«La modestie
permet de progresser, l'arrogance est un frein». (proverbe
chinois)
Les différentes
réunions sur la situation du système politi que, social
et économique solidaires organisées par les pouvoirs publics en Algérie (commission
Bensalah, Conseil économique et social sur la société
civile) permettront t- elles de dépasser la situation de crise multidimensionnelle
qui secoue actuellement l'Algérie ?
Auront-elles des
incidences opérationnelles sur le terrain, les pratiques contredisant souvent
des intentions et textes juridiques si louables soit-ils, devant éviter les
réunionites sans lendemain ? Est-ce une question seulement de nouvelles lois
sans toucher au fonctionnement du système ? Depuis 15 années les différents
prix Nobel de sciences économiques ont pu montrer clairement les liens
dialectiques entre les systèmes, les institutions et le développement
économique. Les lois économiques n'étant pas neutres, sont le produit de
l'histoire, largement influencées tant par les mutations mondiales (acteurs
externes) que qu'internes (acteurs internes). Etant une question de sécurité
nationale, il convient de se demander et sans passion, (ni critique négative, ni
sinistrose), des impacts qu'auront ces réunions en guise de réponses au
développement du pays, le principal défi du XXIème
siècle étant la maitrise du temps face à un monde de
plus en plus interdépendant et en pleine mutation. C'est pour ces raisons, rendant
urgent, qu'il ya d'imaginer un nouveau management et
de répondre sereinement à dix questions stratégiques, objet de cette
contribution.
Premier axe
Quel système
politique pour l'Algérie répondant aux nouvelles exigences du XXIème siècle devant traiter de la gouvernance et
l'efficacité des institutions impliquant d'analyser les dysfonctionnements des
structures de l'Etat tant au niveau central que local, la problématique de la
décentralisation responsabilisant les acteurs locaux à ne pas confondre avec la
déconcentration. Les dernières actions de lutte contre la corruption qui prend
des proportions alarmantes en Algérie doivent relever d'une volonté profonde de
moralisation de la société devant passer par un contrôle pas seulement
technique mais démocratique. En mettant sur le marché des sommes faramineuses
sans prévoir des institutions et des instruments de régulation et de contrôle, ne
fallait-il pas s'attendre à certaines dérives?
Deuxième axe
Lié au premier, se
poser la question centrale de la mise en place d'un Etat de droit et de
véritables contrepoids politiques, les partis actuels et leurs satellites
suscitant une méfiance généralisée de la population algérienne incapables
mobiliser et surtout de susciter une adhésion qui influent négativement sur
l'économie, favorisant une corruption socialisée. Quel est le rôle futur de
l'Etat dans le développement économique et social : Etat gestionnaire ou Etat
régulateur ?
Troisième axe
Ayant un impact
tant sur le fonctionnement du système politique et économique, poser
correctement la question de la place de la sphère informelle produit de la
bureaucratie fonctionnant dans un espace qui est le sien avec des organisations
informelles ( une société civile informelle dominante ) expliquant la dualité
institutionnelle drainant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, plus
de 50% de la valeur ajoutée et de l'emploi total : comment donc l'intégrer par
des mécanismes transparents loin des mesures administratives autoritaires de
peu d'effets ?
Quatrième axe
Quel est l'impact
des accords liant l'Algérie à l'Europe applicable depuis le 01 septembre 2005, quelles
perspectives de l'adhésion future à l'organisation mondiale du commerce OMC et
quelle est la place du secteur privé national et international pour instaurer
une économie de marché concurrentielle dans l'économie nationale et donc quel
est le futur rôle de l'Etat dans le développement économique et social face aux
nouvelles mutations mondiales. Et dans quels créneaux investir en termes
d'avantages comparatifs part entre infrastructures et entreprises dont
agriculture, PMI/PME, tourisme, services) au sein des espaces socio-économiques
naturels de l'Algérie à savoir l'espace maghrébin, posant l'urgence de
l'intégration économique maghrébine, euro -méditerranéenne et arabo-africaine ?
