Algérie

Quelques 400 experts à la 29e édition



Le 29e Congrès de papyrologie a commencé le 29 juillet 2019 à Lecce, en Italie. Organisé par l'université du Salento, il accueille les spécialistes du papyrus durant une semaine, venus partager leurs dernières découvertes sur le sujet.« Cette année, beaucoup de papyrus littéraires inédits seront exposés. Les résultats de la restauration du célèbre papyrus Artemidorus sont très attendus, c'est la pièce maîtresse de cette édition » précise Mario Capasso. Le papyrologue italien fait partie du congrès scientifique de cette 29e édition du Congrès international de papyrologie. 400 professionnels viennent présenter leurs avancées, le résultat de leurs recherches et assistent aux conférences. Cette année, le congrès a pris place dans la région des Pouilles, à Lecce. Tous les trois ans, une autre université européenne ou américaine prend en charge l'organisation de cet événement. La dernière fois qu'il a été organisé en Egypte, c'était en 1989, au Caire. Crocodile et offrande Dans l'imaginaire populaire, l'Egypte est intimement liée aux papyrus, mais ce n'est pas la seule à l'avoir utilisé comme support d'écriture. Cet élément fondateur de la civilisation égyptienne est commun à tout le bassin méditerranéen entre le IIIe siècle et le VIIIe avant J.C. Par la suite, il sera remplacé par le bois. Les papyrus ne sont qu'un support et leur contenu varie : il peut s'agir de listes de courses, comme de textes sacrés en passant par les comptes d'un commerce. La conservation exceptionnelle des papyrus égyptiens est due aux sols arides et au climat sec. En Italie, en Grèce et à Byzance, les papyrus se sont détruits rapidement. Tissé à partir de fibres de roseau, le papyrus est une matière biodégradable, qui ne résiste pas à l'humidité. Malgré le bon état de ces archives égyptiennes, nombre d'entre-elles ont été étudiées hors de la nation sans l'accord de cette dernière. Le pillage dont les papyrus ont fait l'objet par le passé a marqué le pays. À l'heure actuelle, l'Egypte a établi une politique de conservation importante. Les papyrus sont mieux protégés et ne sortent que très rarement du pays. Le pays ouvre assez peu ses archives nationales mais se spécialise de plus en plus dans l'étude des papyrus, de façon à pouvoir disposer lui-même des résultats des recherches et ainsi éviter un néo-colonialisme scientifique. La main- d'oeuvre reste rare, mais les formations se développent. Deux institutions sauvegardent les papyrus : les musées et les instituts de papyrologie. « Il est toujours plus complexe d'avoir accès aux archives des musées, car ils sont dans une logique de conservation. Dans les instituts de papyrologie, l'étude est aussi importante que la conservation » explique Stéphanie Walleckier, chercheuse en Histoire spécialiste de l'Egypte Hellénistique. Des centaines de milliers de papyrus font partie de collections privées, dispersées à travers le monde. Plusieurs bases de données sont en open-source et facilitent le travail des chercheurs. L'Université de Louvain en Belgique a ouvert une base de données, Trismegistos, où il est possible de retrouver les collections de chaque université, un gain de temps immense pour les chercheurs. Papyriinfo, un navigateur spécialisé pour le papyrus, fonctionne sur un principe similaire. Plusieurs vies Plusieurs utilisations étaient possibles pour un même papyrus. Vendu au rouleau, il pouvait être découpé puis les feuilles étaient recollées les unes aux autres pour former des archives conservées dans des jarres. Une fois utilisés, ils pouvaient être lavés puis réutilisés. Ils servaient également de matière pour remplir les offrandes faites aux dieux. Le dieu crocodile du Fayoum, Souchos, se voyait régulièrement offrir de petits crocodiles bourrés de papyrus, en échange de ses clémences. En fin de parcours, les papyrus inutilisables étaient vendus aux embaumeurs, qui les superposaient et les collaient pour en faire des ornements de momies. Une pratique courante que la classe moyenne égyptienne pouvait se permettre, puisqu'on a retrouvé de nombreux plastrons, jambières et chaussons destinés à accompagner les défunts dans leur voyage vers l'au-delà. Stephanie Walleckier et Brigitte Bakech se sont penchées sur ces papyrus aux multiples vies. Lors du congrès, elles ont présenté six papyrus ayant servi à l'embaumement mais dont les sigles sont encore lisibles. Sur l'un des documents, l'encre noire ressort bien sur le support jaunâtre, dont les fibres déchirées sont visibles. L'un des côtés est arrondi, comme découpé, preuve qu'il a servi au plastronnage d'une momie. La date n'est pas spécifiée, mais elles ont réussi à le dater du IIIe siècle av. J.-C. Le document a pu être daté grâce à une étude des lettres. La manière d'écrire évolue à travers le temps. Le côté recto a servi en tant que document administratif copte, datant environ du IIIe siècle. L'identification du document a permis d'établir qu'il s'agissait d'un échange concernant un terrain agricole. « L'administration du Fayoum demande à ce que soit récupérées les récoltes d'ail, de fines herbes et d'oignon, car elles risquent de périmer. Les terres appartenaient vraisemblablement à un cavalier thrace » précise Stéphanie Wackenier. Les cavaliers de l'armée régulière se voyaient attribuer des terres par le roi, lequel récupérer ensuite la récolte. « La mise en page du document confirme qu'il s'agit bien d'un document administratif. Au recto, quelqu'un a entrepris d'écrire l'alphabet grec, après avoir lavé le papyrus, ce qui était courant. Nous pensons qu'il s'agit d'un exercice scribal, mais c'est une hypothèse à prendre avec des pincettes. » Plusieurs photos infrarouges ont fait apparaître les signes effacés. Toute la complexité de leur recherche a été d'établir le parcours de ce document et ce pour quoi les deux écritures se retrouvaient sur le même support.


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