« Un peuple sans terre pour une terre sans peuple. »
L'Essayiste Jacob Klatzkin disait « Dépouillez le sionisme du principe territorial et vous avez détruit son caractère et effacé ce qui le distingue des périodes précédentes ». En d'autres termes, aucun projet sioniste, aucun rêve sioniste ne pouvaient se réaliser sans une terre. Décrétant de la manière la plus arbitraire et la plus démentielle avoir des droits sur ce qu'ils considèrent comme leur terre originelle destinée exclusivement au peuple juif et débarrassée de tout élément arabe, Israël brandira indiscutablement un acte de propriété signé par Yahvé. « L'objectif suprême du sionisme a été et reste toujours la création d'un État qui englobe toute la Palestine (Eretz Israël ou Terre d'Israël), entièrement débarrassée des Arabes ».1 Un colonialisme de peuplement, raciste, extrêmement violent et expansionniste. C'est précisément par là que tout commencera :
La Colonisation totale par l'épuration ethnique. Dans son dernier ouvrage « Le nettoyage ethnique de la Palestine », l'Historien israélien Ilan Pappé, en évoquant ce fameux Programme sioniste ( Plan Dalet ), dira « C'est lui qui a scellé le destin des Palestiniens sur les territoires que les dirigeants sionistes avaient en vue pour leur futur État juif. Avec en prévision « leur expulsion totale et systématique de leur patrie. » 2 En réalité le sort des Palestiniens était scellé bien avant 1948. En face d'eux, un peuple élu, connu pour sa félonie légendaire narrée dans tous les parchemins et les livres saints, peuple étrange entretenant des relations bizarres avec son Dieu Yahvé. Peuple élu et aussitôt damné. Peuple qui connaîtra moult asservissements et déportations. Peuple qui cultivera ce don de tirer les meilleures leçons de ses déboires et deviendra maître dans la dissimulation, la manipulation et le complot.
Se fondre dans la masse et agir dans l'ombre, tels seront ses principaux atouts. En contact avec l'occident, une horde d'Ashkénazes illuminés se familiarisera avec la doctrine de ses Maîtres : Celle d'une race supérieure face à un grand destin. Ils méditeront longuement sur la question du retour en Palestine, convaincus d'une double mission : Installer la civilisation et la lumière dans cette région peuplée de barbares et récupérer ce pays où coulent le « Lait et le miel ». C'est ce que l'Europe attendait d'eux. Ernest Laharanne, secrétaire de Napoléon III écrira en 1860 : « Vous [les Juifs] devez amener la civilisation chez les peuples inexpérimentés encore ; vous devez leur porter les lumières d'Europe que vous avez recueillies à flots ».3 Le philosophe allemand Moses Hess, précurseur du sionisme avant Léon Pinsker et Theodor Herzl, développera à son tour cette dogmatique ou cette vision futuriste , pragmatique , utilitariste qui finira par se réaliser ; s'adressant aux Juifs , il dira en 1862 « Une grande vocation vous est réservée... Vous devriez être les médiateurs entre l'Europe et l'Asie lointaine, ouvrez les routes qui mènent à l'Inde et à la Chine ». 4 C'est ce que Israël envisage de faire aujourd'hui avec le soutien des pays arabes et sur les cadavres des Palestiniens : Œuvrer pour l'ouverture d'un grand Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe , long de plus de 4 800 km en partant des côtes indiennes par la mer pour arriver aux Émirats arabes unis, traversant ensuite l'Arabie saoudite, la Jordanie et Israël en transport ferroviaire, avant d'atteindre l'Europe en bateau.
En 1896, Theodor Herzl fondateur de l'omnipuissante Organisation Sioniste Mondiale pensera la même chose lui aussi « Nous formerions là-bas un élément d'un mur contre l'Asie, ainsi que l'avant-poste de la civilisation contre la barbarie ». 5 Avec Herzl, on passera des spéculations oniriques à la planification et à l'exécution. Tous les ingrédients sont au rendez-vous : L'idéologie, les soutiens politiques, les moyens financiers et la stratégie et surtout la même détermination à nier préalablement l'identité et l'Histoire millénaire des Palestiniens, les rendre complètement invisibles. Ce Plan machiavélique et extrêmement élaboré sera exécuté au mépris des condamnations de l'ONU, des Organisations des droits de l'homme, des Intellectuels , des Historiens. L'irréductible Golda Meir, celle que l'on surnommera la Dame de fer, n'hésitera pas à déclarer que : «Les Palestiniens n'existent pas.
Quand y a-t-il eu un peuple palestinien indépendant avec un État palestinien ? C'était le sud de la Syrie avant la première Guerre Mondiale, et après il y avait une Palestine incluant la Jordanie. Ce n'est pas comme s'il y avait un peuple palestinien en Palestine, se considérant lui-même comme un peuple palestinien, et que nous serions venus en les mettant dehors et en leur prenant leur pays. Ils n'existaient pas. » 6 Entre un instantané de peuple palestinien (celui observé par Golda Meir ) dont elle nie l'existence alors que sa présence sous d'autres dénominations est attestée depuis des millénaires et des Hébreux disparates aux origines douteuses qui veulent faire valoir un legs accordé par Yahvé aux Patriarches hébreux sans pour autant préciser avec exactitude les limites géographiques de ces lopins de terre mythiques ( contestés par les Archéologues et les Historiens ) , il me semble que le délire sioniste dépasse l'entendement. L'épineux problème lié à la terre et au foncier sera réglé avant la création même de l'état Israël. Si l'acquisition des terres prendra au début plusieurs formes d'apparence insignifiante (Acquisitions faites auprès des propriétaires arabes eux-mêmes ou au cours de transactions faites avec le mandataire britannique).
