Contester ou
consolider la société établie? Accéder à la culture (dominante) ou l'inhumer?
Former l'homme nouveau pour la société socialiste ou former des hommes pour la
société capitaliste? Apprendre des connaissances ou apprendre à apprendre?
Acquérir l'esprit scientifique expérimental ou seulement l'usage des résultats
de la science? Devenir apte à un métier, à un travail professionnel, utile à la
nation, ou développer la libre expression de chaque personnalité?...
Mondialisation
oblige, l'éducation des hommes du XXIéme siècle doit nécessairement être
pluraliste, pluridisciplinaire, elle doit être aussi complexe, aussi richement
variée que les aptitudes, les facultés, les besoins, les désirs et les
aspirations des populations algériennes. Elle ne peut plus se limiter à ce qui
fut ces dernières décennies son objectif unique:l'instruction des enfants
c'est-à-dire l'initiation à quelques techniques intellectuelles fondamentales.
Elle a en charge l'éducation dans le monde moderne. Un effort permanent
d'adaptation est nécessaire, qui caractérise la tâche éducative et conditionne
son efficacité s'adressant tout à la fois, au corps, au coeur et à l'esprit.
L'enseignement de
nos écoles élémentaires doit ouvrir toutes grandes au jeune enfant, les
fenêtres du monde. Telle doit être la fonction des disciplines d'éveil, où l'on
ne recherche pas systématiquement les connaissances , mais qui doivent éveiller
la curiosité et susciter le désir de connaître. Cependant, il est loisible de
concevoir et de mettre en pratique, en liaison permanente et logique avec
celles qui sont synonymes de découverte, de conquête du langage, de l'écriture,
de la lecture, des mathématiques puis de l'éducation morale et civique par des
voies différentes, une pédagogie du discernement et de la réflexion.
L'école
d'aujourd'hui, n'a pas trouvé l'équilibre entre la tendance encyclopédique et
les besoins de la réflexion, de la méditation; entre l'accumulation des
connaissances et les méthodes de leur acquisition, elle enseigne selon des
procédures rationnelles, les résultats de la science formée, sans enseigner les
méthodes de «découvertes», de connaissances nouvelles; elle confond le
rationnel et l'expérimental; la plupart de nos adolescents sortent de l'école,
de l'université, sans avoir l'esprit scientifique expérimental qui, pourtant,
est le levain de la révolution économique et culturelle de notre temps.
L'initiation
technologique conçue, non comme une discipline s'ajoutant aux autres, mais
comme une activité d'éveil poursuivie à tous les niveaux de l'enseignement,
s'impose comme un moyen d'ouvrir l'école sur la vie et de réconcilier l'élève
avec son milieu naturel en développant chez lui dans un premier temps la
maîtrise des instruments et des techniques dont les adultes usent
traditionnellement autour de lui, avant de l'initier à des outillages et à des
techniques plus modernes dont il aura demain sans doute à exploiter les
possibilités au service du milieu. Cette recherche d'une meilleure adaptation
de l'école à son environnement, qui est d'abord, dans notre monde, celui de la
technique, n'affaiblira ni son prestige ni sa mission culturelle; bien au
contraire, en créant les conditions d'un équilibre plus satisfaisant entre
enseignement général et enseignement technique, entre aptitudes intellectuelles
et savoir-faire, nous en ferons le lieu du plein épanouissement des
personnalités, comme l'instrument privilégié de la promotion collective et,
partant, du progrès de la société.
L'école
algérienne laisse en friche les aptitudes artistiques, corporelles, manuelles
des adolescents; elle ne développe aucunement les facultés de sensibilité, d'affectivité,
d'émotion, d'enthousiasme, ni le sentiment, la cordialité, la fraternité…Aussi
les critiques deviennent –elles plus vives encore quand il s'agit de
l'épanouissement physique, de l'équilibre nerveux, de l'équilibre sensoriel, du
caractère, de la sociabilité, d'un certain sens de l'optimisme et du bonheur.
On cultive la
cérébralité discursive, l'aptitude verbo-conceptuelle; mais un «excellent»
élève peut ne pas avoir une once de bon sens, une calorie de chaleur humaine,
il peut être absolument incapable de comprendre cordialement, de ressentir
affectueusement ses collègues, ses collaborateurs, ses inférieurs dans la
hiérarchie professionnelle, ses voisins…Et que dire du respect d'autrui, de
l'attention pour l'autre, de l'aménité, de la courtoisie, de la politesse?
Nous pouvons
condamner le caractère figé, fermé, artificiel de l'école actuelle, le manque
d'apport dans la formation morale et sociale de l'enfant, son éveil à
l'objectivité, à la logique, l'accession aux langages rationnels, la préparation
au travail sérieux.
