Algérie

Ras l?bol de mai 68



Chaque année, c?est la même insupportable ritournelle mais cette fois-ci, c?est bien pire que tout. Je ne vous parle pas des jours fériés qui ont pratiquement gommé la première quinzaine du mois. Jugez donc : le premier mai ? Un jeudi. Le 8 mai, jour anniversaire de la fin de la Guerre mondiale en Europe ? Un jeudi (notez au passage que la France est le seul pays européen à célébrer cet anniversaire par un jour férié). Joignez le tout avec le lundi de pentecôte (12 mai) et vous obtiendrez des ponts à gogo qui font hurler les partisans du travailler plus pour gagner plus. Tant mieux, qu?ils enragent...Non, soyons sérieux et, en attendant de pester contre le festival de Cannes et les images soporifiques de Roland Garos, parlons de l?avalanche commémorative à propos des événements de mai 1968. Impossible d?y échapper.Les télés, passe encore, on peut appuyer sur le bouton vert de la télécommande et redécouvrir les richesses du silence. Mais que faire quand librairies, journaux et radios participent à pilonnage aussi intensif qu?omniprésent. Mieux vaut ne pas lutter. On abandonne toute résistance. On lit et on écoute.Première constatation, la grande majorité des Français tiennent à « mai 68 » et refusent de diaboliser cette période qui a profondément transformé leur société et leur mode de vie. Aucun sondage pour dire le contraire, pas même une bonite pondue par l?institut Opinionway, devenu le champion de la bonne information, celle qui, contre toute évidence, conforte en permanence les actions du locataire de l?Elysée... Bien sûr, il y a bien quelques grincheux pour prétendre que les Trente-cinq heures sont la continuation de mai 68 mais personne ne prête vraiment attention à leur délire.Ouvrons une parenthèse. Pourquoi le mari de Carla Bruni déteste-t-il tant cette période ? On le sait, il n?a jamais cessé de répéter durant la campagne électorale de 2007 qu?il fallait en finir avec l?héritage de mai 68. Quel paradoxe. Il suffit de s?attarder quelques secondes sur sa vie privée pour se rendre compte de tout ce qu?il doit à cette époque. Mais passons. Remarquez, j?ai tout de même ma petite idée. Plutôt que de m?attarder sur cette photo où l?on voit un jeune homme en rouflaquettes manifestant son soutien au général de Gaulle sur les Champs-Élysées, je me dis, avec une certaine indulgence, qu?il s?est peut-être perdu un soir de mai 68 dans une ruelle du quartier latin et que face à un groupe d?extrême-gauche, les choses se sont très mal passées. C?est souvent ainsi que naissent les haines les plus tenaces...Pour autant, ne comptez pas sur moi pour sacraliser mai 68. Essayons plutôt de faire la part des choses au risque de se faire rappeler à l?ordre. Le mouvement social, les grèves des travailleurs, la mobilisation ouvrière, tout cela mérite respect, admiration et même nostalgie. Sans grèves, sans l?arrêt des chaînes de montage, il n?y aurait jamais eu les fameux accords de Grenelle qui façonnent encore - mais pour combien temps - le monde du travail en France. Je comprends ceux qui rêvent aujourd?hui d?un nouveau mouvement de protestation mais il faut bien reconnaître que le monde a changé et qu?il sera difficile d?obtenir ce que les syndicats ont obtenu durant les mois qui ont suivi mai 1968.Mais évoquons ce qui m?agace le plus. Dans toutes les rétrospectives, la part du lion est toujours dévolue aux émeutiers parisiens et je note que l?on passe souvent sous silence le caractère improvisé de nombres de leurs cortèges. Que dire aussi de cette litanie de verbiages marxisants, aussi creux qu?insipides sans oublier le caractère à la fois puéril et grandiloquent des barricades (on ne refait pas la Commune quand on vit dans les Trente glorieuses...). Mais ne soyons pas méchant, au début d?une révolution, on trouve toujours quelques pieds nickelés qui se rassemblent sans vraiment savoir quoi faire. Sinon, à part cela, on connaît l?essentiel du film : les charges des CRS, Danny le rouge, les arbres que l?on arrache, les voitures que l?on renverse, les cocktails Molotov, les étudiants qui se réfugient dans les immeubles et que la police embarque au petit matin. Bon... D?accord, tout cela mérite d?être conté de temps à autre, surtout si l?on rajoute l?épisode d?un général aux abonnés absents parti chercher le réconfort des militaires.Impressionnante la bataille de mai 1968 ? Je le concède aisément. Et elle le fut à plus d?un titre. Des affrontements violents, des blessés, dont certains très graves, mais aucun mort. Plus de six ans après les victimes du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 - dates encore trop souvent confondues -, cela relevait du miracle. Et à chaque fois que je lis quelque chose à propos de mai 1968, je ne peux m?empêcher de penser aux événements d?octobre 1988 en Algérie. Bien sûr, comparaison n?est pas raison mais il semble que le respect de la vie d?autrui, fut-il un manifestant déchaîné, varie nettement selon les latitudes.La semaine dernière, j?ai entendu à la radio d?anciens émeutiers du quartier latin qui confrontaient leurs souvenirs avec certains de ceux qui leurs faisaient face. « On n?aurait jamais dû dire CRS-SS », a concédé l?un des premiers. « On avait le même âge mais on avait plus la trouille que vous », a répondu l?un des seconds. C?était touchant, cela faisait presque cercle des anciens combattants. Et c?est là où je me suis remémoré les propos d?un confrère très remonté contre la génération des « barricades ».« J?en ai assez des anciens soixante-huitards, m?a-t-il dit. Ils sont partout, ils verrouillent tous les postes et c?est nous (comprendre les quadra) qui sommes leurs principales victimes ». A l?époque, c?était en janvier dernier, la sortie m?a fait rire mais je l?ai notée le soir même pour être sûr de vous la resservir. Ne croyez surtout pas qu?il s?agisse d?une opinion isolée. Dans le monde de la presse française, comme ailleurs - notamment en politique - ceux qui ont descellé le pavé en 1968 - ou qui prétendent l?avoir fait, car je suis certain qu?il existe bien quelques faux soixante-huitards - tirent encore les ficelles ce qui leur vaut nombre d?inimitiés. Mais nous autres Algériens pouvons aisément les comprendre, ils ont fait une « révolution » et ils n?ont absolument pas l?intention de lâcher la (bonne) affaire. 
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