Cette opération finira par s'étaler sur plusieurs périodes (1880/1947), celle qui nous intéresse et s'insère parfaitement dans le paradigme sioniste colonialiste et expansionniste c'est la période faste, très pernicieuse et agressive incarnée par les Institutions mises en place avant la création même de l'Etat d'Israël : Le Keren Kayemeth Leisrael, ou Fonds National Juif, fondé en 1901, et le Keren Hayessod, fondé en 1920. Le premier recueille les fonds, nécessaires à l'achat des terres, dans toutes les communautés juives du monde, et garde le domaine éminent des domaines ainsi acquis. Le second contrôle l'immigration sioniste, organise, soutient et dirige les colonies sionistes.
Ils constituent à eux deux un véritable ministère de la colonisation. Sans l'existence séculaire de ces deux institutions prédatrices, Israël n'aura jamais vu le jour. Non seulement leur politique ne sera jamais contestée mais sera soutenue par l'Armée sioniste elle-même. La Haganah , l'Irgoun et plus tard le Tsahal et d'autres bataillons et milices satellites veilleront à contrer toutes menaces hypothétiques ou réelles , à assurer la protection des implantations illégales des colonies , à démolir et raser définitivement toutes les infrastructures palestiniennes susceptibles un jour de contribuer à la création d'un Etat palestinien, à procéder à l'expulsion totale des Palestiniens , processus qui commencera en 1948 et se poursuit jusqu'à nos jours. La même politique criminelle (Spoliation des biens, expéditions punitives, expulsions ...) sera mise en Å“uvre par la France coloniale en Algérie.« Là, on le sait, les indigènes, quels que soient leur sexe, leur âge et leur statut, furent souvent décimés et parfois déportés au cours de longues marches meurtrières, les villages anéantis par centaines, les cités détruites de fond en comble et les territoires ainsi vidés de leurs habitants soumis à une militarisation complète. » 7 Le Terrorisme est à la base de la création de l'Etat d'Israël. L'expulsion en 1948 de 800.000 Palestiniens, la destruction de 400 villages et l'appropriation de leurs terres en est un début.
Le sort réservé aux Palestiniens de la Cisjordanie depuis 1967 [implantations massives de colonies et expropriation des Palestiniens en installant un climat de terreur mené par des groupes extrémistes ultra-violents, le Blocus de Gaza-2007 (Pauvreté, chômage, densité de la population, privation des droits les plus élémentaires...). La destruction de Gaza-2023 (famine, épidémies, génocide...) , ajoutons à cela les opérations d'une violence extrême mais plus discrète, plus lente et plus sournoise ( Mémoricide / Politicide ).
Tout la politique sioniste mise en Å“uvre depuis 1948 (indéfectiblement soutenue par l'Occident et exécutée avec ferveur par tous les gouvernements d'Israël) répond aux mêmes motifs d'ordre sécuritaire/existentiel et découle d'une véritable stratégie militaire qui aura pour conséquence à long terme l'effacement total de la Palestine. Affichant un mépris assumé à l'égard de l'ONU (postures israéliennes qui perdurent jusqu'à nos jours), dès 1937, David Ben Gourion, futur premier ministre d'Israël, expliquait : « Après la formation d'une armée importante dans le cadre de l'établissement de l'État [juif], nous abolirons la partition et nous nous étendrons à l'ensemble de la Palestine. »8
Quant à Yossef Weitz, chef du département colonisation de l'Agence juive en 1940, il déclarait déjà : « Il doit être clair qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Nous n'atteindrons pas notre but si les arabes sont dans ce pays. Il n'y a pas d'autres possibilités que de transférer les arabes d'ici vers les pays voisins - tous. Pas un seul village, pas une seule tribu ne doit rester. » 9 Il faut se rendre l'évidence, Israël soutiendra ou fermera les yeux sur tous les assassinats qui serviront leur cause .Ils commenceront en 1948 par l'assassinat du médiateur de l'ONU Folke Bernadotte, en 2024 on comptabilisera l'assassinat de dizaines de Journalistes et d'Humanitaires, plus de 30.000 palestiniens parmi lesquels des vieillards, des femmes, du personnel de la santé et plus de 12.000 enfants.
*Universitaire
Notes
1_Fayez A.Sayegh, Le colonialisme sioniste en Palestine, Paris, Éditions Cujas, 1968 [1965], p. 37.
2_Ilan Pappé , « Le nettoyage ethnique de la Palestine » , Librairie Arthème Fayard, 2008, p.49
3_ Ernest Laharanne , « La Nouvelle Question d'Orient. Empires d'Égypte et d'Arabie. Reconstitution de la Nationalité Juive. » Éditeur, E. Dentu, 1860.
4_ Moses Hess « Rome and Jérusalem, a Study in Jewish Nationalism », New York Bloch Publishing Compagny « the Jewish Book Concern », 1918, p.157.158
5_ Theodor Herzl, L'État des juifs, Paris, La Découverte, 1990 [1896], p. 47.
6_ Golda Meir , citée dans le Washington Post, 16 juin 1969.
7_ Olivier Le Cour Grandmaison , « Coloniser Exterminer »,Fayard, 2005 , p.338
8_ Simha Flapan, « The Birth of Israel, Myths and réalities » ,Pantheon, New York, 1987. P.22.
9_ Benny Morris, « 1948 and After, Israel and Palestiniens », Oxford : Clarendon Press ; New York : Oxford University Press, 1990.
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Posté Le : 12/05/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mazouzi Mohamed*
Source : www.lequotidien-oran.com