Algérie

Recherche sur l'Algérie à l'époque ottomane



LemnouarMerouche, enseignant d'histoire à l'université d'Alger de 1975 à 1990, vient depublier aux éditions Bouchènes, à Paris, les deux premiers tomes de Recherchesur l'Algérie à l'époque ottomane, qui en comptera quatre. Merouche ne cache pas sa dette à l'égard descontributions de premier plan relatives à cette thématique de Pierre Vilar,Claude Cahen, Maxime Rodinson, et en particulier à la méthodologie d'ErnestLabrousse, qui « a bouleversé, écrit-il, la méthode d'histoire économique etsociale en analysant la dynamique des structures de la société à partir del'observation des mouvements des prix et des revenus sur une longue durée », méthodologieque l'auteur a eu l'intelligence d'adapter au contexte local. Merouche a également fait justice del'imprégnation coloniale de l'histoire de l'Algérie de cette période, qui serésume dans « Alger nid de pirates », en vue de justifier l'entreprisecoloniale. Il a réservé un sort identique à l'imprégnation nationaliste del'histoire de cette période. En décrivant cette dernière comme un « âge d'or »,les nationalistes visaient à insuffler l'esprit de résistance au peuplealgérien, soumis alors au joug colonial. Le premier volume de ce livre traite del'histoire de la monnaie, des mouvements des prix et des revenus, pourexpliquer le processus de formation des groupes sociaux, de leur reclassementet de leur déclassement, ainsi que les rapports de domination des uns par lesautres. Il montre aussi les liens de causalité entre pouvoir et richesse: dansl'Algérie sous domination ottomane, la fortune était intimement liée à laparcelle de pouvoir que l'on détenait dans l'appareil d'Etat ou dans la corporationdes raïs. Les plus grosses fortunes se recrutaient de ce fait parmi les élitesau sommet du pouvoir d'Etat: pachas, amiraux, grand raïs... Viennent ensuitedes couches moyennes: janissaires, ouléma, fonctionnaires...  Le deuxième volume traite de la course. Lamauvaise réputation d'Alger à cette époque reposait sur deux véritésincontestables: la place centrale et durable (1520-1830) de la course dansl'activité économique et la vie politique dans la régence d'Alger. Cetteprédominance a constitué, selon l'auteur, la cause directe de l'émergence de«l'Etat d'Alger». L'activité de la course, qui ne serait passynonyme de piraterie, connaît trois grandes périodes en Algérie: la premièreest fondatrice de l'Etat d'Alger, dans son affrontement avec l'Espagne(1535-1579), qui a vu la libération définitive de la majeure partie desterritoires maghrébins sous la domination de cet empire; la deuxième, le «siècle de la course » par excellence, occupant une place déterminante dansl'activité économique (1580-1699); et la période de déclin (1700-1830),caractérisée par, à la fois, la réduction considérable du nombre de navires etla faiblesse des prises, qui voit se détourner d'elle les détenteurs du pouvoiret des richesses, qui lui préfèrent désormais d'autres placements bien plusrentables, telle l'agriculture d'exportation.Cependant, lacourse était loin d'être l'apanage des Maghrébins, car elle était pratiquée partoutes les puissances maritimes de l'époque: espagnole, française, hollandaise,anglaise, etc. Et contrairement à ce que l'on croit, l'état de belligérance enMéditerranée n'opposait pas toujours, d'un côté, les musulmans et de l'autreles chrétiens. De nombreuses guerres maritimes et terrestres et activités decourse dans cette région du globe avaient opposé certains Etats chrétiens,notamment français, en alliance avec la Régence d'Alger, de Tunis ou deTripoli, à l'empire espagnol, qui lui-même était allié à d'autres royautésmusulmanes, à Oran, Tlemcen, Tunis, etc. Et vice-versa. Ces alliances secontractaient au gré des intérêts économiques, militaires ou diplomatiques, etlaissaient peu de place aux considérations d'ordre confessionnel, en dépit desjustifications « djihadistes » ou de la chrétienté avancées quelquefois par lesuns et les autres. L'auteur fait remonter la prise de contactsdes Ottomans avec les Algériens au moment où ils avaient volé au secours desAndalous, expulsés d'Espagne. Ils prendront ensuite pied en Algérie, qu'ilsdomineront à partir de 1512-1514, avec les frères Aroudj et Kheireddine. Cettedomination s'était illustrée, entre autres, par l'absence pendant trois sièclesde dirigeants de l'Etat de la course et des grosses fortunes d'originealgérienne, à l'exception de raïs Hamidou.




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