Cette «dame de fer» symbole et fierté des Français, est en fait du minerai extrait de la terre algérienne«Notre système de colonisation consistant à ruiner l'Arabe, à le dépouiller sans repos, à le poursuivre sans merci et à le faire crever de misère, nous verrons encore d'autres insurrections.» Guy de Maupassant Au Soleil (1884)
Mon attention a été attirée par une contribution d'un auteur français qui sévit depuis quelque temps et s'est fait une réputation de négationniste s'agissant des horreurs de la colonisation. Pour lui et pour ceux qui sont encore nostalgériques dans leur fuite en avant, la colonisation y a bon. Ce qui m'a fait bondir outre mesure c'est le nouveau concept de la colonisation, outre sa «positivité», celui du bonheur, l'auteur parle de colonisation heureuse!!
Par honnêteté intellectuelle je rapporte les propos essentiels d'une contribution de Bernard Lugan colonialiste engagé. Lisons cette logorrhée:«Lorsque, à la fin du XIXe siècle, l'Europe entreprend la colonisation de l'Afrique noire, la situation de ce continent est catastrophique. (...) Or, en quelques années, administrateurs, officiers et missionnaires apportent aux Africains la notion jusque-là inconnue de sécurité quotidienne. Comment ils ont apporté, et pourquoi sont-ils venus Médecins et infirmiers font reculer le paludisme, la tuberculose, la bilharziose, la maladie du sommeil, le trachome et les diverses parasitoses qui achevaient de tuer des millions de malheureux sous-alimentés. Outre les soins, les Africains mangent alors partout à leur faim et l'essor démographique devient considérable (...).» (1)
L'esclavage arabe pour minimiser celui des Blancs
«Pourtant, l'Europe a appris à avoir honte de cette oeuvre humanitaire, tant les esprits ont été imprégnés par les slogans culpabilisateurs. (...) Durant trente années au moins, l'idée sans cesse répétée, pour ne pas dire martelée, selon laquelle le Nord s'était enrichi en exploitant le Sud a acquis force de loi.» (1)
«De la boucle du Niger à la mer Rouge et du Soudan au Mozambique, les musulmans esclavagistes s'employaient à vider l'Afrique de ses habitants quand la colonisation y mit un terme. Ne perdons jamais de vue - contrairement à ce que veulent faire croire les culpabilisateurs - que l'Europe n'a pas eu l'initiative de la traite des Noirs, puisque, du VIIIe au XXe siècle, les Arabes n'ont cessé de la pratiquer. Si durant trois siècles, les Européens transplantèrent environ 8 millions d'hommes d'Afrique en Amérique, en 12 siècles, les Musulmans en puisèrent environ 15 millions dans le véritable vivier humain qu'était pour eux l'Afrique noire (...)» (1)
Parlant de l'esclavage arabe pour minimiser celui des Blancs il écrit:
«En 1890, il y a encore 78 marchands d'esclaves au Caire et 73 à Alexandrie, qui reçoivent des captifs clandestinement, puisque la traite est officiellement interdite. En Afrique orientale, les musulmans de Zanzibar sont les organisateurs d'un vaste trafic dont ils tirent d'énormes bénéfices(...) Une fois encore, l'Europe intervient et il faudra un demi-siècle d'efforts aux pères du Saint-Esprit, aux Pères blancs, aux pasteurs de la Church Missionary Society pour combattre les esclavagistes sur leur propre terrain. Mais leurs efforts seraient demeurés vains sans l'implantation militaire de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France, du Portugal et de la Belgique»(1)
Ensuite l'auteur fait appel à un autre auteur enragé et qui part du principe que les Européens ne se sont pas enrichis Il compare des pays entre eux Et pourtant, parmi les pays du Nord, les plus riches ne sont ni l'Espagne, ni le Portugal, ni la France, ni la Grande-Bretagne, qui furent les principales puissances impériales, mais la Suisse, la Suède, l'Allemagne, les Etats-Unis et le Japon.» «Le cas français étudié par Jacques Marseille constitue la seule analyse scientifique de la question. Ses conclusions permettent d'affirmer que, depuis 1930 environ, l'empire entravait plus qu'il ne stimulait la croissance économique de la France et que la décolonisation fut un délestage voulu par une certaine fraction du patronat français pour stimuler la croissance de ses activités''. Mais il y a plus important encore. Non seulement les productions coloniales coûtent très cher à l'économie française, puisqu'elles sont achetées largement au-dessus de leur cours mondial, mais encore, en entrant en concurrence directe avec des productions métropolitaines (...) Après la décolonisation, dégagée des subventions indirectes et allégée des secteurs moribonds, l'économie française a pu se lancer dans la bataille de la compétitivité.» (1)
