Algérie

Raouraoua – Zaher : Réconciliation à la périphérie des pouvoirs



Les arabes se brouillent avec fracas et se réconcilient dans de grands épanchements. En politique comme en football. Raouraoua et Zaher ne dérogent pas à la règle, d'autant plus que tous deux en tirent grand profit.

Mohamed Raouraoua a franchi un nouveau pas pour intégrer le bureau exécutif de la FIFA, depuis sa réconciliation avec Samir Zaher. Après une brouille qui a duré un peu plus d'une année, suite aux incidents qui ont entouré le fameux match Egypte-Algérie au Caire, le président de la Fédération algérienne de football a discrètement accepté la main tendue par son homologue égyptien, naguère considéré comme l'ennemi définitif de l'Algérie. Les présidents des deux fédérations ont ensuite scellé publiquement cette réconciliation, en tenant une conférence de presse commune, perpétuant une tradition très établie entre pays arabes : on se brouille, on s'insulte, on jure que c'est «irrémédiable», parce que c'est une question d'honneur, on mobilise la rue et les médias, on frôle même l'incident, voire la guerre, dans un psychodrame vécu intensément des deux côtés, avant que des «guides» et des «leaders» pleins de sagesse ne reviennent à la raison et prennent des décisions réfléchies parce, touts comptes faits, «il y va de l'intérêt supérieur des deux peuples frères». La réconciliation a été préparée par les nouveaux spécialistes en la matière, les dirigeants du football qatari, dont le pays a pris une posture remarquable aussi bien dans le sport que sur le terrain politique.

Médiateur au Darfour et au Proche-Orient, maintenant de solides relations avec l'Iran malgré la tension perceptible dans le Golfe, le Qatar a réussi à s'imposer comme une des forces politiques les plus dynamiques dans la région. Son action de médiation inclut désormais le sport. Et c'est à Qatar qu'a eu lieu la réconciliation entre MM. Raouraoua et Zaher. C'est Cheikh Hamed Ben Khalifa, président de la Fédération qatarie de football, qui a organisé l'opération. Et, pour dire clairement les choses, on ne peut plus rien refuser à Cheikh Hamed Ben Khalifa, l'homme qui a fait de ce petit pays la nouvelle Mecque du football arabe et mondial, depuis sa victoire dans la course à l'organisation de la coupe du monde de football 2022. Et, de manière plus large, on ne peut plus rien refuser non plus à l'Emir de Qatar, qui s'est imposé sur l'échiquier régional grâce à un mélange de modernité et de volontarisme, grâce aussi à beaucoup d'argent et à une démarche qui a cassé nombre de tabous, dans un pays géré tantôt comme une entreprise moderne, tantôt comme une propriété féodale.

Avec son poids financier, et la puissance de la chaîne Al-Jazeera, Qatar s'est imposé comme une puissance capable de rivaliser avec l'Angleterre et les Etats-Unis, et même de les battre. Une donnée incroyable il y a peu, pour ce pays dont la population entière pourrait être hébergée au stade de Wembley, selon la boutade lancée par un Anglais dépité de l'échec de son pays à l'organisation de la coupe du monde. Mais qu'importe. Les dirigeants qataris, grands seigneurs, ont aussitôt fait des ouvertures très intéressantes, laissant entendre que la coupe du monde pourrait se joueur en janvier plutôt qu'en juin, et que des pays de la région pourraient y être associés. Dubaï, Abou Dhabi, Koweït City, Manama sont autant de villes du Golfe qui pourraient être candidates pour abriter des matches, ce qui constituerait le scénario idéal pour toute la région.

La démarche du Qatar, en sport comme en politique, s'est révélée aussi cohérente qu'efficace. Voilà un pays, certes assis sur un énorme gisement de gaz, mais qui a choisi de vivre un conte de fées, et qui est en train de réussir son pari. Qu'en est-il de l'Egypte et de l'Algérie ? L'Egypte, où Zaher est un personnage très important dans la structure du pouvoir, est un pays au bord de l'étouffement. Le moindre signe d'isolement supplémentaire risque de détruire les très fragiles équilibres internes. Le pays est donc obligé de s'accrocher à toute possibilité de grignoter des avantages politiques et économiques à l'extérieur. Le marché algérien, aussi réduit soit-il, est une aubaine pour nombre de petites entreprises égyptiennes, sans compter les bénéfices faramineux d'Orascom. Le football est, lui aussi, devenu un enjeu de taille pour l'Egypte, qui, à défaut d'un rayonnement politique ou diplomatique, y trouve un moyen de briller, au moins à l'échelle africaine.

Mohamed Raouraoua avance, lui, dans une autre logique. Oum Dourmane a fait de lui un personnage courtisé. Il en tire profit pour terminer sa carrière en apothéose. Lui qui est venu au football presque par accident a trouvé un monde où il pouvait briller. Mais on ne sait toujours pas ce qu'il compte faire, car s'il a réussi des «coups» ponctuels, Mohamed Raouraoua n'a jamais brillé par l'élaboration de grands projets. Il reste juste à espérer que ses parrains en auront pour lui.




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