Algérie

Rania, l'adolescente kamikaze qui a dit non



Rania, l'adolescente kamikaze qui a dit non
C'est l'histoire d'une jeune fille de 15 ans,endoctrinée et poussée vers la mort parson mari. Rania aurait dû être la 31e femmebombe humaine d'Irak. L'adolescente a ditnon au dernier moment. Rania Ibrahim devait semer lamort et la terreur le 24 août 2008 surle marché de Baâqouba, une villesituée à 50 km au nord de Baghdad.Cette adolescente irakienne de 15ans, au visage joufflu et aux cheveuxbouclés, n'avait qu'à actionner le détonateurde la bombe qu'elle portaitsous son abaya, sa longue robe noire.Mais au moment de devenir une kamikazeau milieu de la foule qui sepressait au milieu des étals des marchands,elle n'a pas pu. Ou plutôt ellen'a pas voulu.La suite de l'histoire a fait ensuitele tour du monde. Rania a été repéréepar les hommes de la milice d'Al-Sahwa à un check-point. Ses gestesconfus et son regard paniqué l'onttrahie. Les miliciens sunnites payéspar l'armée américaine n'ont eu aucunmal à trouver sa ceinture d'explosifssous sa longue robe noire. Les 20 kgde TNT que la jeune femme transportaitdevaient provoquer un bain desang auquel l'Irak est habitué depuisl'intervention américaine en 2003.Elle n'a pas eu le courage. Pour lapremière fois, le terrorisme irakiena trouvé un visage. Celui de Raniaqui croupit depuis dans une prisonde Baghdad. Mais qui est cette femme-enfant qui aurait dû être la 31efemme bombe humaine d'Irak cetteannée ' Pourquoi a-t-elle finalementrefusé d'accomplir sa mission jusqu'aubout ' Etait-elle une terroristeisolée ' Ou faut-il y voir la patted'Al Qaïda, qui contrôle la régionde Baâqouba, devenue l'une des plusdangereuses du pays 'En Irak, les avis sont partagés. Pourbeaucoup, Rania est une criminelle.Et elle mérite la mort. « En fait, ellen'a pas eu le courage d'aller jusqu'aubout. C'est tout », tranche Moundir,journaliste à Baghdad. « Quand onporte une ceinture d'explosifs, c'estqu'on y croit. C'est pour semer laterreur. En outre, elle n'a pas hésitéà marcher de chez elle à la place dumarché. Et s'il n'y avait pas eu unefusillade entre les hommes d'Al-Sahwaet des insurgés, elle se serait faitexploser. C'est une folle. »EndoctrinementFaux, rétorque Bessaed Selmane,la mère de Rania, en pleurs à l'autrebout du fil. « Ma fille est innocente.Elle n'a pas compris ce qui lui arrivait. » La sexagénaire a la voixamère de colère des mamans en détresse.« Elle a eu peur pour elle et lesautres. C'est pour cela qu'elle a faitmarche-arrière et qu'elle est revenuevers moi pour que je la débarrasse dela bombe. »C'est d'ailleurs ce que Rania a racontéaux miliciens d'Al Sahwa aumoment de son arrestation. « Je neveux faire de mal à personne », leur at-elle répété inlassablement. « Moi, jeveux devenir docteur ou enseignante.Pas kamikaze. Ceux qui m'ont faitporter le gilet ne m'ont jamais dit quecela allait faire du mal. Je veux voirma mère. »Rania, une victime ' La justice irakiennetranchera. Maisavant, elle aimeraitbien mettre la mainsur Hamid, le mari del'apprentie kamikaze.Ce chômeur d'unevingtaine d'années adisparu depuis l'attentatmanqué. Et selonla maman de Rania,c'est lui le cerveau dumassacre manqué deBaâqouba. « C'est luila source de nos malheurs.Il a obligé ma fille à devenirkamikaze, poursuit Bessaed Selmane,dont la voix déraille régulièrement. Ill'a endoctrinée pour la transformerpetit à petit en terroriste. » « Un processusqui a débuté dès le mariageil y a neuf mois, raconte Alaa Al-Djabouri, un des seuls journalistesirakiens autorisés à rencontrer régulièrementRania. Son mari l'a guidéepas à pas sur