Algérie

Récit historique sur un pays "dépossédé"



Les représentations de la colonisation française de l'Algérie continuent de nourrir la littérature des deux rives de la Méditerranée. Nostalgie, témoignages, motivations politiques ou simplement considérations personnelles sont les principaux moteurs de ce foisonnement littéraire.Le mois de septembre dernier a vu la parution, aux éditions Verdier, du livre Alger, rue des Bananiers, de Béatrice Commengé, native d'Alger en 1950 qu'elle a quittée en 1961. "Le hasard m'avait fait naître sur un morceau de territoire dont l'histoire pouvait s'inscrire entre deux dates : 1830-1962.
Tel un corps, l'Algérie française était née, avait vécu, était morte", écrit-elle. Et d'ajouter : "Le hasard m'avait fait naître sur les hauteurs de la Ville Blanche, dans une rue au joli nom : rue des Bananiers. Dans la douceur de sa lumière, j'avais appris les jeux et les rires, j'avais appris les différences, j'avais aimé l'école ?Au Soleil ?et le cinéma en matinée, j'avais découvert l'amitié et cultivé le goût du bonheur."
Concernant le point de départ de son livre, elle répond : "C'est la prise de conscience que «l'Algérie française» est un moment de l'histoire née en 1830 et morte en 1962." Béatrice Commengé pense avoir eu de la chance d'être partie en 1961, car si c'était en 1962 "avec la valise", elle n'aurait pas eu la même perception de ses souvenirs qui sont, pour elle, faits surtout de jours heureux.
Sa seconde chance, estime-t-elle, est d'avoir eu des rapports exceptionnels avec les Algériens de sa rue des Bananiers et de son école "ayant eu la chance d'habiter un quartier où il y avait beaucoup d'Algériens autochtones, je jouais dans la rue avec les petites Algériennes, contrairement aux enfants de certains qui restaient en communauté".
L'ouvrage de Béatrice Commengé est un récit familial qui se veut aussi historique. En suivant la présence de sa famille en Algérie, elle remonte jusqu'aux années 1860 pour parler de sa grand-mère maternelle. Occasion d'évoquer la visite en Algérie de Napoléon III en 1865.
Sa vie tranquille dans la paisible rue des Bananiers est ponctuée de rumeurs qu'elle "entend, au loin, sur des attentats et des révoltes". Béatrice grandit, et "sa vie commence à se mêler à l'Histoire de l'Algérie, elle ne pense qu'à ça, à l'Histoire de cette Algérie colonisée, transformée, dépossédée, malmenée".
Sa conception de son rapport à l'Algérie ' "Ce qui s'est passé, ce sont des faits historiques qui sont finis, il y a des émotions et des blessures, mais il faut voir tout cela avec du recul." Béatrice Commengé est retournée en Algérie en 1978, "sur ses traces", confie-t-elle.
L'intérêt du récit est qu'elle réussit à mêler son histoire familiale et l'histoire de la colonisation "sur laquelle elle porte, avec le recul, un regard juste en n'occultant aucune des fautes et des crimes commis par la France dans cette opération".
Nostalgie et poésie sont bien présentes dans ce livre qui se veut pourtant un regard détaché sur les évènements. Mais le naturel revient toujours : "À douze ans, je pensais l'avoir quittée sans regrets, cette terre de l'enfance. C'était l'enfance qui me quittait, en même temps que je quittais le lieu qui l'avait nourrie. La concomitance me séduisait ? ou me consolait : une adolescente inconnue poursuivrait, ailleurs, le chemin, de l'autre côté de la mer."

ALI BEDRICI
Alger, rue des Bananiers, de Béatrice Commengé, éditions Verdier, 128 pages, septembre 2020.


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