Redwan Oqeil. Journaliste libanais, spécialiste des mouvements islamistes
« Fatah El Islam a profité de la crise politique » Pour Redwan Oqeil, journaliste au quotidien libanais Annahar, l?implication de l?armée libanaise dans les affrontements menace une stabilité politique déjà fragilisée par des mois de crise entre le gouvernement de la majorité et l?opposition. Quelle lecture politique faites-vous des violences autour du camp de Nahr Al Bared ? Malheureusement, l?armée a été impliquée dans les événements face à l?organisation Fatah El Islam. L?armée libanaise reste l?unique institution solide. Si les affrontements continuent, cela comporte des risques et menace la cohésion de l?armée elle-même. Et vous en Algérie qui avez l?expérience de la lutte antiterroriste, vous savez combien il est difficile pour une armée régulière de combattre ce genre d?organisation. Dans cet état de fait au Liban, le gouvernement porte l?entière responsabilité de ne pas avoir trouvé de consensus politique entre les différents partis pour aboutir à un accord sécuritaire. Fatah El Islam a, en fait, profité de cette situation de vide. Les différents partis avaient bien réalisé l?unité lors de l?agression israélienne (été 2006). A qui profite l?implication de l?armée dans un climat de crise entre la majorité au gouvernement et l?opposition formée par le général Aoun et le Hezbollah ? Personne ne peut en profiter parce que c?est dangereux. Mais la majorité (les forces présentes au gouvernement) porte l?entière responsabilité de cette implication, parce que les décisions sécuritaires n?ont pas été discutées et n?ont pas été le fruit d?un consensus. Les Etats-Unis ont annoncé une aide militaire d?urgence au gouvernement Siniora... La réaction des Etats-Unis n?est pas une surprise, mais il faut rappeler que les forces américaines et celles de l?Otan n?arrivent toujours pas à neutraliser Al Qaïda avec laquelle Fatah El Islam aurait des liens. Fatah El Islam est-il une invention de la Syrie, comme le laissent entendre certaines voix au Liban, comme Walid Joumblat ? On évoque beaucoup les services secrets syriens, c?est possible. Mais il faut savoir que Fatah El Islam est né dans une ambiance favorable dans la rue palestinienne, mais aussi dans la rue libanaise. Certains courants libanais salafistes ou sunnites ont encouragé ce genre de mouvement pour faire face à ce qu?ils qualifient d?« envahissement chiite ». Mais le problème est que la situation a explosé en face de tout le monde. En plus des affrontements au Liban-Nord, deux bombes ont explosé dans la capitale. Qu?en pensez-vous ? L?atmosphère à Beyrouth est lourde. Peu de circulation. Rues vides. Les gens sont terrorisés par ces explosions itinérantes. La bombe de lundi soir a explosé dans un quartier sunnite à Beyrouth-Ouest alors que celle de dimanche (qui a fait une victime) a explosé dans un quartier chrétien à Beyrouth-Est. C?est pour donner l?impression que personne n?est à l?abri. Y a-t-il un risque de guerre civile au Liban ? Non, les choses n?arriveront pas au déclenchement d?une guerre civile. Il y a une forte conscience chez la majorité des courants politiques libanais qu?il ne faut pas retomber une seconde fois dans la guerre civile.
Posté Le : 23/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Adlène Meddi
Source : www.elwatan.com