Algérie

Rajoy n'est pas sorti de l'auberge



En veux-tu, en voilà
Le fringuant Carles Puigdemont, enfui à Bruxelles, fin octobre, de peur de se retrouver en prison, a beau jeu d'imposer à l'Espagne médusée une comédia del Arte à la sauce catalane.
Le Parlement catalan issu des élections législatives du 21 décembre dernier était en conclave hier pour décider d'un commun accord du choix du nouveau président de la région. Carles Puigdemont, exilé à Bruxelles, avait posé sa candidature et les deux forces rivales du camp indépendantiste ont fini par trouver un terrain d'entente, de sorte qu'il sera probablement reconduit à son poste, au grand dam de Madrid qui a averti qu'une telle situation serait «inacceptable».
Il faut dire que le pari de Mariano Rajoy a tourné en sa défaveur, lui qui pensait que la majorité des catalans allait tourner le dos aux indépendantistes qui, avec le référendum d'autodétermination avaient provoqué une crise grave et la répression du gouvernement central. On voit mal comment il va pouvoir se sortir désormais d'un tel guêpier, puisque, contre toute attente, les trois formations séparatistes avec 70 des 135 députés que compte le Parlement sont toujours aux commandes même si le parti d'Inès Arrimadas, partisane de l'ancrage espagnol, avait remporté largement le scrutin.
La mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement Rajoy, une mesure sans précédent depuis quarante ans de démocratie dans le pays ibérique, va-t-elle se poursuivre avec la série de convulsions socio-économiques dont a souffert la région' Madrid peut-il se résigner à avaler aujourd'hui ce qu'il a violemment rejeté hier, arguant d'une crise institutionnelle qui a fait vaciller toute l'Espagne' Sinon, peut-on croire un seul instant que les sécessionnistes vont faire amende honorable et table rase de leurs promesses face à des électeurs qui leur ont renouvelé leur confiance' Autant de questions devenues lancinantes alors même que la candidature réitérée de Carles Puigdemont laisse clairement entrevoir que la Catalogne est simplement sur le point de vivre l'acte 2 de la même pièce déjà entrevue. Autant dire que la situation est encore plus viciée que lors du bras de fer entre Puigdemont et Rajoy durant l'automne écoulé, sauf que le gouvernement espagnol ne peut convoquer de nouvelles élections ni envisager un référendum de peur d'essuyer un cinglant désavoeu et que le fringuant Carles Puigdemont, enfui à Bruxelles, fin octobre, de peur de se retrouver en prison, a beau jeu d'imposer à l'Espagne médusée une comédia del Arte à la sauce catalane. Car au final, aucune possibilité de dialogue n'existe entre les deux forces en présence et le pire qui puisse advenir serait encore un insupportable statu quo, avec les retombées négatives sur l'économie et sur les rapports sociopolitiques entre les composantes d'une Espagne confrontée à une situation explosive.
A la différence de son allié et rival Oriol Junqueras, incarcéré depuis octobre pour les mêmes chefs d'inculpation qui lui sont reprochés, à savoir la «sédition» et la «rébellion» auxquelles il faut ajouter des «détournements de fonds publics» à des fins autres, Puigdemont joue son va-tout en insistant pour être derechef intronisé à la tête du gouvernement catalan, tout en sachant pertinemment que Mariano Rajoy ne fera aucune concession à son sujet. Il s'est même livré depuis Bruxelles à un simulacre digne des meilleurs vaudevilles en prêtant serment sur la Constitution espagnole - une exigence constitutionnelle qui valide son siège de député -, histoire de démontrer à ses électeurs sa détermination à poursuivre «une pleine fidélité à la volonté du peuple catalan».
On ne saurait être plus limpide quant à ses motivations supposées nouvelles. L'homme a le corps et le coeur chevillés à la conquête de l'indépendance de la Catalogne et tout son art va servir désormais à arracher au gouvernement Rajoy l'engagement de ne pas l'arrêter dés lors qu'il déciderait de revenir sur le territoire espagnol. Car il frémit d'impatience de regagner Barcelone sachant que même si le consensus existe pour lui confier la direction du futur gouvernement régional il
y a cette exigence incontournable du règlement parlementaire selon laquelle aucune investiture ne peut se faire à distance.
C'est ce qui a permis à Mariano Rajoy de railler le candidat indépendantiste, «un président par Skype», avant de confirmer qu'une telle situation illégale entraînerait ipso facto la saisine de la Cour constitutionnelle et le maintien de l'article 155 grâce auquel la Catalogne est gouvernée depuis octobre dernier par Madrid.
Curieusement, hier soir, les deux principaux partis indépendantistes Juntos por Cataluña et Izquierda Republicana de Cataluña ont sonné les cloches au sujet de leur accord pour investir Carles Puigdemont. Une investiture que convoite également Junqueras qui tente d'obtenir sa remise en liberté tandis que la CUP, mouvement radical anticapitaliste, avec ses quatre députés, est en pleine exigence d'une proclamation de l'indépendance envers et contre Madrid. Un jusqu'au-boutisme qui montre bien que ces alliances restent très fragiles et qu'au bout du compte il n'y a rien de nouveau sur le terrain du Barça.


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