Algérie

Raison d'Etat



Enfin! L'Algérie a condamné le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi et s'est dite confiante dans les conclusions de la justice saoudienne pour élucider ce crime atroce et châtier les responsables. Mais, la condamnation de ce meurtre intervient à la veille de la visite-éclair de celui qui est considéré comme le commanditaire de l'assassinat, le principe héritier Mohamed Ben Salmane (MBS), à Alger. Et ce n'est qu'hier dimanche 25 novembre, presque deux mois après les faits, qu'Alger a officiellement dénoncé, par la voie du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, l'assassinat de Khashoggi.Difficile de ne pas y voir une succession d'événements qui ne plaident pas pour que l'Algérie fonce tête baissée dans le mouvement général de condamnation d'un assassinat politique. D'autant que les Etats-Unis, protecteurs autoproclamés des Saoudiens, marchaient sur des ?ufs par rapport à ce qui s'est passé dans le consulat saoudien à Istanbul au moment où la Turquie, qui avait tous les indices de l'assassinat en main, n'a pas directement désigné le commanditaire de la mort de Khashoggi. Dans cette histoire où la raison d'Etat n'explique pas les volte-face les plus désobligeantes, beaucoup en refusant de condamner directement le principal accusé et commanditaire de l'assassinat de Khashoggi, dont les Etats-Unis et la Turquie, ont réussi à tirer, à leur manière, profit de ce drame. Car Ryad a bien man?uvré en obtenant le silence des Américains contre le paiement rapide de leurs commandes d'armement et une plus grande pression sur l'Iran, l'ennemi commun, alors qu'Ankara, avec sa mise en scène, a réussi le pari d'obtenir de Washington l'extradition d'opposants politiques.
Il y a comme un marché de dupes sur le dos d'un journaliste tué et démembré, car l'Arabie Saoudite, avec ses centaines de milliards de pétrodollars, est encore un pays fréquentable. La réaction de l'Algérie par rapport à ces événements et sa condamnation tardive du meurtre de Khashoggi ne peut raisonnablement s'expliquer que par la prochaine visite à Alger, au début du mois prochain, du prince héritier d'Arabie Saoudite sur qui pèsent les soupçons d'avoir commandité la liquidation de Khashoggi. La tournée internationale entamée par MBS et qui le mènera en Algérie et en Tunisie pour ses escales maghrébines, n'a été programmée par le palais royal et les conseillers américains que pour faire baisser la pression sur l'Arabie Saoudite. A partir de là, il faut croire qu'à Alger, et pour limiter la portée de l'indignation citoyenne qui s'amplifie et dénonce sur les réseaux sociaux cette visite de MBS, on a cru bon de condamner ce que la communauté internationale avait dénoncé en son temps.
Les voies de la diplomatie algérienne sont impénétrables, d'autant que les relations avec l'Arabie Saoudite sont gérées directement par le chef de l'Etat, sinon par la présidence, et que le ministère des Affaires étrangères n'a en réalité aucune marge de man?uvre dans de tels dossiers. Cela explique-t-il le long silence d'Alger sur un crime d'Etat ' D'autant que les bonnes relations entre les deux pays ne pouvaient souffrir de positions conjoncturelles qui nuiraient à leurs intérêts réciproques, Alger plus que Ryad en réalité, car l'Algérie ne peut dans le contexte actuel se payer le luxe d'adopter une démarche politique, vis-à-vis de l'assassinat du journaliste saoudien, calquée sur certaines capitales occidentales. Ce qui est sûr, c'est que cette visite est déjà dénoncée par des partis et l'opinion publique nationale. Même si la raison d'Etat gagne à tous les coups.


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