Algérie

Reconnaissance de la torture en Algérie' : Un changement "radical" dans la position officielle de la France


La reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans la torture est un changement "radical" dans la position officielle de la France, a estimé l'historienne Raphaëlle Branche auteure de "La Torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie" (2001)."Cette reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans la torture, la mort puis la disparition du corps d'un homme désarmé, arrêté parce qu'il était soupçonné d'appartenir à un mouvement clandestin opposé au maintien de l'Algérie française, marque un changement radical dans la position officielle de la France", a-t-elle expliqué dans une interview au Monde, soulignant qu'il ne sera "plus possible de nier le caractère systématique de la torture en Algérie".
Pour Raphaëlle Branche, professeure d'histoire contemporaine à l'université de Rouen, le président Emmanuel Macron, "en se démarquant des propos de ses prédécesseurs qui n'avaient reconnu que des actes minoritaires et déviants", reconnaît que la torture fut "un élément indispensable du dispositif répressif que l'armée française mit en place dès le début de la guerre".
"Il ne sera plus possible désormais de nier son caractère systématique: elle appartenait à l'arsenal disponible pour les militaires chargés de mener une guerre aux formes inédites, dans une population qu'ils connaissaient mal", a-t-elle ajouté, soulignant qu'au-delà des personnes arrêtées et soumises à ces violences, "la cible essentielle de la torture était la population civile". Elle considère que Maurice Audin "pouvait être le symbole des victimes de la torture pendant la guerre d'Algérie, dont toutes ces caractéristiques le distinguaient, c'est parce que cette violence avait été ordonnée et accomplie dans le cadre d'une lutte beaucoup plus large, à laquelle toutes les victimes appartenaient", soulignant qu'en reconnaissant la vérité sur la mort de Maurice Audin, le président Macron "reconnaît la vérité sur le système répressif mis en place à l'époque et a continué sous la Ve République".
Réfutant l'existence d'une "guerre de mémoire" entre la France et l'Algérie, l'historienne a estimé qu'"il y avait un mensonge, et ce mensonge-là a disparu".
"Les Algériens n'ignorent rien de la réalité du caractère massif de la torture pendant la guerre d'indépendance, des exécutions sommaires, des tortures et des autres violences illégales accomplies par les forces de l'ordre françaises. Cette déclaration ne leur apprendra rien. En revanche, elle leur dira qu'en France aussi les discours officiels sur le passé peuvent changer", a-t-elle fait remarquer, considérant que cette reconnaissance était "attendue par beaucoup".
Plaidant pour le partage d'une exigence de vérité entre les deux pays, Raphaëlle Branche a indiqué qu'en reconnaissant que des crimes ont été accomplis par des militaires français pendant la guerre, "Emmanuel Macron ne peut oublier l'histoire coloniale plus que centenaire".

Le fils de Maurice Audin appelle les témoins à "dire la vérité" et à "transmettre les documents"
Pour sa part, le fils de Maurice Audin, Pierre, a appelé vendredi les témoins de la guerre de libération nationale à "dire la vérité" et à "transmettre les documents" sur l'assassinat de son père par l'armée française, survenu il y a 61 ans.
Intervenant sur les ondes de FranceInfo, Pierre Audin a estimé que "c'est le début d'une nouvelle étape", après la déclaration jeudi du président Emmanuel Macron reconnaissant la responsabilité de l'Etat français dans la disparition et l'assassinat de son père. "C'est le début d'une nouvelle étape. Ce qui est important, c'est que le président de la République a reconnu que la torture était un système qui était essentiellement une arme politique, qui ne servait qu'à terroriser la population et qu'il décide d'ouvrir les archives concernant tous les disparus, pas seulement mon père", a-t-il répondu au journaliste, appelant les témoins de l'époque à parler.
"Tout est prescrit et tout est amnistié depuis longtemps. Désormais, il faut dire la vérité et transmettre les documents qui permettront de savoir, pour mon père et pour des milliers d'autres, ce qui est arrivé précisément", a-t-il soutenu, regrettant qu'il ait fallu 61 ans pour que l'Etat français reconnaisse sa responsabilité dans ce crime.
Il a rappelé, par ailleurs, qu'il est "tout à fait clair" à l'époque que "quand les militaires annonçaient que quelqu'un s'était évadé cela voulait dire qu'il avait été assassiné".
"C'était un langage codé, mais dans le système de terreur qui régnait à Alger à ce moment-là, il est tout à fait clair que c'était ce que ça voulait dire. Il n'y avait pas d'ambiguïté", a-t-il précisé, exprimant son étonnement devant le cas de son père où les responsables de son assassinat "ont carrément été jusqu'à mimer une scène d'évasion".
Jeudi, la France a reconnu officiellement, et pour la première fois, avoir instauré un "système" recourant à la "torture" pendant la guerre de libération nationale.
La présidence française a indiqué, dans un communiqué, que le militant algérien Maurice Audin, disparu en juin 1957, est "mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France".
Dans une déclaration remise à la veuve Josette Audin, le président Emmanuel Macron a appelé à l'approfondissement du travail de vérité lié à la guerre d'Algérie.
"Il importe que cette histoire soit connue, qu'elle soit regardée avec courage et lucidité", a-t-il dit appelant à l'approfondissement du travail de vérité qui doit ouvrir la voie à une "meilleure" compréhension de passé français et à une volonté "nouvelle" de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien.
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