Algérie

Questions sur la conduite des réformes par un pouvoir à bout de souffle



S 'est-il rendu compte qu'il s'est à  nouveau trompé lui qui, un certain mois de juillet 2009, avait décidé d'un certain nombre de mesures contraires au processus d'ouverture économique, précisément parce qu'il s'était, comme il l'avait lui-même affirmé, trompé de politique économique. La loi de finances complémentaire pour l'année 2009 au moyen de laquelle il mettra en œuvre certaines mesures susceptibles de corriger les dysfonctionnements constatés portera en réalité un rude coup, non seulement, à  la promotion de l'investissement mais, également, au tissu industriel existant. L'imposition du Credoc comme unique moyen de paiement des importations mettra, comme on le sait, à  très rude épreuve l'activité des entreprises, notamment celles qui produisent en sonnant à  la même occasion le glas de leur autonomie en matière de gestion. En effet, pour la première fois depuis la mise en œuvre de la réforme économique de 1988, l'Etat se mêle de la manière dont les entreprises doivent gérer leurs relations avec ses fournisseurs étrangers en leur imposant une seule et unique façon de faire. Le Credoc qui n'est qu'une formule de paiement des importations parmi tant d'autres leur est désormais imposé, quand bien même il ne conviendrait pas à  la nature de leurs activités et serait moins avantageux que le mode de paiement auquel les entreprises étaient habituées. De nombreux chefs d'entreprise s'étaient, du reste, plaints sans àªtre écoutés de perdre du temps et de l'argent avec tous les risques de faillite qu'encouraient les sociétés les plus fragiles. Plus d'une dizaine de milliers de PME déposeront leurs bilans en grande partie à  cause du Credoc que le gouvernement s'entête à  maintenir en dépit des piètres résultats en matière de dépenses d'importation qui continuent à  se maintenir, aujourd'hui encore, à  hauteur de 50 milliards de dollars par an. Faut-il passer, comme il le suggère dans son discours, par une commission de réflexion pour reconnaître, comme cela est pourtant évident, qu'il s'est trompé et que son erreur a gravement mis à  mal le peu qui restait de notre potentiel industriel ainsi que l'approvisionnement du marché intérieur aujourd'hui affecté par de graves pénuries. La même erreur a été commise envers les investisseurs étrangers auxquels le chef de l'Etat avait subitement fait obligation de s'associer avec un partenaire local qui détiendrait la majorité du capital et, par conséquent, le pouvoir de décision, dans le projet qu'ils seraient amenés à  créer. Une exigence à  l'évidence inacceptable pour l'écrasante majorité des promoteurs étrangers qui ont décidé de se retirer du marché algérien devenu inintéressant, pour s'en aller investir dans d'autres pays autrement plus attractifs. Les IDE qui avoisinaient les deux milliards de dollars en 2007 sont, comme on le sait, insignifiants aujourd'hui en dépit des tentatives d'investissement faisant intervenir les gouvernements des deux pays (cas du projet de construction d'une usine d'automobiles). Le président Bouteflika doit-il là encore attendre l'avis d'une commission pour reconnaître une erreur qui, pourtant, saute aux yeux et a fait perdre au pays des dizaines de milliards de dollars d'investissement avec tout ce que cela comporte comme retombées négatives en matière de création d'emplois ' C'est en tous cas ainsi qu'il a choisi de traiter les questions économiques si on se réfère à  son dernier discours où tous les recadrages possibles sont soumis à  des travaux de commissions dont on est en droit de redouter la lenteur,  l'opacité et le travail en vase clos qui les ont toujours caractérisées. Une décennie de contre-réformes Les dix années durant lesquelles Abdelaziz Bouteflika a présidé, à  coups d'ordonnances, aux destinées du pays sont ainsi truffées de décisions qui avaient pratiquement toutes pour but de mettre fin aux réformes lancées dans le sillage des émeutes d'octobre 1988. Sa responsabilité est entière, car il a accaparé tous les pouvoirs et légiféré par ordonnance présidentielle tout au long de ses trois mandats en prenant le soin d'éviter, aussi bien, les conseils des acteurs concernés (chefs d'entreprise, syndicats, experts, etc.) que les débats parlementaires. C'est ainsi que l'autonomie de gestion des entreprises publiques replacées sous tutelle des ministères a été remise en cause, que la Banque d'Algérie est repassée sous l'autorité à  peine voilée du ministre des Finances et que le processus de privatisation a été stoppé net. Il y a, à  l'évidence, chez le chef Abdelaziz Bouteflika une volonté de retour au contrat social des années 1970, période durant laquelle le pays était sous l'autorité d'un super président qui régentait toute la vie politique et sociale du pays, les entreprises pour l'essentiel de statut public étaient au service de l'Etat, les syndicats et autres associations étaient sous contrôle du parti unique et les médias aux ordres du pouvoir. Toutes les actions qu'ils avaient engagées visaient précisément à  remettre en cause les quelques ouvertures post 88 (nouveaux partis, syndicats autonomes, journaux indépendants etc.) en vue d'une reprise en main ferme et sans partage du pouvoir.
Si le printemps arabe et l'agitation du front social ne semblent pas avoir perturbé Bouteflika dans ses certitudes en matière d'exercice solitaire du pouvoir, notamment depuis la dernière révision de la Constitution, il se doit tout de même de ruser et de faire semblant de faire quelques concessions pour calmer les contestions qui fusent de partout en écho aux bouleversements régionaux. On décrypte toutefois, aussi bien, à  travers son long silence , que dans certaines orientations de son discours à  la nation, une volonté de maintenir un statu quo jusqu'aux toutes prochaines élections législatives qui, sans doute, espère-t-il, remettront en selle l'Alliance présidentielle actuelle (FLN, RND, MSP) et pourquoi le solliciter pour un quatrième mandat présidentiel «si Dieu lui prête vie», comme déjà annoncé par l'actuel secrétaire général du FLN.  C'est sans doute là son objectif inavoué, mais il reste à  savoir si le rapport des forces continuera à  àªtre en sa faveur dans les prochains mois. Rien n'est moins sûr, ne serait-ce qu'en raison de l'image d'un président considérablement affaibli qu'il a donné à  l'occasion de la lecture de son discours. L'éventualité qu'il ne puisse pas briguer un nouveau mandat présidentiel pour des raisons de santé est, en effet, de nature à  aiguiser l'appétit de nouveaux postulants, à  provoquer l'agitation des partis d'opposition et à  exacerber l'ébullition du front social. Autant d'événements qui pourraient bouleverser à  terme ce rapport en faveur de nouvelles forces.                     


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