Une pétition a été lancée pour dénoncer la préconisation de Benjamin Stora de construire une stèle à l’effigie d'Abdelkader en France. Ses initiateurs s’élèvent contre l’idée d’ériger une statue «sur la terre où il fut retenu en otage». La proposition est également condamnée par son arrière-petit-neveu et président de la fondation Émir Abdelkader.
Le rapport de Benjamin Stora sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie commandé par le Président français Emmanuel Macron ne cesse de faire réagir, notamment en Algérie.
Cette fois-ci, c’est la recommandation de l’historien aux autorités françaises d’ériger une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader (1808-1883), résistant contre la conquête de l’Algérie par la France, qui soulève de vives critiques. Dans son chapitre «Préconisations», Benjamin Stora écrit: «La construction d’une stèle, à Amboise, montrant le portrait de l’émir Abdelkader, au moment du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022. Restitution de l’épée d’Abdelkader à l’Algérie.»
Cette proposition a fait réagir un groupe de citoyens et d’intellectuels algériens qui ont lancé, lundi 1er février, une pétition en ligne.
«Nous, signataires de cette pétition, nous nous élevons de la façon la plus ferme et la plus déterminée pour dénier à cet État de jouer encore avec la haute figure de notre émir. Nous demandons de la façon la plus énergique à notre propre État de se positionner clairement contre cette manœuvre néocoloniale et de peser de tout son poids pour refuser ce crime supplémentaire contre notre mémoire nationale», peut-on lire.
Otage
Les initiateurs de la pétition considèrent que la proposition de Benjamin Stora de construire cette stèle à Amboise, «terre où il fut retenu en otage», constitue un «détournement du nom et du prestige de l’émir Abdelkader par l’État français parjure».
Alger
© SPUTNIK . VLADIMIR PERVENTSEV
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«L’État français a parjuré l’armistice signé par le général Lamoricière et l’émir Abdelkader. Il a détourné le bateau censé le conduire en Palestine, sur la base de cet armistice, et l’a pris en otage avec sa famille et sa suite», rappellent-ils.
Mohamed Lamine Boutaleb, président national de la fondation Émir Abdelkader et arrière-petit-neveu du résistant algérien, fait partie des pétitionnaires. Contacté par Sputnik, il souhaite que cette initiative «reçoive le soutien et la signature du plus grand nombre de nos compatriotes» et qu’elle devienne «l’impulsion de campagnes de la mémoire et du souvenir des symboles, des héros et des dirigeants des longues résistances du peuple algérien».
«La fondation Émir Abdelkader s’oppose naturellement à cette proposition d’élever une statue à l’émir comme projet d’État. Elle s’oppose au détournement d’un de nos symboles nationaux les plus forts pour faire passer un projet de reconquête par la culture. Elle s’oppose encore plus à la distorsion des faits et de la réalité coloniale.»
«La fondation affirme la solidarité et la cohérence logique de toutes les oppositions à ce rapport. Elle salue et exprime sa gratitude aux réactions des historiens algériens et français qui ont opposé à ce rapport la rigueur d’un examen scientifique qui en a dévoilé les présupposés idéologiques», poursuit-il.
Reconquête par la culture
Mohamed Lamine Boutaleb se montre particulièrement critique envers l’enquête commandée par l’Élysée. Il estime que le projet d’État d’élever cette stèle à Amboise ne doit pas être isolé de l’ensemble des autres propositions.
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«Cette atteinte à notre mémoire, cette variante "Stora" du récit colonial est la méthode la plus appropriée, celle de la reconquête par la culture», relève le président de la fondation en rejetant le principe de «mémoire partagée» mis en avant par l’historien originaire de Constantine.
«Ce rapport a une importante fonction politique interne en France même. Il présente une version "honorable" de la conduite coloniale pour anesthésier la vigilance des courants populaires français quant aux projets de reconquête en ces temps de crise aussi bien en direction de notre pays qu’envers ceux de la région. Il poursuit, dans des formes différentes et moins brutales, la thèse des "bienfaits" du colonialisme et du Discours de Dakar. Selon cette variante Stora, le colonialisme ne serait pas une "abomination"», ajoute Mohamed Lamine Boutaleb.
Pour l’heure, les autorités algériennes n’ont pas réagi officiellement au contenu du texte rédigé par Benjamin Stora. Au mois de juillet 2020, le Président Abdelmadjid Tebboune avait désigné Abdelmadjid Chikhi, son conseiller chargé des archives et de la mémoire nationales, «pour mener le travail en cours avec l’État français sur les dossiers inhérents à la mémoire nationale et à la récupération des archives nationales». Celui-ci, qui occupe également le poste de directeur général du Centre national des archives algériennes, n’a pas encore rendu public son propre rapport.
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Posté Le : 07/02/2021
Posté par : xeres13
Ecrit par : Tarek Hafid
Source : https://fr.sputniknews.com/