Algérie

RCD, le défi de la résistance



Ce mercredi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) fête trente-trois ans d'existence, période durant laquelle il a connu des hauts et des bas. Aujourd'hui, face aux changements et aux mutations opérés dans la société, le parti, dont le parcours est atypique, est, comme d'autres, appelé à adopter de nouveaux paradigmes.C'est quelques mois après les événements d'Octobre et peu avant l'adoption de la nouvelle Constitution qui allait ouvrir le champ au pluralisme politique que d'anciens animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB) organisent, les 9 et 10 février 1989 à Tizi Ouzou, un congrès constitutif d'un nouveau parti politique dénommé Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).
Se définissant comme un parti social-démocrate et ouvertement laïque, la nouvelle formation politique qu'a présidée Saïd Sadi durant 23 ans se distingue très vite par une farouche opposition à l'islamisme politique rampant qui avait versé dans la violence dans le pays au début des années 1990.
Mais aussi par l'introduction dans le débat public de thématiques résolument tournées vers la modernité, comme les droits de l'Homme, la liberté de conscience, la laïcité, l'égalité homme-femme...Comme beaucoup de partis politiques de la mouvance démocratique, le RCD s'affiche clairement aux côtés des forces qui luttaient contre le terrorisme et l'intégrisme.
Un engagement qui a coûté cher au parti puisque beaucoup de ses cadres ont été assassinés. Parmi eux, figurent des personnalités de premier plan, à l'instar de Rachid Tigziri. Dans la bataille engagée contre le terrorisme, le RCD, auteur de la proposition de la résistance populaire, va ferrailler, en Algérie et à l'étranger, contre la thèse du "qui-tue-qui '", laquelle entretenait la confusion sur la paternité des auteurs des violences.
Outre la lutte contre l'intégrisme, le RCD va mener une rude bataille pour la promotion de l'identité amazighe. Un prolongement de la lutte de la majorité de ses cadres et militants qui sont quasiment tous passés par le Mouvement culturel berbère durant les années 1970 et 1980.
C'est dans ce cadre qu'il s'investit dans la grève du cartable, qui a vu tous les écoliers et étudiants de Kabylie boycotter les écoles et universités durant l'année scolaire 1994-1995. Un boycott initié par le MCB, dont le porte-parole d'alors n'était autre que Ferhat Mehenni, un cadre du parti avant de le quitter quelques mois plus tard.
Dès sa création, le RCD participait régulièrement aux échéances électorales comme aux élections législatives de 1991 ou encore à la présidentielle de 1995 qui a vu son président Saïd Sadi postuler à la magistrature suprême.
Saïd Sadi est arrivé en troisième position derrière Liamine Zeroual et Mahfoud Nahnah, le candidat islamiste. Cette participation du leader du RCD avait été diversement appréciée à l'époque.
Tandis que ses partisans y voyaient une attitude courageuse alors que le pays était menacé d'effondrement, ses opposants, notamment ceux qui appelaient au dialogue avec les islamistes du Front islamique du salut (FIS) l'accusaient de "cautionner le pouvoir".
Mais la plupart ont fini par participer aux locales et aux législatives de 1997. Et ce fut la première fois où la quasi-totalité des formations de l'opposition avaient fait front commun pour dénoncer la fraude électorale. Une posture cependant qui ne les a pas empêchés d'intégrer le Parlement. Le RCD y comptait 19 députés, dont son président.
À l'arrivée d'Abdelaziz Bouteflika aux commandes, le RCD, rassuré par des engagements de réforme notamment de l'école, de la justice et des structures de l'Etat, intègre l'Exécutif. Il sera représenté par deux responsables : Amara Benyounès et Hamid Lounaouci.
Pour expliquer ce choix, venu après l'appui du parti à la politique de la Concorde civile qui a permis "à des milliers de terroristes de déposer les armes", la direction du parti évoquait l'application, par le défunt chef de l'Etat, d'une partie du programme du RCD.
C'est le cas des chantiers portant réforme de l'école, amendement du code de la famille et réforme de l'Etat. Mais le déclenchement des événements du Printemps noir en Kabylie en 2001, où plus d'une centaine de jeunes seront tués, contraint le parti à claquer la porte du gouvernement. Les deux ministres du parti démissionnent alors en mai 2001.
Et c'est le retour à une opposition farouche au pouvoir. Mais aussi le début de quelques remous internes puisque de nombreux militants ou cadres décident de quitter le parti. Certaines figures décident ainsi de changer d'air : c'est le cas de Khalida Toumi, d'Amara Benyounès ou encore d'El-Hadi Ould Ali.
Ils seront bientôt suivis par Tarik Mira, Ali Brahimi et Djamel Fardjallah et, plus récemment encore, par Nordine Aït Hamouda. Dans la foulée, des militants démissionnent ou sont carrément poussés vers la sortie. Certains intégreront les gouvernements successifs d'Abdelaziz Bouteflika, à l'image de Khalida Toumi, d'Amara Benyounès et d'El-Hadi Ould Ali.
Un des rares partis à maintenir une ligne d'opposition dure au pouvoir, parfois même à travers la tribune de l'APN, le RCD tente en 2012 d'organiser des manifestations publiques dans le sillage des "Printemps arabes" : tentative avortée par le grenouillage de certains autres partis mais aussi par la répression.
Quelques mois plus tard, Saïd Sadi annonce, la veille d'un congrès ordinaire du parti, son intention de passer le flambeau. Il quitte alors la présidence du parti et apporte son soutien à Mohcine Belabbas. Les deux hommes cohabiteront au sein des instances du parti jusqu'à une rupture totale survenue en 2019. Entre-temps, Saïd Sadi quitte définitivement les rangs du RCD lors du dernier congrès.
Depuis, le RCD a pris une orientation plus radicale dans son opposition au pouvoir. Un choix qui lui vaudra de terribles pressions lors des dernières années de Bouteflika. Elles s'accentueront depuis son implication directe dans le mouvement populaire, le Hirak.
Fait inédit, le président de cette formation, Mohcine Belabbas, est mis sous contrôle judiciaire pour des faits de droit commun. Mais les responsables du parti considèrent qu'ils paient leur engagement contre le pouvoir qui les met souvent en garde quant à leur implication dans l'opposition.
L'année en cours s'annonce décisive dans la vie du RCD. En effet, le parti s'apprête à tenir au mois de juin un congrès ordinaire qui aura pour ambition de "donner un nouveau souffle", selon un cadre. Cela commencera par l'élection d'un nouveau président puisque Mohcine Belabbas a annoncé son intention de ne pas briguer un troisième mandat. Les préparatifs pour ce rendez-vous organique battent leur plein.

Ali BOUKHLEF


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