LA
DIVERSIFICATION DES MANUELS SCOLAIRES
Tous les élèves
ne relèvent pas de la même pédagogie. Il est absurde de les mesurer tous à la
même aulne. Vouloir les faire progresser en les coulant tous dans le même
moule, alors qu'ils n'ont pas les mêmes aptitudes, la même forme d'esprit et le
même rythme d'acquisition des connaissances, serait nuisible. Une
différenciation pédagogique est indispensable si l'on veut respecter le
principe de l'égalité des chances qui n'est pas de donner à tous la même chose,
mais de donner à chacun selon les besoins qu'il a. Ce qui demande une diversité
dans les manuels scolaires:lecture, calcul, histoire, géographie, français…Par
exemple dans une même école, une classe de 5ème année peut utiliser un livre de
lecture adapté au niveau réel de la classe, différent de celui de l'autre cours
de même niveau et en conformité avec les programmes officiels. C'est ce qu'on
appelle la vraie démocratisation de l'enseignement. Une véritable égalité des
chances de développement intellectuel entre les enfants inégaux exige un
enseignement lui-même inégal selon les individus, adapté à chaque cas pour être
efficacement compensateur. Les sciences de l'éducation ont apporté une
connaissance plus précise des données biologiques, psychogénétiques et sociales
de cette diversité. L'enfant vivant existe, avec ses besoins physiologiques et
biologiques. La mission de l'école algérienne, sa finalité est de former des
hommes capables de s'accomplir personnellement et socialement. Au départ et
tout le long de la scolarité, il faut donc tenter pour donner à tous, une
égalité de chances. Et il est certainement plus important encore que ce système
soit adapté à l'enfant que de contraindre l'enfant à s'adapter à l'école. C'est
un être trop important pour que l'on néglige un atout qui peut être un capital
pour son épanouissement. C'est aussi un être vivant qui a un corps exigeant.
Chaque classe a sa physionomie, sa personnalité singulière. Et cette
physionomie se renouvelle chaque année avec les élèves, elle évolue même en
cours d'année. Elle tient compte des différences d'intelligence entre enfants
d'une même classe, des différences d'aptitude chez un même individu, de son
rythme de travail et des variations de celui-ci, de ses réactions affectives,
de sa fatigabilité, de tous les facteurs personnels qui interviennent dans son
activité et dans son comportement scolaire. Un même enseignement donné à tous,
moyen hypothétique au détriment des élèves réels, lèse particulièrement les
bons et les faibles, malgré les efforts que les maîtres peuvent faire pour
donner à chacun sa part.
BESOINS ET
INTERETS DE NOS ENFANTS
Le système
éducatif dans notre pays doit d'abord reposer sur les besoins et les intérêts
des enfants et des adolescents, avec ce souci primordial d'en faire des hommes
et des femmes qui demain dirigeront et animeront la société, donc des citoyens
comme on dit, conscients et lucides.
Ce que nous
voulons, c'est jeter les bases d'un projet d'éducation, couvrant, non seulement
la période de la scolarité obligatoire, mais également, car c'est très
important, toute la période allant de la scolarité obligatoire, jusqu'à
l'université. Il y aura naturellement toujours un pourcentage d'enfants et
d'adolescents qui iront vers les enseignements longs, vers les universités en
général. Il faudra augmenter ce pourcentage notamment en assurant l'égalité des
chances. Mais ce qui pose d'abord le problème, c'est la masse d'enfants qui ne
pourront pas suivre les études longues.
Il faut que nos
enfants, nos adolescents, devenus adultes puissent vivre une vie normale,
c'est-à-dire une vie digne et heureuse, dans laquelle ils seront des citoyens
capables de comprendre, capables d'apprendre, capables de rechercher, capables
d'échanger avec les autres hommes, les autres femmes, capables de curiosité,
capables aussi de changer d'activité et de métier, car ce qui caractérisera
sans doute cette époque, c'est que les jeunes que nous avons maintenant dans
les établissements scolaires ne se préparent pas comme autrefois à un métier,
mais à la vie. Et une vie dans laquelle ils auront peut être à accomplir
plusieurs métiers.
Il faut donc que
l'institution scolaire les prépare, non seulement à des activités économiques,
mais à des changements d'activités économiques. C'est à dire, leur donner une
formation initiale, une formation de base, avec toutes ses composantes de haut
niveau, du plus haut niveau possible en fonction de l'intérêt, de la curiosité,
de la capacité de réflexion et d'attention des jeunes. L'école, ce faisant,
doit aussi atténuer les inégalités sociologiques, même si elle ne peut les
supprimer totalement ; elle peut apporter le maximum, y compris dans le domaine
du goût. Pensons à la musique, au dessin, aux Å“uvres d'art, à la lecture, à la
poésie!Tout cela dépasse très largement le bachotage qu'on connaît, qu'on
condamne.
La prolongation
de la scolarité jusqu'à seize ans pourrait être conçue d'une manière tout à
fait différente, avec une grande part de formation initiale, de formation
générale adaptées aux adolescents et une partie de préapprentissage, de
formation pré -professionnelle harmonisée avec cette formation générale, sans
que jamais trop tôt, les enfants soient livrés directement à la rue. Dans ce
projet éducatif, pour toute cette partie intermédiaire entre l'école de base et
l'entrée dans la vie, nous voudrions mettre au point, en fonction de la société
que nous voulons, tous les mécanismes d'»accrochage» à la vie active dans tous
ses aspects! Agriculture, commerce, artisanat, industrie, etc. Ce sont là des
idées générales qui traduisent une volonté d'explorer et d'étudier avec une
perspective de propositions, un domaine capitale de l'éducation.
