Algérie

Quelles limites pour les révolutions arabes ?



Quelles seraient les réactions de quelqu'un qui serait tombé dans un coma profond depuis le début du mois de janvier dernier et qui se réveillerait miraculeusement ces jours-ci ? Sans doute qu'il ne pourrait jamais croire aux évènements survenus pendant l'absence de sa mémoire. Il serait retourné dans les pommes pour ne plus revenir.

Il recevrait un autre choc terrible peut-être beaucoup plus par les fortes émotions de plaisir qu'il sentirait par le départ désespérant des systèmes en place. Lui qui n'a jamais cru à des soulèvements de la rue arabe qui sont devenus ces quatre derniers mois l'attraction numéro un du monde mis à part l'intermède du Tsunami du Japon, l'interventionnisme de la France en Côte d'Ivoire et la pollution de la révolution Libyenne par Bernard Henry Levy and Co.

Si Benali et Moubarak avaient réagi à temps aux revendications des citoyens qui étaient au départ totalement minimes et sommaires, les manifestations ne se seraient peut-être pas transformées en révolutions grandeur nature, relayées et amplifiées à la célérité de la lumière par les médias et le Net. Mais le destin a voulu autrement. Il existe des causes à chaque effet.

Des révolutions qui sont en train de tout balayer devant elles. Elles semblent ne pas connaître pour le moment aucunes limites ni essoufflements quelconques. Chaque jour apporte son lot de surprises et les peurs dépassées. Comme un château de cartes, les tabous sont en train de tomber les uns après les autres.

La théorie des dominos se poursuit allègrement à l'intérieur des régimes décapités seulement de leur tête. Le comble, c'est que les révolutions tunisienne et égyptienne se font maintenant de la concurrence. Plus forte que moi, tu meurs !

Rien ne peut arrêter leur course-poursuite. Elles jouent contre la montre en voulant forcer le destin. Elles veulent dépasser les frontières de l'inimaginable. Elles poussent vers l'extrême et acculent ses adversaires vers les tranchées les plus exiguës. Elles ne veulent rien lâcher de la proie qui se trouve maintenant entre leurs mains. Elles savent que l'occasion ne se représenterait plus. Cela fait des décennies qu'elles attendent cette opportunité rare dans les annales.

L'effet d'entraînement joue aussi en leur faveur. En un temps assez court, il faut reconnaître que les citoyens de ces deux pays forgent le respect de tous leurs frères et voisins. Ils sont devenus un modèle à copier dans le cas où les régimes en place s'entêtent et oublient de gouverner convenablement et dignement des peuples imprévisibles qui peuvent se retourner en des laps de temps, en demandant des comptes à rendre à leurs actuels gouvernants.

Mais ces deux ex-présidents ont voulu avoir la main sur tout ce qui bouge, entretenus par leur orgueil sans bornes et applaudis à tout rompre par les thuriféraires de tous bords devant les fortes pressions étouffées de leur populace.

Si, il y a quelques mois, quelqu'un avait pensé présenter Moubarak à la justice, il aurait été traité de fou, d'un imaginaire floué par ses hallucinations. Mais il y a un commencement à tout. La nouvelle est tombée, la semaine précédente, tel un couperet sur les rédactions de presse et sur la toile. Le président déchu et ses deux enfants sont poursuivis par la justice du pays qui a retrouvé toutes ses couleurs. Lorsque la justice exerce ses réelles prérogatives, elle peut changer le pays en un quart de tour et rendre la confiance perdue à cette institution nécessaire à tout état de droit.

Subitement, on a découvert la puissance juridique d'un juge qui peut interpeller n'importe quel citoyen qui se croirait être au dessus de la loi. Personne ne peut se permettre de l'instrumentaliser à sa guise et selon ses visées politiques et sociales. En quelque sorte, des émules de Omar El Haq qui surgissent allègrement un peu partout dans la cité. Ceci ne pourrait produire que de l'espoir dans le monde arabe.

Tout le monde au-dessous de la loi. Personne ne pourrait échapper à son jugement même si on a été un jour pharaon. Les deux fils qui faisaient la pluie et le beau temps aux pays des pyramides sont rappelés aux ordres et aux arrêts comme de vulgaires bandits. Des anciens ministres et barons des anciennes républiques, si on l'ose les qualifier ainsi, sont menottés et ramenés en prison, pas dans des luxurieuses voitures mais en camions à la limite de la décence dus à leurs antécédents rangs. Et ce n'est que justice ! Dans le cas où des charges seront retenues contre eux.

Franchement, les ex-rois des ex-monarchies républicaines font pitié à voir. Ils sont la honte de l'histoire qui s'avère finalement intraitable. Ils ont totalement failli à leur mission pour laquelle ils étaient désignés par cette sortie déshonorante. Et c'est ce que l'histoire retiendrait de leur passage.

On croit songer par ce qui est train de se passer dans Oum Dounia et dans la petite Tunisie qui n'en finit pas de nous prodiguer l'exemple. Quoiqu'on dise sur les éventuelles manipulations occidentales, Il s'agit ici de terrains propices aux révoltes à cause des murs de silence imposés aux masses. Au moment où on pensait que les peuples se seraient endormis pour l'éternité, intoxiqués pour de bon, voilà qu'ils nous assènent le contraire de ce que prévoyaient les experts les plus chevronnés. Une leçon qui marquerait, sans aucun doute, d'une pierre blanche l'histoire du monde arabe, depuis son indépendance du joug colonial, mais à condition que les aspirations venaient par bonheur à se réaliser.

Ce qui fait rire le plus, c'est que certains pensent que disqualifier un ancien président était considéré comme déshonorer un pays. C'est ce qu'on appelle assimiler l'Etat à une personne. Ce fait unique dans les mémoires du monde arabe va permettre également d'effacer ce dédoublement de personnalité de l'état.

Lorsque la machine se met en branle, rien ne pourrait l'arrêter. On ne peut pas stopper l'histoire par des paroles lancées dans l'air et des promesses qui ne seraient jamais tenues. Mis à part le scénario catastrophe de la Libye qui sombre terriblement dans une guerre fratricide, le Yémen et la Syrie semblent suivre les pas de leurs aînés sous les coups de boutoir pacifistes des manifestants.

Mais les adversaires aux changements et à l'émancipation de la plèbe en de véritables citoyens guettent le moindre faux pas pour se maintenir plus forts au sommet et plus répressifs que jamais. Peut-on contenir la roue qui broie tout sur son passage ? Est-ce qu'elle a atteint sa vitesse de croisière ? C'est toute la question que tout le monde ne cesse de se poser.

Pour ceux dont le tour n'est pas survenu, ils feintent de bouger pour ne pas être pris dans l'engrenage de cette nouvelle destinée. Mais jusqu'à quand ? Le temps n'a pas de limites. Une nouvelle république peut naître fatalement aujourd'hui comme demain. C'est un phénomène naturel dont toutes les forces du mal ne peuvent le vaincre. C'est un passage obligé qui ne peut naître à vide.








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