Algérie

Ramadhan sous le signe de la consommation et du diktat du marché Le mois de la piété se vide de son essence



Par Hassan Gherab
Ramadhan est entamé avec les mêmes appréhensions et les mêmes attentes. Malgré la charge religieuse qu'il porte, ce mois suscite pourtant des tentations qui sont bien éloignées de la religion, à l'opposé même. La religion et les préceptes de l'islam qui appellent les musulmans à faire preuve d'abnégation, de retenue, de bon sens et de mansuétude sont éclipsés par des considérations plus terre-à-terre. On ne s'intéresse plus qu'aux chiffres affichés sur les mercuriales et aux moyens de constituer des stocks pour ne pas devoir subir les flambées des prix à venir.
Un jeûneur doit penser à manger, soit. Mais il y a une différence entre manger et se goinfrer. Un consommateur doit penser à remplir son couffin, il est vrai. Il faut tout de même savoir raison gardée dans ses achats. Un commerçant est censé faire du bénéfice, c'est un fait. Il doit cependant observer, du moins durant le Ramadhan, la règle religieuse qui limite le bénéfice en interdisant de doubler le prix d'achat à la vente. En fait, toutes les règles et lois pour un commerce équitable sont édictées aussi bien par la religion que par l'Etat. Mais, comme le dit une maxime de juriste, les lois sont faites pour être contournées. Et en Algérie, elles ne sont pas seulement contournées, mais allègrement piétinées, par tous. Cette situation de «non-lois» oblige les consommateurs à prendre leurs dispositions en constituant des stocks, même s'ils savent que, ce faisant, ils participent à l'accentuation de la demande, qui se répercutera sur l'offre -là, la loi du marché est bien respectée-, et les prix. Au final, avec sa frénésie d'achat, le consommateur disposant d'un budget conséquent devient le complice du spéculateur, de l'intermédiaire et du commerçant qu'il encourage à faire grimper les prix. Et c'est la petite ménagère qui payera le prix. Les appels des religieux et les prêches des imams rappelant les musulmans à la raison n'ayant aucun effet, l'Etat se retrouve à jouer le rôle du commerçant «honnête», tout en essayant d'organiser l'activité commerciale qu'il n'a pas su réglementer et réguler, ce qui est sa véritable mission. En plus du renforcement des opérations de contrôle pour tenter de juguler la spéculation, les pouvoirs publics se sont lancés dans l'achat, l'importation et la vente de produits alimentaires, les viandes rouge et blanche particulièrement.
Parallèlement, l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta) prend l'initiative de créer un marché populaire où la règle du commerce équitable est appliquée. Les prix y sont abordables, et tout le monde est content, y compris les ministres qui y sont allés faire un tour, histoire de montrer qu'ils sont proches des citoyens, même s'ils restent toujours très éloignés de leurs préoccupations et complètement ignorants de leurs réalités, surtout celle des prix qu'ils doivent débourser pour remplir leurs couffins, pas seulement durant le mois de Ramadhan, mais tout au long de l'année, et ce depuis des lustres.
H. G.


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