Voici quelques rappels historiques sur l’amazighité de la plaine de Ṯamețțišṯ (Tametticht, Thametstsichth, Mitidja) (1) et de ses habitants, les Mtatiǧ :
LUGAN Bernard écrit : « […] Durant la période française, le bloc berbère fut doublement entamé, à la fois par l’ « école de la République » et par l’extension de la langue arabe. Blida et Boufarik totalement berbérophones au moment de la conquête française étaient ainsi devenues arabophones en 1962 […] » (2)
HADDADOU Mohand-Akli rappelle : « […] En fait, le processus de déstabilisation a commencé avec la colonisation française qui, au dix-neuvième siècle, a déstructuré les sociétés berbères traditionnelles et favorisé les déplacements de population. A titre d’exemple, des villes comme Blida et Boufarik, données au début du vingtième siècle encore comme entièrement berbérophones, ne le sont plus aujourd’hui […] » (3)
LAOUST Émile écrit : […] c’est Marengo [Ḥaǧǧuṭ] distante de 14 kilomètres qui est et restera la capitale de la Mitidja occidentale [Ṯamețțišṯ].«
Cependant c’est un centre ; là se tient le marché le plus important de la région.
Les Ichenouaien [Išenwiyen] y viennent nombreux et se mélangent aux Beni-Menacer [Ayṯ Mnaṣir], aux Beni-Menad [Ayṯ Mennad], aux Soumata [Isumaṯen]. C’est le triomphe de la langue berbère. Partout elle résonne, soit dans les cafés maures qui regorgent de monde, soit dans les groupes d’acheteurs discutant le prix des marchandises avec une âpreté bien kabyle. Quelques négociants mozabites [Imzabiyen] complètent la famille.
Le marché occupe en dehors du village, sur la route de Blida, un vaste emplacement entouré de platanes. […] » (4)
Il subsiste toujours dans cette plaine, aujourd’hui partagée entre les wilayas de Blida, Alger, Tipaza et Boumerdès, des toponymes amazighs même si certains sont, aujourd’hui, altérés. L’un des plus célèbres se situe en son centre, il s’agit bien évidemment de “Bufarik” (Boufarik, cne de la w. de Blida) qui pourrait être la contraction de “Bu” et “Ufrik”, c’est-à-dire « là où abonde les moutons », si on fait le lien avec le célèbre marché aux bêtes qui existe localement depuis des siècles, ceci reste une hypothèse vu que la richesse de la racine [FRK], rem. : bien que le “mouton” soit nommé “ikerri” dans le parler atlassien, la variante “ufrik” est devenu un archaïsme, elle est attestée, aujourd’hui, uniquement en toponymie comme l’hydronyme “Tala Ufrik” (« La Source du Mouton ») chez les Ayṯ Xlifa du Petit Atlas. Dans les autres parlers amazighs, “ufrik” désigne, l’agneau ou le bélier.
Nous citons également comme toponymes amazighs dans la plaine :
▪Bni Mered (cne de la w. de Blida),
▪Bni Šugran (N.-E. de Mouzaïa, entre Oued El Alleug et Attatba), rem. : possible lien avec la tribu amazighe des “Bni Šugran” dans la w. de Mascara (N.-O. de l’Atlas tellien),
▪Bni Tamu (cne de la w. de Blida), rem. : “atamu” désigne dans le parler atlassien, “la meule de foin”,
▪Budwaw (cne de la w. de Boumerdès),
▪Bwinan (cne de la w. de Blida), rem. : ce toponyme est aussi transcrit “Bu Inan”, il est aussi prononcé “Buynnan” avec une légère insistance sur le “n”, il semble qu’il n’y ait aucun rapport avec “bu ɛaynan” (“Celui aux deux grands yeux”) comme le prétendent certains. A Fès (Maroc), une école coranique célèbre porte le nom de “Lmedrasa Lbwinaniya”,
