Algérie

Qui, pour défendre les Palestiniens ?


L'armée israélienne peut donc tuer des Palestiniens quand elle le veut, comme elle le veut et quand elle le veut, sans que cela ne provoque de protestations efficaces de la part des grands de ce monde. Les récentes tueries de Gaza l'ont montré, personne, pas même les Etats-Unis, ne semble pouvoir ou vouloir calmer le feu israélien quand il se déclenche même si politiciens et généraux de Tel-Aviv ont concédé « une accalmie » durant la visite de Condoleezza Rice. On appréciera d'ailleurs, à sa juste valeur, le cynisme d'une telle décision qui consiste à suspendre les opérations militaires tout en annonçant explicitement qu'elles reprendront après le départ de la diplomate américaine ! Beaucoup a été écrit sur cet énième déferlement de violence contre les civils palestiniens, femmes et enfants compris. Dans la presse arabe, l'indignation et la colère se retrouvent à chaque coin de rubrique de même que les inévitables récriminations à l'encontre de cet Occident qui pense que son immense culpabilité dans le drame de la Shoah sera diluée s'il détourne la tête pendant que les soldats israéliens accomplissent leur sale besogne de bouchers. Mais ce qu'il y a de nouveau par rapport aux crises précédentes et qui mérite d'être largement commenté, c'est que de nombreux gouvernements européens ne se contentent plus de tergiverser ou de regarder ailleurs. A l'image de l'administration américaine, ils adoptent désormais une position plus hostile et plus tranchée à l'égard des Palestiniens. Et le plus préoccupant, c'est que les opinions publiques ne semblent guère mieux disposées. Voilà plusieurs mois que dure le blocus de Gaza et que la situation humanitaire y est catastrophique. Qui s'en est réellement ému ? Ce qui est choquant, c'est que les grandes puissances occidentales ont intériorisé le fait que le sort des Palestiniens dépend du bon vouloir des Israéliens. Pire, on sent bien que certaines capitales européennes n'ont guère plus de scrupules à octroyer une carte blanche au gouvernement Olmert. C'est manifestement le cas en France où Nicolas Sarkozy n'a aucune honte à afficher son parti-pris pro-israélien et où l'écoeurant silence du Quai d'Orsay à propos des massacres de Gaza montre bien qu'une page s'est bel et bien tournée dans les relations franco-arabes. En entamant l'écriture de cette chronique, j'ai d'ailleurs lutté pour ne pas donner libre cours à mon sentiment de colère à l'encontre de ce qui se dit ou s'écrit en France concernant le martyre de Gaza. Il y a par exemple le fait que l'on tente de faire croire que Palestiniens et Israéliens sont sur le même pied d'égalité au plan militaire. Il y a aussi le fait que l'on passe sous silence ou que l'on relativise les propos ignobles d'un ministre israélien qui a promis une nouvelle Shoah aux Palestiniens. Mais, encore une fois, le plus important reste pour moi de comprendre pourquoi la cause palestinienne peine actuellement à gagner la bataille de l'opinion occidentale. Pourquoi en est-on arrivés à la situation où les agissements israéliens paraissent fondés ? Est-ce l'une des conséquences des attentats du 11 septembre et du choc annoncé des civilisations ? Est-ce l'effet de la tentation réactionnaire que l'on sent bien traverser les démocraties occidentales qui sont bien plus effrayées qu'on ne le dit par la mondialisation et par l'émergence de nouvelles puissances ? Est-ce parce que la majorité des Palestiniens sont musulmans ? Est-ce aussi, car il faut bien se poser la question, la faute, non pas des Palestiniens, mais de leurs dirigeants, qu'ils soient du Hamas ou du Fatah, et de leur incroyable manque de discernement politique ? Toutes ces explications sont valables et sont déjà abordées à longueur de colonnes. Mais il y en a une qui reste assez peu évoquée et qui concerne le fait que la cause palestinienne n'a plus de héraut crédible et inattaquable sur le plan moral et éthique. Personne n'a remplacé Edward Saïd et des voix comme la sienne ou comme celle de Samir Kassir manquent cruellement. Nous avons bien de hautes figures arabes qui se sont imposées en Occident mais, pour diverses raisons plus ou moins avouables, leur prudence va de pair avec leur silence intéressé. En théorie et pour reprendre une expression triviale, il ne devrait pas y avoir photo entre ceux qui, avec la plus parfaite des mauvaises fois et la plus vicieuse des désinformations, défendent Israël et ceux qui réclament justice pour les Palestiniens. Mais dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, la communication est reine et toute cause a besoin d'un champion incontesté et, surtout, respecté. Hélas, nous n'avons pas de dirigeant ayant l'aura d'un Mandela sans quoi les choses iraient certainement mieux pour les Palestiniens. C'est pourquoi, il ne faut rien espérer des gouvernements arabes car, dans leur grande majorité, ils ont, à juste titre, une image calamiteuse. Pour défendre une cause on se doit d'être exemplaire, sinon la parole prononcée n'a aucune valeur. Le mal que les Israéliens font aux Palestiniens ne peut-être sérieusement combattu par ceux qui en font autant, sinon pire, à leur propre peuple. Il y a quelques semaines, alors que nous discutions du blocus imposé à Gaza, un diplomate du Golfe en poste à Paris a eu cette phrase lourde de sens : « Imaginez que les roquettes tirées par le Hamas aient été destinées à un pays arabe. A votre avis, quelle aurait été sa réaction ? Je vais vous la livrer : il n'y aurait plus de Hamas et plus de Palestiniens... ». Ces propos méritent d'être médités. Ils rappellent que les Arabes sont souvent dirigés par des hommes qui sont capables, s'ils sont provoqués, d'infliger le pire du pire aux leurs. Pendant longtemps, les régimes arabes ont confisqué la liberté de leurs peuples au nom de la lutte pour la Palestine. Aujourd'hui, je ne suis pas loin de penser que le sort des Palestiniens ne s'améliorera que si, au préalable, la démocratie s'installe chez les Arabes. En attendant, cela ne doit pas empêcher de continuer à dire sa colère et son indignation vis-à-vis d'Israël. Et, soixantième anniversaire de la création de ce pays oblige, les occasions ne vont certainement pas manquer au cours des prochaines semaines...
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