Dans la communauté émigrée, l'approche du mois de Ramadhan pose aussi
l'éternelle question de la «nuit du doute». Mais pas comme vous l'imaginez.
Comme le comportement de certains «jeûneurs» d'ailleurs.
Les musulmans vivant en Europe ont une autre approche du mois sacré de
Ramadhan. D'abord son accueil : le 11 ou le 12 août ? Cela n'a rien à voir avec
la «nuit du doute», mais plutôt avec le pays d'origine. Explication : une bonne
partie des émigrés commence le jeûne et le termine en même temps que le pays
d'origine. Même si les imams des mosquées de Paris, Amsterdam ou Berlin
annoncent l'entame du mois de jeûne officiellement pour le lendemain, rien n'y
fait, une partie non négligeable des musulmans attend l'appel téléphonique venu
du bled pour commencer le jeûne. Fuseaux horaires ou pas, observatoires ou
calculs astronomiques, rien ne peut convaincre cette «frange» de jeûneurs à
croire que la lune tourne autour de la terre et que cette dernière est ronde et
tourne sur elle-même. Passons, le mois de Ramadhan entamé, les habitudes et
comportements de bien de catégories prennent des tons et couleurs surréalistes.
Normal, diriez-vous. Oui, mais allez-y comprendre ces quelques exemples : il y
a ceux qui s'abstiennent de boire boissons alcooliques et autres viandes non
certifiées hallal sans s'interdire, en journée, une cigarette, un verre d'eau
ou un café. Rien à leur reprocher, sauf qu'ils sont les premiers à juger
sévèrement ceux de leurs compatriotes qui n'observent pas le Ramadhan et
continuent à vivre comme les autres mois de l'année. Ce qui étonne, c'est
qu'ils sont convaincus que le seul fait de s'interdire de boire de l'alcool
suffit à rendre leur «Ramadhan» acceptable et renforce leur foi religieuse.
Mais il y a plus hallucinant : des jeunes voleurs à la tire se targuent
d'arrêter leur «métier» en journée.
D'autres se limitent à subtiliser
le porte-monnaie qu'aux «non musulmans». Ce n'est pas de la blague, mais ce
genre de comportements (et de croyances) prête souvent à débat le soir, lorsque
les jeux et paris sont ouverts dans les nombreux cafés : loto, poker, baccara
et l'inévitable belote. Et ceux qui observent, sérieusement, les règles du
jeûne ? Ils sont, bien sûr, majoritaires et supportent, courageusement, les
nombreuses contraintes de la société occidentale : rythme de travail inchangé,
horaires de travail contraignants pour les ouvriers, conducteurs de transports
publics, agents de sécurité, etc. Ils se contentent, en attendant de finir leur
boulot, d'un café ou d'un sandwich sur le lieu de travail. Ils mangeront chez
eux bien plus tard. Au plan familial et «communautaire», Ramadhan réveille les
solidarités, la générosité, les rencontres et les réconciliations. Les mosquées
sont inondées de dons et offrandes en aliments : dates, laits et laitages,
couscous, chorbas, viandes, gâteaux au profit des sans familles, sans-papiers,
qu'ils soient musulmans ou non. A titre d'exemple, la Grande mosquée de
Bruxelles offre le repas complet tout au long du mois de jeûne. De leur côté,
les nombreuses associations civiles multiplient soirées musicales et repas
organisés. C'est souvent l'occasion d'appel à la quête pour tel ou tel besoin
ou cause. A Bruxelles, Amsterdam ou Berlin, Ramadhan est l'occasion des invitations
entre familles et connaissances_ les week-ends. C'est une sorte de tournante
des invitations qui s'installe entre famille. En ce mois sacré, il serait
injuste de ne pas citer les efforts des communes à forte présence musulmane
pour rendre les choses plus agréables aux musulmans.
Horaires hebdomadaires des
marchés adaptés ; plan de circulation aménagé ; renforcement de la prévention
sécuritaire en zone fortement urbanisée ; courrier aux habitants leur
souhaitant un bon mois de Ramadhan, les informant par la même occasion des
quelques changements ou aménagements dans la vie de la cité, etc. A l'approche
de la rupture du jeûne, la vie dans les quartiers à forte présence musulmane
ressemble beaucoup à celle du pays. Des attroupements se forment devant les
boulangeries et pâtisseries orientales. Il y a de tout : de la zlabia aux
gâteaux et pains traditionnels. Ces rassemblements, sans cohue ni bousculades
pour les achats, sont l'occasion de prendre des nouvelles des amis et aussi
celles du pays. Vers la fin de Ramadhan, les mêmes questions et attitudes
reprennent le dessus : il y a ceux qui fêtent l'aïd au jour fixé par les
mosquées et ceux qui s'alignent sur le jour du pays d'origine. Ramadhan est
toujours sujet à débat sans fin en Occident comme au pays.
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Posté Le : 09/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com