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Ramadhan d'outre-mer : entre bien-être et tolérance à lyon Culture : les autres articles



Ramadhan d'outre-mer : entre bien-être et tolérance à lyon                                    Culture : les autres articles
Comment les musulmans de France vivent-ils le Ramadhan ' A quelles contraintes doivent-ils se soumettre et quelles facilités leur sont octroyées par les pouvoirs publics français dans le cadre de la liberté de culte ' Notre reporter est allé à la rencontre de la communauté algérienne vivant à Lyon.
Lyon
De notre envoyé spécial
Située au sud-est de l'Hexagone, dans la vallée du Rhône, Lyon, la troisième ville de France, accueille une importante communauté de confession musulmane de toutes nationalités. Dans cette ville de 479 803 habitants, selon un recensement effectué en 2009, chaque communauté religieuse, la plus importante comme celle des catholiques ou des juifs, à la plus confidentielle comme celle des Témoins de Jéhovah ou celle des adeptes du spiritisme, a ses lieux de culte. A l'ombre de la République laïque, églises, temples, synagogues et mosquées activent en adéquation avec les règles de respect et de dialogue interreligieux prôné par les pouvoirs publics et les autorités 'cuméniques.
Les musulmans lyonnais ont à leur disposition la Grande mosquée du 8e arrondissement et de multiples autres mosquées et salles de prière (massala) disséminées dans les grandes cités. Le fief historique des Algériens est incontestablement la place Gabriel Péri plus connue par place du Pont, dans le quartier de la Guillotière. En ce Ramadhan 1433, on y vient de Vénissieux, Bron, St-Fons ou Vaulx-en-Velin pour y faire ses emplettes. Dès le matin, le quartier grouille de monde. Les épiceries spécialisées en produits maghrébins, dattes, sodas algériens, couscous et autres pâtisseries orientales, ainsi que les boucheries hallal ne désemplissent pas de la journée.Ici, les commerçants arméniens, juifs et arabes ont pignon sur rue. Pour 9 euros le menu, de petits restaurants offrent des repas traditionnels de rupture du jeûne (iftar).
Un pouvoir d'achat non négligeable
Une foule bigarrée et cosmopolite vaque à ses occupations en ce jour de jeûne. Beaucoup de passants portent le masque du carême, mais la courtoisie et la politesse sont de mise. On parle un amalgame de français, d'arabe et de tamazight fort attrayant qui guérit du dépaysement et de la nostalgie du «bled». Dans l'après-midi, l'activité redouble d'intensité. Un marché se forme sur une partie de la place du Pont. Des marchands à la sauvette, dont des femmes, proposent des feuilles de brick, de la galette et des boureks maison. Dans le souci d'offrir un surplus de confort à la communauté musulmane, la municipalité permet, contre la modique somme de 1,5 euro, à ces revendeurs occasionnels d'obtenir une patente pour s'adonner à cette activité faisant le bonheur des jeûneurs. Ceux-ci peuvent aussi se ravitailler dans les grandes surfaces de la ville.
Ayant pesé le poids économique de la communauté musulmane, les grandes enseignes de distribution, Auchan, Carrefour et Leclerc n'hésitent plus à consacrer des gondoles entières aux produits dits «ethniques». Comme Noël, Pâques, le nouvel an chinois ou la rentrée des classes, le Ramadhan est désormais une opportunité de décupler leurs dividendes. Visiblement, la force économique de la communauté musulmane, dont ce rite annuel (Ramadhan) à la qualité de fortement booster la consommation, n'est plus négligeable pour les circuits commerciaux. Mais tout cela ne veut pas dire que le Ramadhan est une sinécure à Lyon. Outre le fait de jeûner dans un environnement urbain non musulman où toutes les tentations s'offrent aux individus, les musulmans de France ne bénéficient pas d'un aménagement des horaires de travail comme cela se fait dans les pays musulmans, et les journées estivales sont longues sous ces latitudes. La radio communautaire, Salem, annonce la rupture du jeûne vers 21h 30.
