Algérie

Qui est El Bey Moncef de Tunis?



Qui est El Bey Moncef de Tunis?
Moncef Bey fut Bey de Tunis du 19 juin 1942 à sa destitution le 15 mai 1943. Il est l’avant-dernier représentant de la dynastie husseinite, investi prince héritier le 30 avril 1942 et a succédé à son défunt cousin Ahmed II Bey
Mohamed el-Moncef Bey est né le 4 mars 1881 à Tunis et décédé le 1er septembre 1948 à Pau (France).

Durant son règne, marqué par la Seconde Guerre mondiale, il tente d’affirmer son indépendance vis-à-vis des autorités vichystes dont dépend la Tunisie, tout en protégeant sa population des conséquences du conflit.

Il fut l’un des principaux soutiens du mouvement nationaliste, et fit preuve, par une attitude de bascule entre les diplomates étrangers et les autorités du protectorat, d'une grande souplesse politique qui lui permit de servir les intérêts de ses sujets et la cause de son pays.
Proche du Destour
Moncef Bey s’illustre dans sa jeunesse en jouant un rôle politique important, notamment lors des événements d’avril 1922, où il soutint les revendications des membres du Destour qu’il fit recevoir par son père Naceur Bey. Il s'appuya pour cela sur le pacte fondamental de 1857 selon lequel la Tunisie était considérée comme un pays souverain protégé par la France mais non colonisé.

Il est investi prince héritier le 30 avril 1942 et succède à son défunt cousin Ahmed II Bey le 19 juin de la même année.
Moncef Bey se voit décerner la grand-croix de la Légion d'honneur par le régime de Vichy le 2 juillet 1942.
En confrontation avec la France
A peine intronisé, son attitude déplait à la France qui a l’habitude de beys plus consensuels. Ainsi, dans un mémorandum du 2 août 1942 présenté par son grand vizir Hédi Lakhoua et adressé au maréchal Pétain, il met en avant plusieurs revendications ayant pour objectif de renforcer la souveraineté tunisienne aux côtés de la souveraineté française.

Il demande ainsi l’institution d’un conseil consultatif de la législation où toutes les couches sociales tunisiennes seraient largement représentées ; l’égalité de traitement entre les fonctionnaires français et tunisiens à tous points de vue (par l’abrogation du "tiers colonial" en vertu duquel les fonctionnaires français sont mieux payés que leurs collègues tunisiens) ; la résorption du chômage en œuvrant à la création d’emplois pour les Tunisiens ; la scolarisation obligatoire pour tous les Tunisiens avec l’enseignement de l’arabe comme langue nationale aux côtés du français ; l’accord d’une large compétence aux institutions judiciaires tunisiennes ; l’implication des Tunisiens dans le contrôle du budget de l'État ; la nationalisation des entreprises d’intérêt général telles que les compagnies d’électricité ou de transport.

Incident avec Esteva
Le 12 octobre 1942, au cours de la cérémonie de l’Aïd el-Fitr au palais de La Marsa, Moncef Bey s'étonne de ne voir aucun Tunisien parmi les chefs de l’administration venus avec le résident général, l’amiral Jean-Pierre Esteva, qui lui rétorque : "seuls les Français sont aptes aux postes de commande".

Le bey s’empresse d’envoyer un télégramme au maréchal Pétain dans lequel il exige le rappel d’Esteva. Cependant, la tension ne cesse d’augmenter entre Moncef Bey et le résident général. Le souverain reçoit alors le consul général des États-Unis, Hooker Doolittle.

Proclamation de la neutralité
Les troupes de l’Axe débarquent en Tunisie le 19 novembre 1942 et l’offensive anglo-américaine transforme la Tunisie en champ de bataille.

Après des consultations, et face aux demandes contradictoires de Pétain l’appelant à s’aligner sur la France et de Franklin Roosevelt lui demandant le libre passage des troupes alliées en Tunisie, Moncef Bey proclame la neutralité de son pays dans le conflit, même s'il informe Roosevelt dans un message secret du ralliement de la Tunisie aux alliés. Moncef Bey refuse, dans cette conjoncture, l’offre de l’ambassadeur italien Bombieri d’annuler le traité du Bardo signé avec la France et d’en conclure un autre avec l’Italie, qui a alors des visées annexionnistes.


