justice prend comme jugements». Il affirme que «tous les droits, les libertés, les pouvoirs et les prérogatives doivent s'exercer conformément au respect de la loi et sous le contrôle de la justice». Et, dit-il, «nul ne doit douter dans notre choix de compter sur la justice pour surveiller les élections à venir. Ceci consacrera son rôle dans l'ancrage de la démocratie, la transparence et la libre concurrence entre les différentes forces politiques et constituera un gage de la réussite de la réforme du secteur et des objectifs qui lui sont assignés». Objectifs dont le plus important à ses yeux est «que les citoyens et en particulier les justiciables retrouvent confiance en l'appareil judiciaire».

Le président déclare espérer et «continue d'espérer que la justice règne au sein de la société et que la relation entre les juges et les justiciables soit élevée à un niveau qui permette de rétablir la confiance entre le peuple et ses institutions en vue de garantir les conditions d'un retour à une vie normale et sereine et de permettre au pays d'avancer vers le parachèvement des réformes sur des bases solides et qui répondent aux normes consacrées pour la construction d'un Etat moderne».




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