Algérie

«Qui nous empêche de raconter par nous-mêmes notre histoire '»



- Quel a été votre rôle dans la préparation de ce film '
Etienne Comar, le scénariste, était venu me voir à  Aix-en-Provence, pour que je contribue à  la co-écriture du scénario. Je lui avais dit que s'il mentionnait mon nom, son scénario ne trouverait pas preneur et que le milieu artistique crierait à  la manipulation. Alors, il m'a demandé de lire ce qu'il avait écrit, afin de lui donner mon avis. J'ai insisté sur le fait que les moines avaient été tués par le GIA, et que leur assassinat avait horrifié tous les Algériens. Je lui ai relaté l'agression contre les Yougoslaves et l'enlèvement des moines, en me basant sur les informations et les témoignages dont je disposais. Ce n'est pas ce que j'ai retrouvé dans le film. Je pense qu'Etienne Comar est honnête et que son travail a été retouché à  des fins commerciales et politiques. Lors de notre rencontre, il m'avait semblé en quête de vérité. Mais qu'est-ce la vérité de nos jours, sinon un rabat-joie puisque le mensonge est friand de belles surprises. Nous vivons une époque engrossée de fureur et de rancœur, et les énormités sont de véritables aubaines pour titiller les esprits retors. Cependant, nous ne devons nous en prendre qu'à nous-mêmes, car qui nous empêche de raconter par nous-mêmes notre histoire au lieu de la jeter en pâture aux charognards et aux charlatans ' 
- Que pensez-vous du résultat final '
J'ai été triste pour ces moines dont le martyre, la vaillance fraternelle et l'amour pour les nôtres ne méritaient pas autant d'allégations stupides et de
désinformation éhontée. Il y a, dans ce film, des concessions déplorables, sans lesquelles il n'aurait pas existé ; je n'ai pas aimé le cliché du gendarme haineux, c'est un accessoire de racolage. A ma connaissance, les moines n'ont jamais été persécutés par notre armée. Bien au contraire, leur sécurité était une priorité, mais le monastère n'a pas souhaité accueillir la protection des militaires, redoutant l'interprétation qu'en auraient faite les intégristes. Je n'ai pas, non plus, aimé ce paysan qui faisait croire, malgré l'évidence des crimes de masse, qu'il ne savait pas qui tuait qui, un personnage caricatural droit sorti de la mauvaise foi, un personnage immonde et vil comme certains racistes aiment nous voir. Par ailleurs, faire dire à  un moine une grossièreté aussi obscène que «nous refusons d'être protégés par un gouvernement corrompu» est d'un crétinisme insoutenable. Un moine ne juge pas et ne se permettrait jamais de souiller sa salive avec des déclarations de cette nature. Et ce que j'ai vomi par-dessus tout, c'est cette fin insidieuse, chargée de brume, qui interdisait aux moines une sépulture décente en entourant leur ignoble exécution d'un mystère fallacieux et hautement scélérat. Par ailleurs, ce film étant français et parlant de l'Algérie, les médias ont décidé de le porter aux nues dans l'intention manifeste de faire de l'ombre à  un autre film traitant de l'Algérie, Hors-la-loi, de
Rachid Bouchareb. C'est une tradition dans le milieu intellectuel et artistique en France.  


 


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