Protecteur des Juifs
Alors que son prédécesseur réputé être "le bey des Français", Ahmed II Bey, signe plusieurs textes proposés par les autorités vichystes et visant la communauté juive, Moncef Bey met tout en œuvre pour empêcher leur application et refuse tout nouveau texte allant dans le même sens, notamment sur le port de l’étoile jaune, l’instauration du travail obligatoire ou l’exclusion des Juifs de la vie économique.

Durant la présence en Tunisie des troupes de l’Axe, de novembre 1942 à mai 1943, il intervient régulièrement pour protéger la population, en particulier les Juifs, chaque fois qu’elle est exposée aux exactions des forces occupantes.

Le 1er janvier 1943, Moncef Bey nomme M'hamed Chenik, qualifié de "demi-américain" par le représentant allemand Rudolf Rahn, à la tête d’un gouvernement associant des destouriens dont Mahmoud El Materi et Salah Farhat.

Destitution
À l’approche des troupes alliées de Tunis, Esteva exige de Moncef Bey qu’il décore du Nichan Iftikhar des officiers français — dont le colonel Sarton du Jonchay envoyé en Tunisie pour organiser une "légion tricolore" appelée à se battre aux côtés de la Wehrmacht — allemands et italiens, en dégageant le souverain "de toute responsabilité".

À la libération, le lobby colonial, autour du général Henri Giraud et comptant notamment l’ancien résident général et ministre vichyste Marcel Peyrouton, trouve un prétexte pour accuser le souverain de collaboration avec les forces de l’Axe. Le 13 mai 1943, sur ordre de Giraud, le général Alphonse Juin, représentant des Forces françaises libres devenu résident général à titre temporaire après la fuite d’Esteva, lui demande d’abdiquer, ce que le bey refuse : "J’ai juré de défendre mon peuple jusqu’à mon dernier souffle. Je ne partirai que si mon peuple me le demande". Le lendemain, on l’embarque dans un avion de l’armée de l'air française pour de prétendus faits de collaboration avec les puissances de l’Axe au cours de l’occupation et en raison des complaisances envers les agissements du Destour, parti nationaliste militant ouvertement hostile au protectorat….
Le dernier des Husseinites
Lamine Bey fut investi prince héritier le 25 juin 1942. Il succède le 15 mai 1943 à son cousin Moncef Bey, destitué la veille à la suite de la libération de la Tunisie par les Forces françaises libres.
Il fut le dernier représentant de la dynastie des Husseinites qui débuta en 1705.

Mort en exil
Installé d’abord à Laghouat dans le Sud algérien, il abdique officiellement le 8 juillet et se voit exilé à Ténès, petite ville côtière dans le nord du pays, dans des conditions difficiles ; il est transféré le 17 octobre 1945 à Pau où il réside jusqu’à sa mort le 1er septembre 19487.

Il est alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d’un martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à Tunis, contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey situé dans la médina de Tunis.

Vie privée
Moncef Bey est le fils de Naceur Bey. Il se marie d’abord avec la princesse Traki (décédée en 1919), une cousine et fille de Hédi Bey, qu’il épouse en octobre 1900 à Sidi Bou Saïd. Elle est la mère de ses quatre enfants :
le prince Slaheddine Bey (1902-1938) ;
le prince Mohamed Raouf Bey (1903-1977) ;
le prince Amor Bey (1904-1938) ;
la princesse Lalla Frida (1911-?).

Il se marie par la suite avec Lalla Zoubaida née Azzouz et une autre cousine, la princesse Habiba (1888-1969), dont il divorcera. Sa dernière épouse est Lalla Arbiya (décédée en 1974) qu’il épouse en août 1942 et qui le suivra en exil.
Hommage
Une place Moncef-Bey est inaugurée à La Marsa le 1er septembre 2012 en présence de Moncef Marzouki, président de la République tunisienne, du gouverneur de Tunis, du délégué de La Marsa et des membres de la délégation spéciale.

Bibliographie
Roger Casemajor : L’action nationaliste en Tunisie. Du Pacte fondamental de M’hamed Bey à la mort de Moncef Bey. 1857-1948, éd. Sud Éditions, Tunis, 2009
Omar Khlifi : Moncef Bey, le roi martyr, éd. MC-Editions, Carthage, 2006
Saïd Mestiri : Moncef Bey, éd. Sud Éditions, Tunis, 2008
Charles Saumagne : Réflexion sur la réorganisation administrative du protectorat tunisien, éd. Centre d’histoire de Sciences Po, Paris, 1943
Sadok Zmerli : Espoirs et déceptions en Tunisie. 1942-1943, éd. Maison tunisienne de l’édition, Tunis, 1971


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