Tolérance à la lyonnaise
«Je fais le Ramadhan depuis mon enfance, et c'est à chaque fois l'occasion de découvrir un autre aspect de moi-même et des autres», confie Zohir, un gone né en 1975 à Lyon, de parents algériens. Chauffeur d'engins de travaux urbains, marié et père d'un petit garçon, il travaille de 6h à 16h. Habitant non loin de la place du Pont, il y vient pour y faire ses commissions «spéciales Ramadhan», épices pour la chorba, viande de mouton et même doubara, font partie de ses mets préférés. Il assure que Lyon est une ville où la notion de tolérance et de vivre ensemble ne sont pas que des termes creux. Peut-être a-t-elle hérité des recommandations de l'archevêque Camille de Neuville de Villeroy sous l'épiscopat (1653-1693) duquel ont été fortement encouragées et promues les plus nobles valeurs humanistes.
Les Lyonnais de souche ne disent-ils pas : «Tout le monde peut pas être de Lyon, il en faut ben d'un peu partout.» Cette réflexion morale extraite de La Plaisante Sagesse lyonnaise, recueil de maximes lyonnaises, écrit en 1920 par Justin Godart, indique bien que les Lyonnais ne sont pas xénophobes. Loin s'en faut. Baptisée Lugdunum par ses fondateurs romains, Lyon a accueilli, dès l'antiquité, d'importantes communautés d'Asie mineure et de Grèce. Elle fut capitale des Gaules. L'épigraphie des monuments funéraires révèle que de nombreux Italiens, Belges, Helvètes et Germains sont venus, à différents moments de l'histoire, enrichir sa population à laquelle se sont ajoutés, au XXe siècle, des Arméniens, Russes, juifs ashkénazes, Espagnols, Portugais, Antillais, Réunionnais, Subsahariens et Américains du Sud. Les populations maghrébines représentant actuellement 150 000 à 180 000 personnes, ainsi que des pieds-noirs et des juifs séfarades, qui sont arrivés vers les années 1960 dans la région lyonnaise.
«Toutes ces populations se rencontrent dans les écoles, les bibliothèques, les parcs, les musées, les usines, les stades et les cités. La froideur légendaire des Lyonnais n'est pas de l'égoïsme, juste une volonté affichée de vivre sa vie sans se préoccuper outre mesure de celle des autres. A Lyon, chacun est libre de pratiquer ou pas sa religion. Athées et croyants de tous bords y vivent sans frictions», selon notre interlocuteur qui tient à préciser que les premiers musulmans sont arrivés à Lyon au milieu du Moyen-Âge. «Pour preuve, à Caluire, il y a le chemin des Sarrasins. Nous vivons très bien chez nous, à Lyon», a-t-il ajouté en souriant. Ville industrielle réputée pour ses anciens ateliers de tissage de la soie et théâtre de la révolte des Canuts en 1841, Lyon est née au confluent de la Saône et du Rhône dont elle a dompté les berges. Le nombre de ses habitants recommence à augmenter depuis les années 1990.
Volonté d'épanouissement
Lyon est en passe de damer le pion à ses deux concurrentes (Paris et Marseille) en termes de sécurité et de bien-être de ses habitants d'essor urbanistique et de grands projets planifiés dans les secteurs névralgiques de l'économie, du cadre de vie, de la médecine ou encore du sport de masse, nous apprend une publication de l'Office lyonnais du tourisme. Les petits-fils des premiers Algériens venus à Lyon se sentent «Lyonnais à part entière». Ils n'hésitent plus à postuler à des postes dans la police, les Douanes où les pompiers. Beaucoup ont des diplômes universitaires, et se sont intégrés dans le tissu social et professionnel sans coup férir. Lyon est, selon leurs témoignages, une ville où il fait bon vivre pour les musulmans et toutes les autres communautés.
En 2009, elle est arrivée à la 1re place du palmarès des villes offrant la meilleure qualité de soins en France. Possédant un patrimoine historique, architectural, culturel et gastronomique des plus riches, haut lieu de la résistance au nazisme durant la Seconde Guerre mondiale, Lyon, s'enorgueillissant de l'invention du bateau à vapeur, de la montgolfière et du cinématographe, reçoit plus de 6 millions de touristes chaque année. Le Vieux Lyon, avec ses bouchons et ses traboules, la colline de Fourvière, la Presqu'île et les pentes de la Croix-Rousse sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. La communauté musulmane y semble confortablement établie. Elle a aussi la volonté de participer à son épanouissement.


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