L'absence de réformes dans le monde arabe est due à de nombreux facteurs.Etat, non exhaustif des lieux, par des experts et des hommes politiques, etpoids de l'agenda sécuritaire.C'est un constat bien curieux auquel est parvenu le congrès annuel del'association « Arab Reform Initiative » qui s'est tenu mercredi et jeudi àAmman: la démocratie est prônée en premier lieu par les pays occidentaux, lesEtats-Unis en tête, mais ce sont ces mêmes pays occidentaux qui constituent leprincipal obstacle à la démocratisation des pays arabes. Ce n'est pas uneconclusion qui sert d'alibi à des hommes bien installés dans un pouvoir autoritaire,mais de chercheurs et hommes politiques, dont des européens, qui ont fait lapreuve de leurs convictions démocratiques sur le terrain.Khalil Shikaki, centre d'études politiques palestiniennes, a posébrutalement la question : la démocratie est-elle le meilleur d'accéder aupouvoir ? L'expérience Hamas, en Palestine, a amplement prouvé la pertinence decette question, a-t-il dit, car il est arrivé aux Occidentaux de critiquer desdirigeants arrivés au pouvoir de manière non démocratique, mais leur oppositionn'avait jamais atteint ce qu'elle a connu avec le Hamas, qui a étéofficiellement boycotté.La victoire de Hamas a été assurée par les plus pauvres, qui voulaient unchangement, a-t-il noté. Pourtant, ce sont les plus pauvres qui ont le plus souffertde l'accès de Hamas au pouvoir. Il relève ainsi que la démocratie palestiniennea été victime de la « communauté internationale ». Celle-ci voulait ladémocratie pour arriver à un objectif, la normalisation avec Israël. Quand ladémocratie a débouché sur autre chose, la « communauté internationale » a tentéde changer le résultat des élections, puis de le détruire. Ainsi, cette «communauté internationale » a imposé aux palestiniens un agenda sécuritaire audétriment de la construction de l'Etat. Le concept même de démocratie a ainsichangé de sens en Palestine. Au départ, la démocratie a servi d'argument pourisoler Yasser Arafat. Ensuite, la même démocratie pour appuyer Mahmoud Abbas.Le président d'un parti palestinien a de son côté souligné quel'hostilité occidentale n'a pas provoqué un rejet de Hamas par lesPalestiniens. Ceux-ci s'accrochent à Hamas parce qu'ils pensent que le mouvement n'apas eu la possibilité de mener son expérience, ce qui peut être vrai, mais quipeut aussi être un alibi pour justifier son échec. Dans un autre sens, SabriBahar, ancien ministre jordanien, s'est demandé brutalement si la réforme estpossible sans l'intervention extérieure. « Qui fait la réforme ? Celui qui a lepouvoir ou la rue ? », s'est-il demandé. La démocratie est donc celle souhaitéede l'extérieur, a-t-il dit, soulignant toutefois que « là où il y aintervention extérieure, il y a catastrophe », citant notamment la situation auLiban, en Irak et en Palestine. Henri Seagman, ancien conseiller de l'administrationaméricaine en politique étrangère, a tenu un discours allant dans le même sens.Les Etats-Unis « ont détruit la crédibilité de la réforme par leur attitude enPalestine. Non seulement ils ont refusé les résultats, mais ils ont tenté deles changer », a-t-il dit. Un chercheur d'un institut destratégie du Golfe a pour sa part noté que la démocratie interne impose unminimum de démocratie dans les relations internationales. Pourtant, a-t-ilnoté, les équilibres au Moyen-Orient se font avec quatre acteurs, qui sont lesEtats-Unis, l'Europe, l'Iran et Israël. Les Arabes n'y ont aucun rôle, ce quifragilise les pouvoirs au niveau interne et les pousse à refuser la réforme. Ilfaut inventer un rôle arabe pour favoriser le changement, a-t-il déclaré.Valdis Birkavs, ancien Premier ministre de Lithuanie, a pour sa part, plaidépour la réforme qui doit réaliser un équilibre entre la sécurité et le respectde la loi et des libertés. Les sondages réalisés dans plusieurs pays arabes,dont le Maroc, le Liban et la Palestine, montrent que les opinions publiquescroient à la démocratie comme élément de solution de leurs problèmes. Ilssentent donc qu'ils sont interdits d'utiliser un élément central pour réglerleurs problèmes, ce qui suscite colère et frustration. « Il est facile dedécider d'une guerre, mais régler les problèmes de l'après guerre dure beaucoupplus que la guerre