le chemin de la mort.Avec une idée : faire d'elle une bombehumaine. Chaque soir, il lui disaitqu'il l'aimait beaucoup. Mais qu'ill'aimerait encore plus au paradis. Illui achetait des cadeaux et il lui parlaitdu jour du jugement dernier. Ilracontait les opérations des martyrs.De ceux qui sont récompensés parDieu pour avoir offert leur âme pourla cause de l'islam. » Mieux, que lemartyr est accueilli dans des jardinsverdoyants et par le chant d'oiseauxaux mille couleurs. Toutes ses enviessont comblées. « Rania a cru sonépoux sur parole, poursuit Alaa Al-Djabouri.Elle est un peu simple d'esprit. Etil en a profité pour lui faire croirequ'elle deviendrait une "hour al aïn",une beauté du paradis. Surtout, il insistaitpour qu'une fois au ciel, ellele choisisse comme partenaire pourfaire l'amour éternel et pour boireles eaux de la rivière de miel et desélixirs de toutes sortes. »Rania était mûre pour le sacrifice.Le 24 août, les choses sont allées trèsvite. En ce dimanche de canicule,l'adolescente est prise en charge parFatima Weedad, une cousine de sonmari. C'est elle qui la ceint avec les20 kilos d'explosifs. Continuellement,elle la rassure. « Rien ne t'arrivera », répète-t-elle avant de luioffrir un jus. « De la drogue, insisteBessaed Selmane. Ma fille était dansun état second.Elle n'était pas elle-même quand lacousine de son mari l'a accompagnéeau marché, devant l'école où Raniadevait se faire exploser. » Avant dela quitter au milieu de la rue, Fatimaraconte à la jeune kamikaze qu'elleverra des fleurs au moment de déclencherle détonateur de sa bombe.Rania est seule désormais. Et sans lafusillade qui l'a effrayée, elle auraitvolé en éclats.Le symbole« Je regrette d'avoir donné ma filleà cet homme », pleure aujourd'huiBessaed Selmane. « Il en a profitédès le début. Lui qui a été logisticienpour Al Qaïda l'a vendue aux terroristes.C'est terrible. » Pour la mamande Rania, ce mari indigne a gagnéde l'argent avec la peau de sa fille.« Avec ces dollars, il pourra se payerune nouvelle femme, une nouvelle recruepour la guerre sainte ! C'est çacroire en Dieu ' C'est ça ce que dit leCoran ' », prie-t-elle. « Ma fille a demandéle divorce. Elle ne veut plusrien à voir en commun avec ce monstre. »Rania n'est pas un cas isolé enIrak. Loin de là. De plus en plus defemmes se transforment en martyrespour le compte de la nébuleuse deBen Laden, en perte de vitesse depuisquelques mois. Souvent simplesd'esprit ou poussées par un désir devengeance, elles sont devenues lameilleure arme des terroristes. Avecleur abaya, elles passent souventinaperçues dans la rue et aux checkpointsoù les hommes n'osent pasles fouiller. De fait, en Algérie, enTchétchénie ou au Proche-Orient, lesattentats suicide au féminin se multiplient.« C'est la preuve de la lâchetéd'Al Qaïda, indique Abdul-Karim al-Rubaye, commandant dans l'arméeirakienne. La nébuleuse est à boutde souffle. » Rania en est d'ailleurs lesymbole. En échouant dans sa mission,la jeune femme a rendu un fierservice au gouvernement irakien.Depuis, il l'exhibe tel un trophée desa guerre contre les terroristes. « Procèsou pas procès, condamnée oupas, cette jeune fille est une victoire.Si elle était morte, elle aurait rejointla liste des martyrs et serait devenueune légende. Mais là, on voit qui sontles soldats de Dieu. De simples gens,pauvres, souvent mal instruits queles terroristes utilisent comme de lachair à canon, insiste Alaa Al Djabouri.On est loin d'un acte réfléchiau service de Dieu. Ceux qui agissentainsi au nom d'Allah n'en sont pas dignes. »


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