Mouloud Mammeri, ce professeur émérite de lettres classiques (latines et françaises), écrivain mondialement connu et traduit dans plusieurs langues, a su concilier ses fonctions scientifiques formalisées avec ses travaux immenses d'études et de recherche qu'il a consacrés par sa propre volonté au domaine berbère sa vie durant. Même maîtrisant la langue française au plus haut niveau, Mammeri s'en est plutôt servi comme outil pédagogique de travail pour servir les siens. Ainsi, il n'a jamais succombé dans l'aliénation. Il fût un intellectuel responsable. Alors que la langue berbère était perçue par le pouvoir et ses institutions comme étant un ?facteur de division? de la société, toute personne qui s'y intéressait était vouée aux hégémonies et indiquée d'élément à la solde du ?néo impérialisme?, un stéréotype très en vogue à l'époque du parti unique. En toute part, Mammeri enjambait moult obstacles sur le chemin de sa démarche engagée pour la renaissance de l'identité berbère. Mais le paradoxe ne peut échapper. En effet, nombre d'ouvrages d'étude sur ses ?uvres, de colloques internationaux organisés autour de sa carrière d'homme des sciences humaines, d'institutions scolaires de plusieurs pays qui ont intégré dans leurs programmes éducatifs respectifs ses textes, et nombre de prix octroyés à ses ?uvres, pendant que dans son pays il était ?frappé? du sceau de l'interdit d'expression qui n'a jamais dit son nom formellement. Mais le flou qui a entouré cette exclusion aiguisait encore plus sa détermination à continuer à poser un à un les jalons d'une réflexion sage, perspicace mais surtout réaliste d'une cause juste. Il développait une croyance religieuse en ce qu'il faisait. La bêtise humaine pouvait obstruer ou retarder quelque peu son ?uvre de renaissance, peut-être même qu'il pouvait sentir que le temps allait lui manquer pour l'achever, mais, dira-t-il à Tahar Djaout dans l'entretien qu'il lui a accordé : ? ?quel que soit le point de la course où le terme m'atteindra, je partirais avec la certitude chevillée que quels que soient les obstacles que l'histoire lui apportera, c'est dans le sens de sa libération que mon peuple (et à travers lui les autres) ira. L'ignorance, les préjugés, l'inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour, inévitablement, viendra où l'on distinguera la vérité de ces faux semblants. Tout le reste n'est que littérature.? Le temps lui donnera raison. Aujourd'hui la constitutionnalisation de l'identité berbère même encore inachevée, l'enseignement de la langue berbère même encore relatif, l'édition tous domaines et secteurs confondus même encore insuffisante? sont une réalité tant est que ?la libération ira.? Le temps lui a donné raison de cette avancée même si, aux premières heures de sa disparition, un mouvement, qui pourtant constituait non moins un bastion sociologique de la cause défendue, va malheureusement imploser d'abord et exploser ensuite comme si tout était planifié.A. A.
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Posté Le : 28/02/2012
Posté par : archives
Ecrit par : Abdennour Abdesselam
Source : www.liberte-algerie.com