Un peu plus de 320 000 DA (prise en charge et indemnités comprises), c'est ce que coûte mensuellement à la collectivité nationale chaque député. Ce coût exorbitant résultant d'un deal avec l'Exécutif gouvernemental qui se paye ainsi leur docilité et l'assurance d'un soutien indéfectible pour tous les projets de loi qu'il viendrait à proposer.
Le débat contradictoire que ces représentants du peuple sont juridiquement habilités à imposer aux gouvernants est ainsi évité. A quelques rares exceptions près, les projets de loi sont approuvés sans aucun amendement. Le président de la République a par ailleurs pris l'habitude de légiférer par ordonnances entre deux sessions du Parlement, comme le lui permet la Constitution. Comme on le constate, la charge de travail des députés est bien légère. Elle tourne souvent même à l'oisiveté lorsqu'ils s'offrent le droit de déserter l'hémicycle, comme c'est malheureusement le cas, pour bon nombre de députés dont les fauteuils restent souvent vides à longueur d'année. Certains membres des Parlements précédents se sont même payé le luxe de n'avoir jamais mis les pieds à l'Assemblée nationale durant toute la période de validité de leur mandat.
Dans pareilles conditions, comment ne pas juger négativement les revenus exorbitants qui leur sont gracieusement servis comme une rente de situation qui, de surcroît, ne requiert même pas l'effort de la présence physique sur le lieu de travail. La gratification dont bénéficient les députés paraît encore plus immorale, qu'ils sont également absents des territoires (circonscriptions) où ils se sont fait élire parfois sans être originaire de la région. Les problèmes et doléances des citoyens qui leur ont accordé leurs voix ne les préoccupent souvent pas.
Le Parlement est ainsi devenu une coûteuse façade démocratique chèrement payée par les contribuables et l'argent du pétrole. Ce mode de rémunération immoral à bien des égards est, on le comprend, très mal perçu par les citoyens qui, pour ne pas le cautionner, sont de plus en plus nombreux à déserter les urnes à l'occasion des élections législatives.
Le gouvernement est aujourd'hui bien conscient de ce problème qui discrédite ce type de représentation populaire et ternit l'image de l'Exécutif qui le tolère, au point où le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales évoque, aujourd'hui, la nécessité de revoir ce mode de rémunération, en insistant notamment sur l'obligation de présence des élus concernés aux différentes sessions de l'Assemblée nationale. L'idée de rémunérer les députés au gré des jetons de présence, comme cela se pratique dans les conseils d'administration d'entreprises est du reste avancée par certains constitutionnalistes qui ont eu à s'exprimer sur la question, comme pour cautionner sa légalité.
20 milliards de dinars par an sans contrepartie !
Il est, également, question de soumettre ces élus à l'obligation d'activité parlementaire consistant, essentiellement, à émettre obligatoirement des avis écrits et des propositions d'amendements relatifs aux études et projets de loi qui leur sont adressés par diverses sources gouvernementales. Ce sont évidemment des changements qui ne seront pas faciles à opérer, tant l'écrasante majorité des députés a, comme on le sait, brigué ces postes pour les avantages pécuniaires qu'ils sont censés offrir.
La difficulté de changement est d'autant plus grande, lorsqu'on sait que la décision de fixation des niveaux de rémunération des élus, chefs de groupe, vice-présidents et présidents relève de l'Assemblée populaire nationale qui en décide souverainement à l'occasion de l'élaboration de son règlement intérieur.
L'Exécutif et, notamment, le président de la République peuvent évidemment réagir en ne donnant pas leur caution morale à ces nouveaux élus en cas d'exagération flagrante en matière d'octroi de salaires et autres avantages. Cela pourrait tempérer, quelque peu, les ardeurs des députés les plus boulimiques et ramener le Parlement à la raison. Mais au-delà du problème moral que pose ce mode de rémunération, c'est, surtout, le coût global exorbitant de l'Assemblée populaire nationale que devra supporter la collectivité qui gêne le plus. Il faut en effet savoir que le nombre de députés a été augmenté d'une centaine de membres à l'occasion de la dernière loi électorale. Ils sont, aujourd'hui, près de 460 députés censés encaisser, chaque année, un peu plus de 3.800.000 DA chacun en se basant sur le mode de rémunération pratiqué par le Parlement sortant.
A ce prix, les élus de l'Assemblée nationale coûteront au Trésor public pas moins de 20 milliards de dinars par an. Les augmentations de salaire et indemnités que ne manqueront certainement pas de solliciter les nouveaux députés dès leur installation risquent de porter le coût salarial de l'Assemblée nationale à un niveau encore plus insupportable pour la collectivité.
Posté Le : 28/05/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nordine Grim
Source : www.elwatan.com