Algérie

Raï, Qu’en est-il du patrimoine ?



Le raï, tel qu’il est vu et pratiqué de nos jours, se démarque nettement du raï d’anthologie.

Depuis près de vingt ans, la scène algérienne est investie par le raï, qui y occupe une place de choix, faisant même de l’ombre à tous les autres genres musicaux, devenus, dès lors, minoritaires. Il se trouve cependant que le raï en tant que chanson, genre culturel et expression d’un patrimoine immatériel, connaît ces dernières années un certain déraillement. Le raï d’autrefois, soutenu aussi bien au plan du texte que d’un point de vue musical, devient aujourd’hui un simple produit de consommation. Il suffit d’une boîte à rythmes et d’un synthétiseur pour mettre en œuvre une ossature musicale. Quant aux paroles, il suffit de tisser des textes où se retrouvent des mots empruntés au nouveau langage des jeunes — puisque le raï se veut à l’écoute de la jeunesse, notamment celle se considérant comme «délaissée» — qui y trouvent un exutoire favorable à leur frustration sociale et à leur malaise quotidien. Les textes sont souvent truffés de mots déplacés et crus, empruntés en grande partie à un discours de marginaux.
Le raï, tel que vu et pratiqué de nos jours, se démarque nettement du raï d’anthologie devant s’inscrire dans un patrimoine collectif, un raï élaboré par des poètes comme Hanani, auteur de la légendaire chanson S’hab el-baroud, ou encore Mostefa Benbrahim, Cheikh El-Khaldi ou Sayem El-Hadj.
Si on fait une comparaison entre les textes d’hier – à l’instar de El-Marsam, une chanson interprétée, au début des années 1980, par cheb Mami et qui lui a valu un succès national mémorable – et ceux d’aujourd’hui, le résultat est saisissant : un grand fossé sépare les deux époques. Si la première se distingue par un travail poétique et, du coup, de qualité, la seconde, en revanche, s’avère sensiblement médiocre, même si le raï fait vibrer, au regret des professionnels ainsi que des puristes, toute une jeunesse. Les textes perdent de leur beauté et de leur contenu sémantique, n’alliant ni la finesse ni la pertinence. Car ces nouveaux textes ne sont qu’un agencement de mots n’entretenant les uns avec les autres aucun lien ni sens. Ce sont des chansons «préfabriquées» qui ne veulent rien dire.
Si le raï en est arrivé là, c’est parce que les producteurs, en grande partie, en sont responsables. Ils exigent des paroliers, d’élaborer des textes empruntés au langage des jeunes pour mieux vendre et donc se faire de l’argent.
Peut-on dire que le raï est en pleine décadence car n’ayant ni fondement créatif ni principe normatif susceptible de le rehausser ? Insuffisance et imperfections marquent aujourd’hui le raï. Tout ce que l’on peut dire, en fait, c’est que ces altérations textuelles et musicales peuvent, à la longue, porter un sérieux coup à ce genre de musique très ancré dans la société oranaise et faisant partie intégrante de la culture algérienne.




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