L'ELEVATION DES
CONNAISSANCES.
L'élévation des
connaissances est aujourd'hui indispensable, en fonction de l'évolution des
technologies de pointe, des sciences, des techniques et du niveau des relations
humaines et des moyens de communication, d'échanges et de culture. C'est un
aspect de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Mais au-delà des
connaissances scientifiques, il y a indiscutablement, une formation humaine,
une formation de citoyens, une formation civique, une formation de travailleurs.
Le travailleur de demain, qui aura la responsabilité de ce pays dans vingt ou
trente ans, doit être en mesure de dominer autant que possible le monde dans
lequel il vivra, de remettre en cause pour la rendre meilleure ou plus juste,
s'il le veut, s'il le souhaite, la société dans laquelle il sera. On ne peut
donc pas bâtir un projet éducatif sans avoir quelques idées sur la société de
demain et sur le rôle des hommes. Si l'on veut effectivement construire une
société juste, authentique, respectueuse des droits de l'homme, et du premier
d'entre eux, la liberté, ne faut-il pas concevoir non seulement une
planification économique, mais aussi un très grand projet d'éducation qui
respecte l'homme en lui-même, qui ne fasse pas un homme pour une société, qui
commence par respecter l'enfant et qui prépare surtout l'adolescent à ses
responsabilités futures?
Au fond, est-ce
que la société algérienne de demain ne relève pas d'abord d'une éducation de
responsabilité, donc d'une éducation responsable ouverte sur la vie et à la
vie? C'est tout le problème d'une conception nouvelle de l'éducation et de
l'école qu'on peut avoir. Cela signifie qu'il faut que» l'institution scolaire
continue de changer d'âme». La difficulté, c'est que nous sommes conscients en
réfléchissant à un projet éducatif, mais nous ne voulons pas que cet objectif
enferme les enfants et les adolescents dans un carcan. Nous voulons former un
homme qui soit capable de remettre en cause la société et capable de se
remettre en cause lui-même.
L'ECOLE ET SON ENVIRONNEMENT
Autour de l'école
le monde a évolué; on parle aujourd'hui d'école parallèle dont l'importance et
l'influence ne cessent de croître et que la plus grande erreur pédagogique
serait d'ignorer ou de rejeter. Le rôle de l'école n'est pas dès lors de se
retrancher dans un univers clos, c'est d'aller au devant de la communication.
Il est de donner aux élèves un cadre de connaissances et une capacité de
jugement qui leur permettent de situer, d'interpréter et de mettre en ordre les
informations disparates qui les assaillent de toutes parts.
Aujourd'hui,
c'est l'école des moyens audiovisuels, c'est l'école des journaux de toutes
sortes, c'est l'école de la radio, c'est l'école de la télévision, de la vidéo,
de la parabole, d'Internet, de facebook, du fax, d'Ipad, du Nintendo, du Smart
phone, du Playstation, ..
L'école,
renforcée, programmes revus, corrigés, allégés, livres scolaires adaptés au
niveau réel des élèves, doit fournir aux apprenants le goût et les moyens de
l'éducation permanente, créer des appétits, assurer les divers langages,
audiovisuels inclus, multiplier les formes d'activité, donner la faculté
d'adaptation, le sens des initiatives et des responsabilités, l'esprit
d'engagement, de ténacité, de créativité, de solidarité, apporter l'autonomie,
offrir l'essai de vocation de loisirs…
A cette jeunesse,
pour rompre la routine, la monotonie et vaincre l'oisiveté, mère de tous les
vices, qui use, rouille puis avilit le jeune, (pensez au nombre inquiétant de
suicides, aux 12 jeunes harraga interpellés près de Mostaganem, âgés entre 16
et 17 ans dont 4 collégiens: el-watan du 18.01.2011) ouvrez-lui les stades, les
salles omnisports, les salles de cinéma, les bibliothèques, les théâtres, les
piscines, les parcs de loisirs et de détente, multipliez les concerts de
musique, les centres de vacances! ...
Notre éducation
doit répondre aux besoins exprimés par les jeunes dans un monde en mouvement,
en évolution, avec toute l'évolution de la famille, avec le poids de l'école de
la rue, avec le poids des moyens de l'information.
Pour conclure, la
grande mission de l'école algérienne, la grande mission de tout notre système
éducatif, est bien d'apporter aux jeunes ce qui est fondamental et essentiel
pour qu'ils puissent, adultes, mener une vie digne et heureuse, une vie
responsable, une vie de luttes pour des progrès toujours nouveaux et toujours
nécessaires. Pour cela, il est nécessaire de rappeler l'importance que revêt à
nos yeux, dans un univers où nous dépendons toujours plus étroitement les uns
des autres, une large concertation sur la recherche de formes d'éducation mieux
adaptées à l'attente des jeunes générations comme aux réalités qu'elles auront
demain à affronter.
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Posté Le : 05/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdelhamid Benzerari
Source : www.lequotidien-oran.com