Réconciliations

«Les réconciliations ont un intérêt tout spécial et qu'il faut savoir apprécier. Ce sont des rechutes légères, dont on revient complètement guéri.» Henry BecqueRéconciliation: voilà un bien joli mot. Quand on parle de réconciliation, c'est reconnaître qu'auparavant il y a conflit, crise, et peut-être divorce. Entre qui et qui' S'il s'agit d'un différend né entre deux personnes, l'affaire n'est pas grave et sans grande conséquence. Mais l'affaire se corse quand il s'agit d'une crise née entre deux communautés, deux pays...Si l'on fait un retour en arrière sur les origines de certaines guerres civiles, on peut expliquer les conflits par le refus d'une majorité légaliste de laisser la place libre à un mouvement contestataire:c'est les cas de la sanglante épopée de la République espagnole qui est tombée sous les coups des fascismes européens. Pourtant, une fois que Franco a quitté la scène politique, la sanction des urnes a enfanté une réconciliation acceptée et souhaitée par la majorité. La réhabilitation des républicains fut immédiate et sans appel. Les nations européennes qui se sont fait des guerres incessantes des siècles durant, se sont réconciliées autour du projet commun d'une Europe unie. La guerre de Sécession américaine a laissé une plaie béante dans la mémoire des Sudistes:une intelligente et sage politique de réconciliation a vite fait de refermer toutes les blessures autour de «l'American dream».L'Afrique du Sud, création coloniale, avait hérité après la Seconde Guerre mondiale d'un régime qui prônait l'évolution séparée des communautés noire et blanche. Le régime de l'Apartheid mis en place après la Seconde Guerre mondiale a concentré tous les pouvoirs et tous les moyens entre les mains d'une minorité blanche, ce qui provoquera un contraste saisissant entre les deux communautés. Pendant que l'une menait l'american way of life, l'autre s'enfonçait dans une misère moyenâgeuse. Cela a engendré une résistance des populations d'origine africaine qui ont, avec l'ANC, mené une lutte qui a duré plus de trois décennies.Cette lutte a été marquée par des violences inouïes, des massacres atroces et des condamnations iniques à l'encontre des dirigeants de l'ANC et des chantres de la liberté. Cela n'a pas empêché Nelson Mandela de créer, au lendemain de son accession au pouvoir, une commission de vérité pour enquêter sur tous les crimes et dépassements commis durant les années de confrontation.Une nation, pour pouvoir survivre, doit se regarder sereinement dans la glace et faire le nécessaire travail psychologique pour arriver à une réconciliation nationale.Ainsi, les anciens bourreaux, des deux bords, sont passés devant la commission qui les a jugés et condamnés à des peines proportionnelles à leurs crimes. Même Winnie Mandela, l'ancienne compagne de l'illustre prisonnier, a subi les foudres de la justice.Chez nous, la tragédie nationale qui a fait un grand nombre de victimes et dont les derniers soubresauts de la bête immonde sont encore perceptibles dans certaines régions, est en train d'être traitée par toute une série de mesures aussi bien matérielles que législatives pour réparer les crimes et dépassements commis. Cependant, la Réconciliation nationale ne serait pas complète si on ne donnait pas le même traitement aux victimes des événements de1963 à 1965, qui ont vu un parti démocratique se dresser contre la dictature du parti unique. Les militants du FFS ont droit aussi à la reconnaissance nationale. C'est leur combat qui a donné l'espoir à tous ceux qui militent aujourd'hui d'une manière pacifique, pour une Algérie libre et démocratique.