Qui a gagné et qui a perdu après trente-deux jours de bras de ferentamé
par une décision de bannissement aux conséquences non calculées ? La victoire
d'Aminatou Haidar est éclatante, l'échec de Rabat est patent. L'Espagne de
Zapatero s'est discréditée en se faisant complice avant de faire machine en
arrière.
Aminatou Haidar est rentrée à la maison. «C'est un triomphe du droit
international, des droits de l'Homme, de la justice internationale et de la
cause sahraouie», a-t-elle déclaré au moment de prendre l'avion médicalisé qui
la ramenait chez elle. C'est aussi le triomphe d'une volonté opiniâtre, la
sienne, de ne pas céder devant l'arbitraire, même au prix de sa vie. Le Maroc,
tablant sur la complaisance habituelle des Etats occidentaux, a dû céder. Mme
Haidar rentre chez elle, sans faire allégeance et sans présenter des excuses à
l'occupant. Si le Maroc a cédé, c'est que même les Etats occidentaux se sont
retrouvés acculés devant cette dame frêle qui mettait sa vie en péril et
interpellait, avec un succès remarquable, les opinions publiques. Que Mme
Haidar rentre chez elle était la seule et unique solution. Le gouvernement
espagnol de Zapatero - qui avait été informé préalablement de «l'expulsion» de
Mme Haidar, confirmant sa complicité initiale avec Rabat - a compris, le
premier, qu'il n'y avait pas d'autres solutions. La mobilisation de l'opinion
espagnole, qui n'oublie pas la responsabilité historique de l'Espagne, a été
importante. Le gouvernement espagnol a tenté de se dépêtrer du problème en
exerçant des pressions sur Mme Haidar avant de comprendre que cela ne servira à
rien. Il s'est résolu à demander au Maroc de revenir sur sa décision. Mais
Madrid a découvert qu'il n'était pas entendu par les Marocains. Il a fallu une
menace de résolution du Parlement européen, l'intervention de la France auprès
de son protégé, les «conseils» des Américains pour que le Maroc cède. La
communication marocaine tend clairement à Nicholas Sarkozy le «gain» de la
décision et non à Madrid.
L'Espagne de Zapatero n'est plus un élément de la solution
Le gouvernement socialiste espagnol, qui prend au début de l'année 2010
la présidence de l'Europe et aspire à relancer l'UMP, sort affaibli par cette
affaire. Au plan intérieur, il doit se justifier de sa complicité avec le Maroc
puisqu'il se confirme que Moratinos a été informé préalablement par son
homologue marocain de «l'expulsion» de Mme Haidar. Au plan international, son
alignement total sur les positions du Maroc affaiblit son rôle dans la quête
d'une solution au problème du Sahara Occidental. Madrid est désormais sur le
même plan que Paris sur la question du Sahara Occidental dont la partialité,
claire et assumée, la rend inapte à jouer un rôle. La situation est encore plus
aggravée pour Madrid en raison de son statut d'ancienne puissance occupante au
Sahara. Le gouvernement de Zapatero n'est plus un facilitateur d'une solution,
il est un élément du problème. Le Maroc a également perdu dans cette affaire où
Mme Haidar est rentrée chez elle, sans condition. Rabat découvre que les
soutiens occidentaux ne sont pas suffisants pour lui permettre d'imposer
l'arbitraire. Aminatou Haidar a mis ces Etats occidentaux face aux opinions
publiques et les a contraints à peser sur le Maroc. On aura beau se lancer dans
des discours de circonstances faisant valoir les «aspects humanitaires», ainsi
que le fait Paris, le combat de Mme Haidar a révélé le grand outrage fait au
droit international.
Symbole vivant
Les Occidentaux ont donc fait valoir auprès de Rabat que la bataille
était perdue. Et qu'en choisissant de bannir Mme Haidar - dans le pur style des
anciennes administrations coloniales -, il mettait la question du Sahara
Occidental à la une des médias internationaux. Le plan d'autonomie marocain,
que les Occidentaux veulent imposer par la pression comme étant une solution
respectueuse du principe de l'autodétermination, est frappé de discrédit. Quand
on veut imposer aux Sahraouis l'allégeance forcée au roi - et c'est ce que
révèle l'affaire Haidar - même ceux qui aiment pervertir le droit international
ont de la peine à trouver des arguments. En 32 jours d'une grève de la faim
opiniâtre, Mme Haidar a amené les médias internationaux à s'intéresser, et
souvent avec sympathie, à la question sahraouie. Ce n'était assurément pas le
but recherché par Rabat. Madrid a compris rapidement que Mme Haidar était dans
une stratégie de rupture. Et que face à une femme qui a décidé de mettre sa vie
dans la balance, la partie était politiquement et médiatiquement insoutenable.
Rabat a mis trente-deux jours pour le comprendre. La frêle Aminatou Haidar
pouvait perdre la vie sans perdre le bras de fer qui a été entamé par la
décision arbitraire de l'empêcher de rentrer chez elle. Elle est désormais un
symbole vivant du combat indépendantiste des Sahraouis.
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Posté Le : 19/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com