Algérie

Qui veut la mort des cancéreux Plus d'un an pour un rendez-vous de radiothérapie



Alors que le cancer est une maladie qui évolue à une vitesse grand «V» durant laquelle une véritable course contre la montre est engagée pour sauver une vie, des vies humaines, chez nous, de nombreux patients succombent à leur mal bien avant le premier rendez-vous dans un centre spécialisé.
Au centre anticancéreux Pierre et Marie Curie (CPMC) d'Alger, les nouveaux rendez-vous pour la radiothérapie sont programmés à partir du mois de décembre 2013. Autrement dit, le malade a tout le temps de mourir à petit feu tout en souffrant le martyre devant sa famille impuissante.
Un rendez-vous dans 15 mois. Une date que pas mal de malades ne comprennent pas. «Lorsqu'on m'avait annoncé que c'était pour la fin de 2013, je croyais avoir mal entendu, mais il s'est avéré que ce n'était pas une erreur», s'est alarmé le parent d'une patiente rencontrée sur place.
Ce sont des centaines de malades qui sont dans la même situation insoutenable. En apprenant que l'attente du traitement de radiothérapie durera une année encore, les cancéreux et leurs parents s'affolent. «Même les cas urgents ne sont pas programmés rapidement», s'est inquiétée une accompagnatrice d'une malade allongée sur un chariot d'hôpital. Auparavant, les cas urgents étaient immédiatement pris en charge, mais actuellement, ils subissent les éprouvantes et interminables attentes.
«C'est incroyable ! Une urgence ne peut être prise en charge que dans deux mois '», se désolent des malades venus des quatre coins du pays, témoignant que certains meurent avant le «fameux rendez-vous». Il est inconcevable de faire attendre un cancéreux durant une année pour bénéficier d'une cure de radiothérapie, mettent en garde des médecins spécialistes.
La cure de radiothérapie doit se faire dans un délai de deux mois après la chimiothérapie, ont-ils expliqué, avouant que ce n'est souvent pas le cas. Les malades sont souvent programmés au minimum après 5 à 6 mois de la fin des cures de chimiothérapie. Et parfois et souvent, «trop tard».
Changement d'horaires et appareils en panne' l'autre désarroi des patients
Mais depuis une semaine les choses empirent au CPMC avec le changement des horaires de fonctionnement des accélérateurs (équipements de radiothérapie). Le service est en désarroi total avec ce nouveau changement d'horaires imposé par «soit disant une obligation de se conformer aux normes internationales». Le corps médical, que ce soient les manipulateurs ou les médecins, n'assimile pas ces changements qui imposent un fonctionnement de 12 heures pour les appareils contre 17 heures auparavant.
Depuis le 1er octobre, les accélérateurs fonctionnent de 7h à 19h alors qu'auparavant les malades pouvaient prendre leur cure dès 6h30 jusqu'à 22h parfois. Les équipes de manipulateurs se relayaient sur les appareils jusqu'à une heure tardive parfois, selon des malades.
Tous les patients avaient droit à leur cure, ont-ils dit. Mais depuis quelques jours, ce n'est plus le cas avec le nouveau système qui impose la limitation du nombre de traitements. Au-delà de 19h, ceux qui n'ont pas reçu leur cure sont simplement priés de partir.
Les pleurs et les supplications ne servent à rien. «Nous n'arrivons pas à comprendre d'où émane cette décision puisque les manipulateurs nous ont expliqué qu'ils ne sont pas responsables», crient des malades. Selon eux, le ministère de la Santé doit prendre ses responsabilités devant cette situation désastreuse car les cancéreux n'arrivent plus à résister aux multiples contraintes.
Les appareils sont souvent en panne en dépit de leur nombre insuffisant, a déploré un parent d'un enfant malade. Le sentiment d'être méprisé se lisait sur les visages des malades inconsolables. La limitation du nombre de cancéreux traités par les appareils de radiothérapie a pour objectif de se conformer aux normes internationales dictées par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
C'est l'explication donnée aux malades qui ne comprennent plus de quelles normes il s'agit quand c'est leur vie qui est en danger.
