Algérie

Qui paie l'orchestre commande la musique Edito : les autres articles


Installés lundi par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, les 5 constitutionnalistes membres de la commission chargée par le président Bouteflika de la révision constitutionnelle que les Algériens découvrent, pour la plupart d'entre eux, pour la première fois via le journal télévisé, n'avaient cessé de prendre d'abondantes notes lors de l'allocution du Premier ministre faite à l'occasion de la cérémonie officielle de leur installation. Comme pour signifier que les 5 «sages» n'ont pas un dossier ficelé entre les mains, qu'ils n'ont pas pour mission d'exécuter une feuille de route imposée d'en haut en lui donnant un habillage juridique comme on les accable déjà avant l'entame de leur travail. Lourde responsabilité, en effet, que celle de ces hommes et cette femme ayant accepté la délicate tâche de réviser la Loi fondamentale du pays dans un contexte politique marqué par de grands enjeux politiques et électoraux qui ne pourront pas, à l'évidence, ne pas déteindre sur leurs travaux.
Technique dans la forme, mais foncièrement politique, quant au fond et aux retombées attendues de cette énième Constitution, la mission de cette commission est d'autant stratégique qu'elle coïncide avec la lutte sourde pour la succession au pouvoir dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Connaissant la nature du pouvoir en Algérie, il est difficile de croire que celui-ci s'est amendé subitement au point d'accepter, sauf à se faire hara-kiri, de donner carte blanche à des experts ' abstraction faite de leurs compétence, intégrité et indépendance ' pour mettre en place non pas un instrument de pouvoir mais une Constitution moderne et moderniste dans laquelle se reconnaîtra l'ensemble du peuple algérien dans toutes ses composantes et sensibilités plurielles. Quand le Premier ministre, M. Sellal, insiste sur le fait que les membres de la commission n'ont aucune limite dans le cadre de leur mission autre que celle du respect des «constantes nationales», autrement dit qu'ils n'ont reçu aucune directive de qui que ce soit, faut-il le croire sur parole ' La notion de personnalité indépendante n'a de sens que dans les pays réellement démocratiques, où le recours aux compétences pour des missions d'intérêt national transcende les chapelles politiques et les majorités au pouvoir.
Chez nous les commissions ès qualités sont toujours entourées d'une légitime suspicion de la part de la classe politique et de l'opinion publique. Ne dit-on pas que «qui paie l'orchestre commande la musique» ' Dans l'absolu, la mission dévolue aux membres de la commission apparaît comme une mission impossible. Comment en effet sera-t-il possible de concilier les propositions et amendements des partis politiques et de la société civile consignés dans le rapport de M. Bensalah transmis au président de la République et la vision des cercles influents du pouvoir ' Si rien d'officiel n'a encore filtré sur les intentions du pouvoir en la matière, selon des indiscrétions, la mouture officielle est loin d'être sur la même longueur d'onde que les attentes de la classe politique de la société ' Le rappel par le Premier ministre du caractère sacré des «constantes nationales», matrice du projet de société de l'Algérie dont on a fait un usage politique abusif qui a vidé ces principes de leur contenu, ne fait que plomber davantage les travaux et la marge de man'uvre de cette commission.
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