Algérie

Qui veut la fin des ayatollahs'



Une manifestation à proximité de l'université de TéhéranLes autorités iraniennes ont affirmé que des provocateurs avaient infiltré les «fauteurs de troubles» et qu'ils seraient à l'origine des 12 victimes atteintes par les tirs de ces «contre-révolutionnaires».
Quatre jours durant, des manifestations ont entraîné la mort de 12 personnes en Iran où la protestation contre la vie chère semble gagner du terrain malgré les nombreux appels au calme du président Hassan Rohani. Celui-ci a estimé indispensable la création d'un «plus grand espace pour la critique» tout en condamnant expressément les atteintes aux biens publics ainsi que les troubles actuels auxquels il a promis que «le peuple répondra». En effet, les dirigeants iraniens sont convaincus que la «petite minorité» qui est à l'origine de ces manifestations est instrumentalisée par des «ennemis» visibles et invisibles, ciblant clairement l'Arabie saoudite, d'une part, et Israël et les Etats-Unis, d'autre part. Ce n'est donc pas une surprise si le président américain Donald Trump, après avoir pointé du doigt l'Etat «voyou» iranien selon lui, ait tweeté hier pour appeler à un «changement de régime» dans le pays.
Cela n'est pas sans rappeler la situation, toutes proportions gardées bien sûr, qui a prévalu lors de la chute du shah Reza Pahlavi sous les coups de boutoir de la révolte puis de la révolution orchestrée par les ayatollahs avec, à leur tête, l'ayatollah Khomeini. Là aussi, la patte des Etats-Unis était à l'ouvrage, mais dans un sens qui fut fatal au pouvoir monarchique. Pour quelle raison' Il faut comprendre que toute la stratégie et toute la politique des Etats-Unis dans le monde, ainsi qu'au Moyen-Orient, sont toujours tributaires de leurs intérêts économiques avant même que ne soit considérée leur ambition de superpuissance. Au Proche-Orient, cette doctrine s'appuie de façon continue sur deux alliés sûrs, Israël et l'Arabie saoudite. Bien que le pétrole saoudien revête moins d'importance aujourd'hui que par le passé, compte tenu de la production en forte hausse du pétrole de schiste américain, la Maison-Blanche et Donald Trump sont dans la continuité de la politique telle qu'elle fut appliquée par les Bush père et fils et poursuivie par leurs successeurs respectifs, quand bien même elle s'est avérée totalement contre-productive. Avec la destruction systématique de l'Irak, puis la tentative de reproduire un scénario à peu près comparable en Syrie, il y a eu une nouvelle distribution des cartes à l'échelle régionale, de sorte que l'Iran a émergé en tant que puissance incontournable au point de donner des sueurs froides à la monarchie wahhabite. Au lendemain de la visite effectuée par le président Trump en Arabie saoudite, il était clair qu'une riposte allait être entreprise, sous des formes plus ou moins déguisées et la férule de l'un ou l'autre allié, sinon les deux, des Etats-Unis. La technique de déstabilisation la plus facile et la plus usitée est celle de l'émeute et des manifestations violentes contre un régime. Les services américains en ont beaucoup fait l'usage, surtout en Amérique latine et ils continuent à y recourir actuellement. Ainsi peut s'appréhender la situation actuelle en Iran où, durant quatre nuits, des manifestants, dont 200 ont été arrêtés à Téhéran et 200 autres en province, sont descendus dans les rues de plusieurs villes du pays où, selon les vidéos mises en ligne par des médias et des officines intéressées, ils ont attaqué des bâtiments publics, des centres religieux et des banques ainsi que le siège de la milice islamique Bassidj. Argument soutenu, ils ont protesté contre le chômage, la vie chère et la corruption. Les autorités iraniennes ont affirmé que des provocateurs avaient infiltré les «fauteurs de troubles» et qu'ils seraient à l'origine des douze victimes atteintes par les tirs de ces «contre-révolutionnaires». Là encore, on le sait, cela fait partie de la technique de manipulation des foules utilisée pour déclencher une révolution contre un régime ciblé. Il semble que tel soit bien le cas en Iran, ces jours derniers, si l'on considère ces tirs «suspects» dénoncés par les dirigeants iraniens. La télévision d'Etat a en effet cité le cas de la ville de Toyserkan où «des fauteurs de troubles masqués qui semblaient ne pas être des gens du coin ont attaqué et incendié des bâtiments publics. Il y a eu des tirs suspects qui ont tué six personnes», a-t-elle affirmé hier soir. C'est une situation identique qui a eu lieu à Izeh, où deux manifestants ont été tués par balles, un responsable local ayant indiqué ne pas savoir si les tirs provenaient des forces de l'ordre ou des manifestants. A Doroud, deux passagers à bord d'un véhicule ont été percutés à mort par un camion de pompiers volé puis lancé par les manifestants dans une pente où circulaient les victimes. Face à la multiplication des drames, les autorités iraniennes ont durci le ton, bloqué les réseaux sociaux, notamment les messageries Telegram et Instagram, et averti que «le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles et hors-la-loi», cette «petite minorité qui insulte les valeurs sacrées et révolutionnaires. Notre économie a besoin d'une grande opération de chirurgie, nous devons tous être unis», a dit le président Rohani dans un communiqué, insistant sur la détermination du gouvernement à «régler les problèmes de la population», en particulier le chômage. En 2009, les protestations contre la réélection du président conservateur Mahmoud Ahmadinejad avait déjà illustré le degré de frustration d'une partie des Iraniens et leur espoir dans l'arrivée du président réformateur Rohani. Mais depuis la signature de l'accord sur le nucléaire avec les grandes puissances, la levée des sanctions internationales est encore par trop parcimonieuse et ses effets minimes de sorte que l'économie du pays souffre cruellement du manque à gagner induit par la crise des cours du pétrole. Qui plus est, le président américain ne cache guère sa volonté de freiner des deux pieds la mise en oeuvre de cet accord, voire même de le considérer comme nul et non avenu, alors que l'Iran a été engagé dans des conflits régionaux en Syrie et au Yémen dont le coût est lourd pour son industrie d'armement. D'où la mauvaise passe économique dans laquelle se trouve le pays, à la grande frustration d'un peuple qui attendait depuis longtemps une embellie. Que les pays hostiles cherchent à saisir cette opportunité pour provoquer une grande instabilité et saper ainsi la puissance iranienne montante, voilà un scénario qui était prévisible depuis plusieurs mois déjà. Mais la grande question est: que va faire la Russie, sachant que l'Iran est son premier allié dans la région et un enjeu majeur sur l'échiquier bipolaire que le président Vladimir Poutine est parvenu à reconstruire'


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