A l'état actuel, l'Algérie ne peut se conformer aux normes internationales en termes de prise en charge des malades, car ne disposant pas encore d'un nombre de centres spécialisés suffisant. Un seul appareil traite quotidiennement une moyenne de 75 à 80 malades par jour alors qu'en voulant se conformer aux normes internationales il faudra se limiter à moins de 50 patients. En réduisant la durée de fonctionnement des appareils, le nombre de cancéreux traités se limitera à moins de 150 malades par jour contre 200 auparavant.
Les rendez-vous déjà très loin le deviendront davantage avec les nouveaux changements, s'inquiètent les malades. Et la situation risque de connaître un nouveau désastre avec la énième panne de l'un des trois appareils en fonction du service de radiothérapie du CPMC. D'ailleurs, l'inquiétude s'est amplifiée jeudi dernier avec cette nouvelle panne, surtout que les malades ne s'y attendaient pas.
Ceux qui sont arrivés jeudi dernier au matin pour leur cure ont été les premiers à être informés. «On m'a demandé de revenir dimanche (aujourd'hui, ndlr) car le service est fermé le week-end», disait une dame à son époux. Plusieurs patientes venues des différentes wilayas se sont alors données rendez-vous pour dimanche espérant un déblocage de la situation. Deux appareils sont à l'arrêt dont l'un est mis définitivement hors service depuis plusieurs mois.
Un seul accélérateur fonctionnait jeudi dernier, mettant en désarroi total l'un des services médicaux les plus importants du pays puisqu'il accueille à lui seul une moyenne de 200 malades par jour. En fin de journée, les choses étaient encore plus difficiles puisque le nombre de malades traités était nettement inférieur à la moyenne quotidienne. C'est en larmes que certains cancéreux sont sortis du service de radiothérapie du CPMC.
12 appareils pour 45 000 malades
La prise en charge des cancéreux en radiothérapie est devenue plus inquiétante depuis une année environ. Les associations d'aide aux cancéreux avaient tiré vainement la sonnette d'alarme. L'Algérie enregistre annuellement entre 40 et 50 000 nouveaux cas dont 10 000 pour le cancer du sein. Notre pays doit disposer de 20 centres de radiothérapie, soit une moyenne de 60 accélérateurs.
Or, actuellement ont est loin d'atteindre cet objectif, s'inquiètent des radiothérapeutes. Les pannes sont devenues monnaie courante en dépit du nombre d'équipements fortement en deçà de la demande. Sur les 4 appareils dont dispose la région oranaise, un est actuellement en panne.
A l'hôpital de Constantine, les nouveaux accélérateurs ne sont pas encore fonctionnels alors qu'ils étaient programmés pour le 3e trimestre de cette année. Les centres de Blida et de Ouargla disposent respectivement de 3 et 2 appareils de radiothérapie. Au total, le pays ne compte que 12 appareils pour prendre en charge 45 000 cancéreux. Même en orientant les patients du CPMC vers l'hôpital militaire de Aïn Naâdja (Alger), la situation ne s'est pas améliorée d'un iota. D'ailleurs, une moyenne de 60% des patients suivis en radiothérapie à l'hôpital militaire viennent du CPMC qui leur signe une prise en charge.
Les nouveaux centres de Tizi Ouzou, Sétif, Batna et Annaba ne sont pas encore en service. «Les responsables du secteur de la santé tiennent pourtant des discours prometteurs depuis 1995», regrette un bénévole d'une association d'aide aux malades. Révolté, il dit ne pas comprendre «le mépris des responsables de la santé envers les malades». Selon lui, «ce sont des centaines de cancéreux qui sont sacrifiés annuellement». Certains cancéreux refusent de se faire soigner car ils savent que leurs souffrances persisteront.
Dans les wilayas de l'intérieur du pays, les femmes particulièrement ne reviennent pas pour compléter leurs soins. «Ma s'ur atteinte du cancer du sein n'a pas fait son traitement de radiothérapie», regrette une femme.
Cette cancéreuse d'une quarantaine d'années, venue de l'Est du pays a ajouté que «le mari de ma s'ur l'a abandonné et elle n'est jamais revenue pour prendre un rendez-vous au service de radiothérapie. Lorsqu'elle s'est présentée un an après à l'hôpital de Constantine suite à des complications, les médecins lui ont signifié qu'il est inutile de suivre des séances de radiothérapie car il fallait le faire deux mois après la fin de la cure de chimiothérapie». Le cas de cette patiente n'est guère un cas isolé car elles sont des milliers à vivre la même situation et qui souvent attendent la mort sans aide médicale'


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