Cinquième axe
Quelle est la
politique éducative et de la régulation sociale liée à une véritable politique
salariale, à mettre en Å“uvre évitant la distribution passive de la rente pour
une paix sociale éphémère et ne pouvant que conduire à un suicide collectif ? La
revalorisation du travail et du savoir ne suppose t- elle pas un réaménagement
profond des structures du pouvoir ? Et pour ce dernier facteur stratégique, comment
ne pas appeler , la récente enquête inquiétante, de l'importante revue
américaine Foreign Policy
de 2010, classant l'Algérie parmi les plus vulnérables au monde avec une note
de 8,6 sur 10 pour la disparition et la dispersion de l'élite, s'agissant d'une
des notes les plus mauvaises du monde et de conclure : « les très bas salaires
et l'environnement politique défavorable hypothèquent l'avenir de l'Algérie qui
risque de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir ». Cela
n'implique t-il pas de revoir les politiques actuelle de la gestion des
ressources humaines, richesse bien plus importante que toutes les ressources
d'hydrocarbures, de l'éducation, de la santé, de l'emploi liant l'efficacité
économique et la nécessaire cohésion sociale ? Une société rentière fortement
inégalitaire étant vouée à la décadence, quels sont les liens entre le mode
d'accumulation, la répartition du revenu et du modèle de consommation par
couches sociales supposant une analyse de l'inflation liée au mode de
régulation, c'est-à-dire les mécanismes de production et de distribution de la
rente des hydrocarbures ?
Sixième axe
Quel est le bilan
du plan de soutien à la relance économique entre 2004/2009 de plus de 200
milliards de dollars, et les impacts attendus des 286 milliards de dollars
prévus entre 2010/2014 dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser
montrant un gaspillage des ressources financières du pays ,
en comparaison de pays similaires, l'Algérie dépensant deux fois plus pour des
résultats deux fois moindres selon les rapports internationaux 2009/2010 ? Comme
il ya lieu d'analyser son impact sur le taux de
croissance réel et non nominal , sur le taux de
chômage réel ( emplois productifs et non emplois rentes) et sur le pouvoir
d'achat des citoyens tenant compte du taux d'inflation réel devant se méfier
des réalisations physiques sans analyser les coûts, la qualité et surtout de
savoir si ces dépenses ont préparé l'après hydrocarbures avec un e population
qui dans 20 ans approchera les 50 millions d'habitants sans hydrocarbures ?
Septième axe
Quelle est la
durée réelle des réserves d‘hydrocarbures (gaz/pétrole) tenant compte des
exportations programmées, de la forte consommation intérieure, de la concurrence
des énergies substituables, de la concurrence internationale et des coûts
d'extraction, devant raisonner en termes de rentabilité financière et non en
volume physique ? 16 ans ou 25/30 ans c'est à dire demain ? Pour le gaz ( réserves de l' Algérie estimées à 4500 milliards de mètres
cubes gazeux) le seuil de rentabilité doit être de 9 dollars le milliard de BTU
pour les canalisations ( GN- de Medgaz et Galsi) et de 14 dollars pour le gaz naturel liquéfié ( GNL)
. Or avec la révolution du gaz non conventionnel, ce dernier tourne depuis plus
d'une année autour de 4/5 dollars. Donc, quelle est la stratégie énergétique, du
modèle de consommation énergétique de l'Algérie entre 2011/2020/2030 et la
promotion des énergies renouvelables tenant compte du défi écologique et d'un
espace équilibré et solidaire au moyen d'une nouvelle politique d'aménagement
du territoire?
