Le livre de Maspero, sur L?honneur de Maspero, il faut le comprendre comme un honneur qui ne saurait être revendiqué par la France qui aussi ne pourrait être perpétré par la France parce qu?il jette une ombre opaque sur ses gloires. L?honneur de Bugeaud, de Cavaignac, de Lamoricière, de Trezel, de Négrier, de Clauzel ne saurait être celui du peuple de France, parce que terni par les agissements criminels d?homme on ne peut mieux décrits par Victor Hugo dans ses Châtiments, et chacun d?eux répond à la description de Saint-Arnaud dans son long poème vengeur. Ce général avait les états de service d?un chacal et le crime rimait en lui le vice, Buffon l?eut admis, certes, au rang des carnassiers. Oui. L?honneur de saint Arnaud est une véritable fresque. La France gémissante, l?Algérie sanglante, la liberté et la démocratie agonisantes en Algérie et en France en 1830, en 1848, en 1870, en 1852, en 1945, en 1954. Généraux bonapartistes, royalistes, légitimistes, ralliés à M. Thiers et à Guizot, offrant encore leur service à la République qu?ils tentèrent d?étouffer, déchaînés en Algérie pour assouvir leur soif de grade et d?argent au centre d?un pays qui n?a su et qui n?a pas pu arrêter l?aventure de la conquête d?Algérie. Alexis de Tocqueville, auteur de la Démocratie en Amérique et d?un travail sur l?Algérie dans une lettre au général Laromicière, justifiait la conquête et la violence que subissait notre pays « du moment, disait-il, que nous avons admis cette grande violence de la conquête, je crois que nous ne devons pas reculer devant les violences de détail qui sont absolument nécessaires pour la consolidation ». Dans son travail sur l?Algérie, il est beaucoup moins question des Arabes, dit Maspero dans le tableau de la société algérienne selon ses v?ux, que de Cherokees dans celui qu?il a fait de la société américaine. Tout au plus n?est-il question au chapitre des tribunaux « dans le cas où ce sont des indigènes, précise de Tocqueville, on peut établir pour eux des conseils de guerre. Ceci est d?un intérêt secondaire, les Arabes qui vivent avec nous sont en petit nombre et peu redoutables. Mais, ce qui n?est pas secondaire, c?est de donner à l?Européen qu?on invite à venir en Afrique toutes les garanties judiciaires, tant en civil qu?en criminel », fin de citation. Une histoire bien sombre que cette histoire coloniale qui ternit l?honneur de la classe politique et bafoue les valeurs de la révolution française. Maspero a été au-delà du procès de la colonisation française en campant seulement ses personnages et en donnant leurs portraits authentiques mis en lumière uniquement par leur ?uvre. Il a peut-être voulu exorciser le démon colonial de la France en passant en revue ses écrivains, ses clercs, ses généraux, ses ecclésiastes, ses lois, ses ministres, ses intégristes, ses rêveurs, ses bâtisseurs d?empire arrivés au sommet d?une France aux prises avec des ambitions d?empire, de suprématie européenne, de rivalités avec la Grande-Bretagne, l?Allemagne, la Russie pour le partage du grand butin colonial, mais aussi avec de grandes tentatives pour assassiner la liberté et la démocratie acquises au peuple français par la révolution de 1889, des Bourbons, des Orléanistes, des Bonapartistes qui reviennent au galop pour étouffer le peuple de France. Pour notre part, nous avons satisfait notre soif restée inextinguible jusqu?à la parution du livre de Maspero sur Saint-Arnaud. Maspero a su mieux que bien des historiens de grand renom ramassaient dans un seul tableau la tragédie franco-algérienne du XIXe siècle. Nous ne lui ferons pas l?injure de le compter parmi les ennemis de son pays et de son peuple, il demeure cependant le meilleur ami de notre pays et de notre peuple parce qu?il a dit la vérité aux Français. Ce courage nous le saluons au nom de tous nos martyrs Il faudra surtout répondre à ce courage par un autre. Celui de notre disponibilité à jeter les fondements d?une amitié durable entre les peuples d?Algérie et de France, celui de la solidarité qui a porté des Algériens à mourir pour la patrie de ses massacreurs, celui du combat pour les idées qui aident les peuples à s?émanciper et à se libérer du racisme, du narcissisme, de la paranoïa du seigneur et de la fausse grandeur. Les peuples d?Algérie et de France ont besoin l?un de l?autre dans cette phase historique des déclins et des défis. De nos jours, une gauche et une droite dans un pays ne peuvent signifier qu?une émulation, une vigilance pour maintenir un peuple dans son droit, sa liberté et sa prospérité. Une droite qui rêve de reconquête et de suprématie sur d?autres peuples devrait longuement se pencher sur l?histoire de la dislocation moderne des Etats et des empires, comme ce 8 Mai dont nous commémorons le souvenir amer et cuisant pour notre peuple, nous aider à mieux comprendre notre monde et nous associer à tous ceux qui défendent la paix et la sécurité de tous, grands et petits, car la liberté est une et indivisible, la justice reste l?équité d?un équivalent unique pour toutes les créatures et toutes les races. Docteur Brahim Ghafa (*) * Membre fondateur de la Fondation du 8 Mai 1945 Brahim Ghafa, décédé le 7 janvier 2002, membre fondateur de la Fondation du 8 Mai 1945, fut, à l?indépendance, le premier recteur de l?Université d?Alger. Ambassadeur au Koweït, au Japon et au Pakistan, et auteur de plusieurs ouvrages.
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Posté Le : 25/08/2005
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com