▪Dewwaṛ Serḥan (S. de Boufarik), rem. : à ne pas confondre avec l’hagionyme “Sidi Serḥan” du Petit Atlas tout proche, “aserḥan” désigne, aux côtés d’autres dénominations, “le cheval”,
▪Dwawda (cne de la w. de Tipaza),
▪Farɣen (S.-E. de Koléa),
▪Fuka (cne de la w. de Tipaza),
▪Gergur (Oued El Alleug), rem. : “agergur” désigne une “localité pierreuse”,
▪Gerwaw (cne de la w. de Blida), rem. : “agerwaw” désigne un “tas de pierre”,
▪Ḥawš Bu Ɛamrus (S. de Boufarik), rem. : v. “ Ɛamrusa”,
▪Hrawa (cne de la w. d’Alger), rem. : nom d’une ancienne tribu, nom originel “Ihrawṯen” ?,
▪Lɛefrun (cne de la w. de Blida),
▪Maraman (N. de Blida), rem. : il s’agit, peut-être, d’un toponyme contracté en “mmaren” et “aman” qu’on traduit littéralement par “Il n’y a plus d’eau”,
▪Muzaya (cne de la w. de Blida), rem. : nom arabisé d’une confédération du Petit Atlas occidental, nom originel “Imuzawiyen” ?, par ailleurs, chez les Ayṯ Musa nous retrouvons le toponyme “Tamuzayt”,
▪Rɣaya (cne de la w. d’Alger), rem. : ce toponyme rappelle celui dans la w. de Taref “Riɣiya”, lien probable avec “la source d’eau chaude”, “la source saumâtre”, …
▪Rwiba (cne de la w. d’Alger),
▪Sidi Bu Frag (S. de Boufarik), rem. : “afrag” désigne “l’enclos à bestiaux” ou encore “la cour intérieure de la maison”,
▪Țala Lmerǧa (N. de Boufarik, cne de la w. d’Alger), rem. : “ṯala” désigne “la source” et “lmerǧa”, une “localité riche en eau”,
▪Wed Bu Ɛeṛwa (N. de Mouzaïa),
▪Wed Bu Gran (entre Douéra et Birtouta), rem. : “igran” est le pluriel de “iger”, c’est-à-dire “le champ”,
▪Wed Bu Šwaw (S. d’Attatba), rem. : “ṯašwawṯ” désigne “le foulard”, dans d’autres parlers, “la pièce d’étoffe” ou encore “la colline”,
▪Wed Faṭis (N. de Boufarik), rem. : “afaṭis” ou “afaḍis” désigne “le pistachier lentisque” (pistacia lentiscus),
▪Wed Ǧer (cne de la w. de Blida), rem. : le verbe “aǧer” véhicule le sens de grandeur, de supériorité,
▪Wed Lḥamiz (N.-O. de Khemis El Khechna),
▪Wed Lmešdufa (N.-E. de Guerouaou), rem. : chez les Ayṯ Musa nous retrouvons à deux endroits le toponyme “Amašḍuf”, en rapport avec “le terrain agricole”,
▪Wed Smar (cne de la w. d’Alger), rem. : “asmar” ou “asemmar” désigne “le jonc maritime” (juncus maritimus,
▪Wed Yeqqur (entre Blida et Ouled Yaïch), rem. : “yeqqur” (conjugué à la 3ième personne du singulier) vient du verbe “qqar” qui signifie “être sec”,
▪Xazruna (entre Blida et Ouled Yaïch),
▪Ɛamrusa, rem. : arabisation de “taɛamrust”, qui est, à l’origine, une localité dans le Petit Atlas, elle désigne également une variété de figue,
▪Ɛin Ṭaya (cne de la w. d’Alger), …
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1. Lire :
- http://atlas.blida.over-blog.com/l-amazighite-de-la-region-…
- http://atlas.blida.over-blog.com/…/autour-de-l-appellation-…
2. “Histoire des berbères …”, p.127, chap. II, Paris, 2012.
3. “L’Etat algérien face à la revendication berbère …”, “Glottopol” in “Revue de sociolinguistique en ligne”, p. 132, n° 1 – Janvier 2003 > “Quelle Politique linguistique pour quel Etat-nation ?”.
4. “Étude sur le dialecte berbère du Chenoua comparé avec ceux des Beni-Menacer et des Beni-Salah”, Paris, 1914.
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Lien article : http://atlas.blida.over-blog.com/…/temoignages-historiques-…
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Posté Le : 23/10/2016
Posté par : imekhlef
Ecrit par : rachid imekhlef
Source : Atlas blidéen الأطلس البليدي ⴰⵟⵍⴰⵙ ⴰⴱⵍⵉⴸⵉ