Huitième axe
Quelle est la
future politique budgétaire et donc de la dépense publique ? N'ya t-il pas urgence de réorienter toute la politique socio-économique
en axant sur l'entreprise et son fondement le savoir au lieu de consacrer plus
de 70% aux infrastructures qui ne sont qu'un moyen transitoire fonction de la
dépense publique? C'est que le projet de la LFC pour 2011 prévoit un déficit de 4.693
milliards DA (mds DA), soit un ratio par rapport au
PIB de 33,9%, contre 3.355 mds DA dans la loi de
finances initiale. La loi de finances 2011 tablait sur un déficit budgétaire de
3.355 mds DA, soit 28% du PIB. Ne risque t- on pas à
cette allure d'aller vers une inflation vertigineuse que l'on comprime
artificiellement par des subventions mal ciblés , rendant
nécessaire l'élévation des taux d'intérêts pour éviter la faillite bancaire et
par conséquent l'épuisement du fonds de régulation entre 2013/2014 si le cours
du pétrole est en dessous de 70 dollars et le prix de cession du gaz en dessous
de 5/6 dollars ? Car en cas d'un repli du cours du pétrole et du gaz, cela
serait dramatique dans la mesure, où selon le projet de LFC 2011, les
équilibres budgétaires seront tendus en 2011, au regard du déficit du Trésor, la
résorption nécessiterait un prix du baril de pétrole à plus de 120 dollars sous
réserve d'une stabilisation du cours du dollar.
Neuvième axe
Quelle sera la
politique financière du pays, de la réforme bancaire lieu de distribution de la
rente, de la gestion des réserves de change et leurs placements: où, comment et
combien a-t-on placé à l'étranger et quel leur rendement tenant compte du taux
d'inflation et des taux d'intérêts directeurs ? Lié à cet aspect
, l'impact des dernières mesures de suppression des crédits à la
consommation et du passage du Remdoc au Crédoc, sur les PMI/PME constituant la majorité du tissu
économique productif sur la valeur (80%), sur la valeur des importations et non
le volume : dans ce cadre il ya lieu d' évaluer les
liens entre la dépense publique et la valeur des importations en comparaison
aux normes de gestion internationales pour calculer les surcoûts.
Dixième axe
L'impact des
nouvelles dispositions 70% minimum national 30% pour le commerce et pour les
autres secteurs 51% national minimum et 49% pour les étrangers ayant assisté à
une chute de plus de 70% des IDE entre 2009/2010? Pourquoi cette généralisation
à travers des lois. L'Algérie pourra t- elle indéfiniment puiser dans ses fonds
propres via toujours les hydrocarbures (98% des exportations et 75% des
importations pour les besoins des ménages et des entreprises à travers le tout
Etat en marginalisant le privé national et international ? L'intelligence ne suppose
t- elle pas des actions ciblées, la notion de secteur stratégique ou pas étant
historiquement datée, les expériences montrant que ce qui est stratégique
aujourd'hui peut ne pas l'être demain, ce qui est non stratégique peut le
devenir, au vu des mutations tant internes que mondiales ?
En résumé, l'entrave
principale au développement en Algérie trouve son explication en une
gouvernance mitigée, provenant de l'entropie. En ce mois de juin 2011 le
constat est amer : vieillissement des élites politiques issues de la guerre de
libération nationale et de la gestion volontariste des premières années de
l'indépendance, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes,
crise économique, sociale et culturelle et, enfin, contraintes externes de plus
en plus pesantes ont abouti à l'absence dramatique d'une véritable stratégie
nationale d'adaptation au phénomène total et inexorable qu'est la
mondialisation. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes a abouti
finalement à une crise systémique d'une ampleur inattendue et à une transition
chaotique qui se traîne en longueur depuis au moins 1986. Le débat
contradictoire sans exclusive devient nécessaire selon un processus
démocratique. Les louanges pour des louanges sans analyses constructives et opérationnelles,
sont contre productifs pour le gouvernement lui-même. Tout
gouvernement de par le monde peut commettre des erreurs d'appréciation mais
l'intelligence implique de se corriger. L'erreur la plus grave c'est, faute
d'un dialogue économique et social de persister dans l'erreur, induisant des
pertes pour la Nation
en dizaines de milliards de dollars.
L'Algérie qui
traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu'un regard critique et
juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu'il
s'agit d'accomplir encore au profit exclusif d'une patrie qui a besoin de se
retrouver et de réunir tous ses enfants autour d'une même ambition et d'une
même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique
et une profonde justice sociale.
*Expert
international en management stratégique
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 16/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abderrahmane MEBTOUL*
Source : www.lequotidien-oran.com