Par Safia Ayache(Alger, correspondance)Publié le 02 avril 2022
L'Etat a annoncé l'ouverture de 1 200 points de vente pour faciliter les achats des familles, alors que le conflit en Ukraine a fait exploser les cours des matières premières.
Dans le quartier populaire de Bab el-Oued, à Alger, les acheteurs se pressent devant la trentaine de stands installés sur la place qui fait face à la mer. Huile d'olive, fromages, légumineuses, épices, dattes... Tous les produits prisés des Algériens pendant le mois de ramadan y sont proposés. Avant de passer commande, les acheteurs se tournent vers les tarifs affichés par les commerçants. « Ici, tout est au prix d'usine », explique un jeune vendeur de levure et de sucre, ingrédients indispensables à la préparation des desserts qui viendront égayer les tables familiales lors du ftour, le repas de rupture du jeûne.
Ce « marché Errahma » (marché de la bonté), reconnaissable à ses chapiteaux blancs, a fait son apparition il y a quelques jours dans la capitale algérienne. L'objectif est de « combler le vide en termes de structures de proximité et d'assurer la disponibilité des produits et la stabilité des prix », précise Hadj Tahar Boulenouar, président de l'Association nationale des commerçants et artisans (ANCA).Les autorités ont annoncé l'ouverture de quelque 1 200 points de vente pour faciliter les achats des familles, déjà sous pression. Car à la traditionnelle inflation observée à cette période de l'année s'ajoute une hausse des prix à la consommation de 9 % en janvier 2022 par rapport à janvier 2021, d'après les données de l'Office national des statistiques (ONS). Une situation qui inquiète alors que le conflit en Ukraine a fait exploser les cours mondiaux des matières premières.
L'huile de table, une denrée devenue rare
Sur le marché de Bab el-Oued, « c'est moins cher que dans les magasins normaux », confirme Hassina, un panier à la main. « J'ai acheté de la levure pour 4 dinars alors que dans les supérettes le paquet est à 10, ainsi que des feuilles de brick pour 75 dinars alors qu'elles peuvent atteindre 100 dinars ailleurs », cite la mère de quatre enfants, qui s'est octroyé un budget de 10 000 dinars (63 euros) pour les premières courses du ramadan.« Les prix sont moins élevés qu'à l'extérieur, mais comme tout a augmenté ces derniers mois, ça reste cher », souligne Fatma, une habitante du quartier. Si elle est venue au marché Errahma, c'est surtout parce qu'on y vend de l'huile de table à bon prix, une denrée devenue rare ces derniers mois. Pourtant, les stocks de marchandises existent et sont suffisants pour satisfaire la demande, assure Hadj Tahar Boulenouar : «25 000 tonnes d'huile seront par exemple commercialisées pendant ce ramadan. »Selon Zaki Hafiz, président de la Fédération algérienne des consommateurs (FAC), la situation actuelle s'explique par « le déficit de production de certains produits ? notamment l'huile et la semoule ?, la spéculation, mais aussi le stockage de la part des consommateurs ». Cette panique est « provoquée par la désinformation et le manque de confiance des consommateurs envers le marché », assure-t-il.
Conscientes du risque de mécontentement social, les autorités tentent de rassurer. « Les produits agricoles, les différentes viandes et la poudre de lait seront disponibles en quantités suffisantes et à des prix acceptables durant le ramadan », a assuré Mohamed Abdelhafid Henni, le ministre de l'agriculture, le 20 mars. Au début du mois, la présidence avait même interdit l'exportation de produits de large consommation importés par le pays : le sucre, les pâtes, l'huile, la semoule ainsi que les dérivés du blé, dont l'Algérie est l'un des principaux pays importateurs en Afrique.
Couper l'herbe sous le pied des spéculateurs
Outre les marchés de proximité, les autorités ont prévu l'ouverture de 660 points de vente de viande et de produits laitiers pendant le ramadan, afin de privilégier la vente directe entre les producteurs et les consommateurs. Elles espèrent ainsi limiter les intermédiaires et couper l'herbe sous le pied des spéculateurs, qui sont régulièrement accusés de faire de la rétention de produits pour provoquer la hausse des prix. Des mesures qui répondent à une situation d'urgence mais ne satisfont pas les associations de consommateurs et de commerçants, lesquelles réclament depuis des années des « solutions durables ». « Nous avons besoin de centres logistiques autour des grandes villes et d'hypermarchés. La grande distribution est embryonnaire, alors qu'elle permettrait d'instaurer une concurrence saine et des prix intéressants », estime Zaki Hafiz.
En Algérie, le nombre de marchés, tous types confondus, ne dépasse pas les 2 000, alors que « le besoin estimé est de 2 500 à 3 000 marchés », précise Hadj Tahar Boulenouar. « Le secteur commercial manque d'au moins 500 structures. C'est aussi aux autorités locales de prendre leurs responsabilités pour qu'elles voient le jour », juge le président de l'ANCA.
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Posté Le : 07/04/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Monde
Source : www.lequotidienalgerie.org