Kouchner a quitté
le gouvernement français. Par la petite porte. Portrait subjectif d'un homme
qui a trahi ses amis politiques et ses idées.Un bol de riz dans une main, un
flacon de mercurochrome dans l'autre, Bernard Kouchner a traversé la seconde
moitié du vingtième siècle avec brio. Avec un talent indéniable, il a réussi à
lancer ou à rendre célèbres des concepts novateurs, ainsi que des formes
d'organisation très en avance sur leur temps, préfigurant un peu ce qu'allait
devenir le monde du siècle suivant. Mais peu à peu, le vernis s'est détaché,
laissant apparaitre une vérité peu engageante: la star de l'humanitaire n'était
en fait qu'un potiche, un être ambitieux et intrigant, une façade derrière laquelle
s'abritait un homme travaillant pour des intérêts peu avouables, et disposé à
s'aplatir devant tout pouvoir qui y mettrait le prix.
Pionnier de la société civile et de
l'abolition des frontières, ce médecin, qui avait réussi à devenir une icone en
France, avait un vrai talent à sentir où soufflait le vent. Il a trouvé la
bonne inspiration dans les années soixante et soixante dix, en surfant sur la
vague de libération qui déferlait sur le monde et sur les sociétés occidentales
elles-mêmes. Il enchainait ensuite en investissant les grands drames que
subissaient les pays du sud, avec les guerres, les famines et les terribles
drames hérités de l'ère coloniale ou causés par la mauvaise gestion des
indépendances.
Mais déjà, le nouveau Kouchner, celui qui
aime le clinquant, les feux de la rampe et les honneurs de la Cour, pointait le
nez. Le Ministre de gauche Kouchner n'hésitait pas à fournir des prestations à
des gouvernements auparavant déclarés infréquentables par l'humanitaire
Kouchner. Quand une gauche rigide et austère accédait au gouvernement, Kouchner
s'en éloignait, et se rapprochait d'une droite plus conforme à ses mÅ“urs.
Des mœurs qui
dépassent le clivage traditionnel gauche-droite. Et Kouchner, ministre de
gauche dans les années 1980, devient ministre de droite quelques années plus
tard. Et pas n'importe quelle droite : une droite dure, celle de Brice
Hortefeux et Eric Besson, celle qui brandit l'identité nationale comme
idéologie. Et quand son nouveau mentor Nicolas Sarkozy se lance dans la guerre
contre les Roms, une sorte de « beni aadass » de l'Europe, Kouchner se tait :
l'humanitaire est mort depuis longtemps ; il ne reste plus que l'apparatchik
qui veut sauver sa carrière et préparer tranquillement sa retraite.
L'homme qui avait inventé le droit
d'ingérence, trouve de nombreux terrains d'application à sa théorie. En Irak, en Afghanistan. Mais jamais en Palestine. Là, il
joue un autre rôle, celui du militant sioniste « éclairé », qui plaide pour un
état palestinien tout en faisant en sorte que les conditions sur le terrain ne
permettent jamais la naissance de cet état. Cela permet de montrer qu'il est
intelligent, qu'il est en avance sur son temps, qu'il est proche des
Palestiniens alors que jamais la politique française n'a été aussi pro-sioniste
depuis un demi-siècle. Mais personne n'a jamais osé soulever ce volet de la
personnalité de Bernard Kouchner, et rares sont ceux qui ont osé y faire
allusion. Pierre Péan, journaliste et écrivain irréprochable sur le plan moral
et éthique, s'y est essayé. Il l'a payé chèrement, accusé d'antisémitisme par
un lobby qui l'a traîné dans la boue, et mobilisé contre lui une formidable
puissance médiatique. Vis-à-vis de l'Algérie, Bernard Kouchner a pris les
chemins les plus tortueux, les plus détestés. Non seulement il n'a pas de
filiation particulière dans le combat anticolonial, mais Kouchner s'est
toujours retrouvé dans l'autre bord quand l'Algérie s'est trouvée engagée dans
des combats importants. Jusqu'en 1991, quand il a tout simplement évoqué le
fameux droit d'ingérence, s'aliénant ainsi définitivement l'ensemble de la
classe politique algérienne.
Dire que Bernard
Kouchner n'est pas un ami de l'Algérie est un euphémisme. Il représente, en
fait, tout ce que la tradition politique algérienne exècre. Traitre, fourbe,
faux-jeton, courbant l'échine devant les puissants : c'est ainsi que les
caricaturistes, en France, l'ont férocement dépeint, et c'est ainsi qu'il est
vu à partir d'Alger. Et si le commentaire radical du ministre des moudjahidine,
Mohamed Cherif Abbas, évoquant un lobby juif qui aurait imposé le ticket
Bernard Kouchner - Nicolas Sarkozy a contraint le président Bouteflika à
s'excuser auprès du chef de l'état français, il n'en demeure pas moins que
l'opinion algérienne semblait plutôt approuver le ministre des moudjahidine.
Depuis cet
épisode, Kouchner semblait chercher l'occasion de se venger. Il l'a fait de
manière gratuite, dans un langage très lepéniste, en déclarant que les
relations algéro-françaises vont s'améliorer quand la génération qui a fait la
guerre de libération aura disparu en Algérie. Une déclaration « vache »,
injustifiée, juste pour faire mal. Depuis, Kouchner avait été déclaré persona
non grata en Algérie. Il n'y a plus mis les pieds, et il ne semble pas près de
le faire. Il semble bien que personne ne s'en désolera en Algérie.
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Posté Le : 25/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com