elle-même », a-t-il rappelé.Bondevik, ancien Premier ministre de Norvège, en poste lors de la criseirakienne, a lui aussi mis en avant la responsabilité de l'Occident dansl'absence de réformes dans les pays du sud. Il a déclaré qu'il a été contactépar le président américain George Bush pour participer à l'invasion de l'Irak,mais qu'il a refusé. Son argumentaire était simple : le président Bush n'étaitpas mandaté par l'ONU, il avait d'autres moyens de pousser l'Irak à deschangements, moyens non utilisés, et les arguments concernant les armes dedestruction massive n'étaient pas valides.Il a aussi noté cette incompréhension totale entre musulmans etoccidentaux. Il a cité à ce propos l'exemple d'un manuel scolaire du Danemarkqui reconnaît que « tous les musulmans ne sont pas des terroristes, maisaffirme que tous les terroristes sont musulmans ».L'Occident n'est cependant pas seul responsable de l'absence de réformes.Les pays arabes doivent aussi assumer leur responsabilité. Amina Messaoudi,professeur de sciences politiques à l'université de Rabat, a noté quatre autresraisons qui ont relégué la nécessite de réformes de nécessité à un élémentsecondaire : l'émergence de conflits violents qui relèguent la nécessité de laréforme au second plan, des tensions sont apparues avec la perspective del'arrivée au pouvoir de mouvements islamistes par l'urne, ainsi que larésistance des régimes autoritaires en place. L'arrivée possible d'islamistesa-t-elle été utilisée pour refuser la réforme, et faut avoir peur del'islamisme au pouvoir ? s'est-elle demandée.L'épouvantail islamiste a été souvent cité pour refuser l'ouverture. Desfemmes, chercheuses et militantes de Droits de l'Homme, ont été les plustranchées sur ce point. Les régimes en place se servent de l'alibi islamiste,mais ont-ils montré une ouverture convaincante pour les courants démocratiques? s'est demandé Ibtissam El-Kitmi, professeur de sciences politiques àl'université des Emirats Arabes Unis. Bien au contraire, ils ont « installé desrégimes autoritaires, qui débouchent sur des phénomènes comme la corruption,laquelle, à son tour, constitue un terreau idéal pour le recrutement islamistepolitique, qui leur sert d'alibi. Et ainsi de suite ». Dans une visionoriginale, Hmida Neifer, professeur de civilisation musulmane à l'université deTunis, a noté que les islamistes et les modernistes se rejoignent tous les deuxpour refuser tout rôle à l'institution religieuse, et l'empêcher ainsid'évoluer. Il y a « négation du rôle de l'institution religieuse », qui est «vidée de son sens par les islamistes comme par les modernistes », dit-il. Tous lesdeux la considèrent « comme un obstacle à leurs objectifs. Les uns glorifientun passé mythique, les autres insistent sur la décadence, comme si une penséepouvait être figée dans le temps ».Il a également noté l'absence de tout débat de fond entre les islamisteset les « modernistes ». Avec ce paradoxe : l'islam est d'abord une foi, alorsque l'islamisme a prospéré dans l'activisme politique et social. Par contre, lemodernisme est une tentative d'adaptation à la réalité, mais les modernistestravaillent très peu dans le champ social. Il a noté l'absence de tout débat defond entre islamistes et modernistes, ce qui en a fait des adversaires ou desennemis, alors qu'ils font face au même pouvoir. « L'islamisme politique,malgré son indigence, reste une pensée opposée au marché absolu et à latechnologie dénuée de toute valeur et éthique », a-t-il-dit , estimant que pourdépasser certains antagonismes superficiels, il faut « dépasser la rigueur del'idéologie et aller à la souplesse de la politique ».Est-il possible de dépasser ces pesanteurs face au poids de l'agendasécuritaire ? Bessam Ghodmani, présidente de « Arab Reform Initiative », arelevé que l'histoire récente du monde arabe a donné une priorité absolue auximpératifs sécuritaires. 11 septembre, invasion de l'Irak, guerre contre leLiban, autant d'évènements qui ont relégué au second plan la nécessité deréformes. L'alibi sécuritaire est devenu ainsi aussi puissant que l'alibiislamiste pour négliger les réformes. Les deux sont d'ailleurs profondémentliés.
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Posté Le : 06/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com