Algérie

Quel vaccin pour Ali Khamenei '



Quand les dirigeants arabes se fâchent entre eux et prennent à témoins leurs peuples de leurs disputes et de leurs griefs, cela fait beaucoup de bruit, de fureur et des victimes, évidemment. Et quand ils se réconcilient, au nom de la fraternité (la Palestine, Al-Qods, c'est oublié), le vacarme est insupportable, et il y a surtout des craintes à avoir pour ceux qui paieront les frais. Donc, l'Arabie Saoudite et le Qatar ont rouvert leurs c?urs et leurs postes frontaliers respectifs, en se promettant d'aplanir leurs divergences et d'?uvrer à la concorde universelle. Seulement, sachant que les guerres, même en terres étrangères, font beaucoup de victimes et que leur arrêt est parfois plus préjudiciable pour certains, je ne peux que poser des questions: on sait que pour l'Arabie Saoudite, les deux grands ennemis du moment sont l'Iran et le mouvement des Frères musulmans, et qu'à l'inverse, les susdits seraient plutôt des amis du Qatar. L'émirat qui nous a imposé Al-Jazeera et Karadhaoui fraye aussi avec la Turquie d'Erdogan, un Président ambitieux qui s'emploie à troubler la quiétude de l'Egypte, alliée de l'Arabie Saoudite. Ceci étant, le Qatar prendra-t-il ses distances avec l'Iran, après avoir renvoyé tous les Frères musulmans vers la Turquie, pour perturber les rêves de califat d'Erdogan 'Or, face à l'Arabie Saoudite, forte de ses appuis américains, de son alliance objective avec Israël, l'enfant chéri de Washington, que pèse l'îlot porte-avions qatari, même avec Al-Jazeera ' Maillon faible, le Qatar s'apprête à organiser dans moins de deux ans la 22e édition de la Coupe du monde de football, sur laquelle pèsent déjà de sérieuses présomptions de corruption. Le Qatar est en quête de reconnaissance internationale, ses dirigeants veulent que l'on dise du bien du Qatar en Occident et c'est pour cela qu'il déploie toutes ses ressources financières. L'Arabie Saoudite, engagée dans une alliance stratégique, de plus en plus manifeste avec Israël, ne fera qu'une seule petite concession en décrétant une grâce royale pour ses islamistes dévoyés. Cette grâce pourrait être suivie d'une décision gouvernementale retirant le mouvement intégriste de la liste des organisations terroristes, arrêtée par les autorités saoudiennes. Ce à quoi feraient écho les Américains eux-mêmes en rétablissant les passerelles, qui n'ont jamais été réellement coupées, avec les responsables de l'organisation islamiste. Il ne faut pas oublier d'où viennent les Frères musulmans et de quelle manière ils ont composé avec tous les pouvoirs, de Hassan Al-Bana à Mohamed Morsi, pour des parcelles de pouvoir.
Sans doute, est-ce justement le lieu de rappeler qu'après la destitution de Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, le guide des Frères musulmans, Mohamed Badie, s'est réfugié en Grande-Bretagne. C'est sous le mandat britannique et avec les encouragements de la Perfide Albion que Hassan Al-Bana a constitué l'organisation des Frères musulmans, afin de contrecarrer les nationalistes. En lâchant les Frères musulmans, ces derniers faisant acte de repentance, comme ils savent le faire, le Qatar, qui a été à l'avant-garde de la normalisation avec Israël, pourra, enfin, revenir chez lui. La chaîne Al-Jazeera et son tandem de choc Karadhaoui-Bengana auront à se consacrer à des tâches plus passionnantes, comme celle de faire oublier la Palestine aux Arabes. À moins que les propriétaires de la télé ne décident que l'aumônier du wahhabisme et sa fidèle assistante ont bien servi la cause et qu'il est grand temps de les déclarer perdus de vue. Quant à l'Iran, c'est une autre paire de manches, et ce n'est pas tant le danger de l'expansionnisme chiite qui inquiète les Saoudiens que la résilience du pays et sa puissance militaire. L'Iran, en tant que force politique et économique, est plus à craindre, aux yeux des Saoudiens, que le chiisme intégriste qu'incarnent actuellement les ayatollahs qui monopolisent le pouvoir.
Ce sont ces religieux, en effet, qui bloquent l'essor du pays, en l'orientant uniquement sur la recherche nucléaire, à vocation militaire, comme un aéronef cloué au sol, faute d'équipages. En témoigne la dernière sortie du guide suprême, Ali Khamenei, qui vient de décréter que les vaccins fabriqués aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne n'étaient pas religieusement licites. Salah Qalab, l'ancien ministre jordanien de la Culture, qui collabore régulièrement au journal électronique Elaph, s'en étonne et se demande comment Khamenei a pu changer à ce point-là. Il rappelle qu'après la révolution de 1979 et avant d'arborer la coiffe de guide suprême, Ali Khamenei a été longtemps considéré comme un religieux modéré, voire comme un homme de gauche. L'ayatollah Khamenei a annoncé cette interdiction des «vaccins impérialistes» à la télévision, et pour mieux en accentuer l'importance, il a affirmé qu'il en avait transmis l'ordre à tous les dirigeants. Cette façon de vouloir rendre l'arrêt irrévocable montre que tout le monde n'est pas forcément d'accord et que des responsables soupçonnent Khamenei d'avoir des arrière-pensées. Cela veut dire que si le guide suprême était touché par le virus de la Covid-19, il s'empresserait de supplier les Américains et les Britanniques d'utiliser sur lui le vaccin qu'il interdit à son peuple.
Comme on peut le constater, l'hypocrisie de l'intégrisme chiite est presque aussi accomplie que celle de son alter ego sunnite, ce qui n'offre guère des perspectives d'avenir rassurantes. Sans doute qu'avant d'en être réduit à se faire injecter un «vaccin impérialiste», Ali Khamenei garde-t-il en réserve la possibilité de recourir aux orthodoxes de Russie ou aux athées de Chine.
A. H.


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