Algérie

Que nous veut Sarkozy?



Sarkozy en visite au Maghreb. Quoi de plus banal protocolairement que la visite d'un chef d'Etat dans un pays ou une région pour animer ou réanimer des relations politiques, économiques, de bon voisinage, faire le bilan des relations bilatérales, échanger des points de vue sur les questions internationales, sur l'état du monde?  Le Maghreb, bien que difficilement assimilable à une région, une entité, en l'état actuel des relations que tente de maintenir une UMA assassinée, se trouve confronté à des problèmes aussi mineurs que celui du tracé frontalier, celui de l'exploitation en commun des richesses naturelles, celui surtout d'une vision d'ensemble cohérente de la part de ses gouvernants. Pourtant tous les facteurs sont réunis, en dehors des divergences politiques, pour que le Maghreb ne soit, en fait, qu'un seul et même pays puisqu'il compte un seul et même peuple. Utopie, certes, mais rien n'interdit d'y penser, d'en rêver. Ce que le protocole de la visite prochaine de Sarkozy tente de contredire en n'en visitant que trois pays sur cinq qui composent notre sous-région. Le plan de «vol» commencerait par l'Algérie que Mitterrand considérait comme faisant partie de la stratégie énergétique de la France, là où Chirac voyait plus diplomatiquement des «relations charnelles». En 1992, Mitterrand avait exigé le retour au processus électoral en «respect des règles de la démocratie» qui aurait donné la majorité parlementaire à l'ex-FIS, puis ouvert les portes aux opposants exilés jusqu'à l'affaire du métro Saint Michel qui ont plongé la France dans l'incompréhension, le désarroi. Une sorte de retour de manivelle.  C'était la fin de l'époque du «qui tue qui?» qui a, tout de même, laissé quelques doutes. Le 15 avril 1999, le Quai d'Orsay se prononçant au nom de la présidence de la République et du gouvernement annonçait: «les autorités françaises ont relevé la décision prise, mercredi 14 avril, par six candidats sur sept, qui n'estimaient pas satisfaisantes les conditions de déroulement du scrutin, de se retirer collectivement de la compétition. Elles ont pris connaissance, aujourd'hui, du résultat annoncé par le ministère de l'Intérieur algérien. Préoccupée par la situation ainsi créée, la France continue d'espérer que les aspirations à la démocratie du peuple algérien puissent s'exprimer dans un cadre pluraliste et réaffirme son attachement à l'approfondissement d'une relation d'amitié, de dialogue et de coopération entre les peuples français et algérien». Le scrutin a quand même eu lieu. Nous étions en droit alors de nous demander au nom de quoi et depuis quand la France s'inquiétait de la démocratie en Algérie puisque les Algériens eux-mêmes ne s'en inquiétaient pas? Nous avons donc considéré que cette déclaration s'adressait plus à l'électorat français friand de mots et de belles paroles qu'à nous qui nous contentions, le plus clair du temps, à déclarer nos amours aux hommes du moment. A ce que la providence sous forme de cabinets fermés et sans images, nous envoyait comme homme du moment. Et cela le Quai d'Orsay le sait parfaitement d'où hypocrisie ou ratage politique. Tout comme il sait sur quelle corde tirer pour arranger les affaires de la France et de la France seulement. Ce n'est donc pas un simple effet du hasard qui ferait venir Sarkozy, d'abord en Algérie, au lendemain du 45e anniversaire de l'Indépendance et probablement à la veille du 14 Juillet. Probablement, puisque plus de bruit que pitance entourent ce voyage. Les relations entre les deux pays ont, de tout temps, été ambiguës par la force de l'Histoire commune qui attend ses archives pour révéler, de part et d'autre, certaines vérités ou, du moins, de les valider. Mais qui y a intérêt et quel est le poids de la vérité, aujourd'hui que d'autres générations sont arrivées sur le marché de l'opinion, sur celui de nouvelles priorités? Ces générations qui n'ont connu ni la guerre ni l'après-guerre. De par et d'autre. Aujourd'hui les Algériens ont appris à regarder vers d'autres destinations en gardant un oeil sur ce que la France peut proposer de mieux, sur les gestes de «générosité» que l'usage de la langue favorise, que la proximité encourage. Que l'embellie financière due à l'envolée des prix du pétrole par la grâce d'Allah creuse les appétits et excite les amitiés d'autant que la place de la France en Algérie demeure la meilleure et que la place de l'Algérie en France n'a rien à lui envier non plus. Pourtant ministre de l'Intérieur, Sarkozy déclarait, à partir de Bamako: «la France n'a pas besoin de l'Afrique». Considère-t-il alors, en tant que Président de la France, que le Maghreb n'est pas l'Afrique? Il y a tout lieu de le croire en suivant la feuille de route qui exclut de son voyage la Libye et la Mauritanie.  La Libye pour la délicatesse politique de l'affaire des infirmières bulgares et la Mauritanie parce que ce n'est que la Mauritanie pour le moment. Mais les Américains commencent à s'intéresser à la région sous la couverture de la «lutte contre le terrorisme». Et à la Mauritanie surtout. Sarkozy arrive, quant à lui, avec une certaine idée de l'Union méditerranéenne qui n'exclut pas Israël du projet mais qui ne l'intègre pas non plus. Restera donc à clarifier les tenants et les aboutissants d'un tel projet, tout comme Algériens et Marocains attendront de la France qu'elle dise comment régler la question du Sahara Occidental, avant de se retourner vers les Américains. Pour les Américains les choses sont, désormais, claires quant à l'Etat hébreux et à la question sahraouie. Comme Sarkozy n'aura pas à mettre la main à la poche pour faire oublier l'épisode de la «colonisation positive», il fera en sorte d'offrir des idées gratuitement avec en prime, quelques facilités pour l'obtention des visas et quelques bourses. Il devra, en outre, faire oublier les déclarations douteuses suite à sa visite au monastère de Tibhérine sur les tombes des sept moines trappistes assassinés en 1996 en tant que ministre de l'Intérieur aussi. La Tunisie qui essaiera de faire le moins de bruit possible en présence de Koutchner et de son militantisme sélectif pour les droits de l'Homme, sera le grand gagnant de ce voyage puisque ne demandant rien pour le moment.  Le Maroc, quant à lui, a été bien préparé par les vacances de Chirac à Marrakech.  Viendra-t-il, viendra-t-il pas, Sarkozy? Nous continuerons à nous demander ce qu'il nous veut en dehors des hydrocarbures, de l'écoulement des produits français en perte de vitesse, de l'émigration clandestine, des recommandations des 5 5, de l'état des investissements français en Algérie et de la suite réservée à l'assassinat des moines de Tibhérine. En dehors d'un traité d'amitié dont il ne veut pas. En tant que ministre de l'Intérieur, il était venu aussi en tant qu'ami du Président. Reste à le prouver.


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