L'auteur conclut:«La colonisation fut une parenthèse brève mais positive - et pourquoi pas heureuse' - pour les populations d'Afrique: le gendarme assurait la paix; le médecin soignait les corps; l'instituteur transmettait son savoir; le colon fournissait du travail; le juge protégeait de l'arbitraire.». «Certains penseront peut-être que ce tableau est trop résolument favorable à la colonisation. Qu'ils lui opposent alors la situation qui prévaut actuellement dans des pays comme l'Ethiopie, l'Angola, le Mozambique, le Zimbabwe, l'Uganda, l Tanzanie, le Nigéria, le Ghana, le Tchad, Madagascar, etc., où famines, épidémies, massacres inter-ethniques, gabegie, concussion, arbitraire sont le lot quotidien des malheureuses populations.» (1)
De la lecture rapide de ce plaidoyer pro-colonisation, nous allons répondre à monsieur Bernard Lugan point par point. D'abord, l'auteur en pédagogue tente de nous expliquer - en fait il s'adresse à ses concitoyens- qu'il ne faut pas rougir, qu'il ne faut pas culpabiliser que c'était çà la civilisation, il n'apporte aucun argument sauf que c'est la méthode Coué, croyez que vous êtes irréprochables et vous serez irréprochables à force d'incanter cela. Son postulat de base est que les races blanches ont reçu d'une façon immanente le droit de civiliser les races inférieures et tout doit être fait pour les présenter aux concitoyens comme des peuplades préhistoriques s'exterminant les unes les autres; sans unité - oubliant à titre d'exemple que quand l'Europe était constituée de «rois fainéants», en fait d'Astérix plus frustes les uns que les autres il y avait à titre d'exemple un empire au Mali et même une charte des droits de l'homme vers 1200 bien avant l'Habéas corpus anglais, qui fut copiée par les révolutionnaires en France et par la suite l'Occident qui les codifie sous le vocable de déclaration des droits de l'homme que naturellement la France s'attribue au point de vouloir, d'une façon incantatoire en se souvenant que pour Jules Ferry déjà, la fin du XIXe siècle les droits de l'homme ne sont pas valables dans les colonies. Là où on sent la jouissance de l'auteur c'est d'avoir trouvé le maillon faible, à savoir celui de l'esclavage des Arabes qui, certes, avait lieu mais n'avait rien à voir quantitativement avec le commerce triangulaire et la règle des trois C: Christianisation commerce, colonisation. «Naturellement, les chiffres qu'il donne ne reposent sur aucune donnée. Il va jusqu'à repérer des marchands d'esclaves à l'unité oubliant d'une façon pudique désintéressée pour tout simplement, par crainte de représailles, le commerce non moins tragique des juifs esclavagistes.» Ensuite, il nous dit que la métropole n'a rien pris, elle n'a fait que donner. Il n'est que de voir comment les Suds épuisés ont vu leurs matières premières partir de ces pays africains qui n'avaient pas de développement endogène, les matières premières servaient l'industrie française. Nous conseillons à M. Lugan apparemment ignare en ce qui concerne par exemple l'oeuvre positive au Congo de lire un texte sur le chemin de fer Congo Océan. S'agissant de ce qu'a donné l'Algérie à la France, un document nous apprend à titre d'exemple que toute la métallurgie française de qualité doit beaucoup à l'acier algérien; on avance que la tour Eiffel a été construite avec le fer algérien. Nous lisons: «Les Algériens visitant ce monument, ne se doutent certainement pas que cette dame de fer'' symbole et fierté des Français, est en fait du minerai extrait de la terre algérienne. Et pour cause, tout le fer utilisé pour sa construction, 8000 tonnes pour la charpente métallique, a été extrait des mines algériennes, de Rouina (Aïn Defla) et de Zaccar (Miliana). «D'ailleurs, en guise de reconnaissance, Gustave Eiffel avait remercié les mineurs de Rouina, en offrant une horloge (montée sur une tour métallique) à l'école du village de Carnot (l'actuel El Abadia, wilaya de Aïn Defla). Il faut souligner que Rouina était l'une des premières mines exploitées en Algérie par les Français. Gustave Eiffel fut ébloui par la pureté de son fer qui est un minerai à haute valeur ajoutée, ayant des propriétés mécaniques idéales et convenables à ses projets, titrant une teneur moyenne de 56-60%, ce qui permettait l'obtention de fer «puddlé» (brassé), très indiqué pour ce genre de structure, contrairement au minerai de fer extrait des «minettes de Lorraine» et autres mines européennes, pauvre et inadapté aux structures nécessitant une résistance et une flexibilité mécanique aux aléas naturels. Le journal français l'Echo des mines avait rapporté en 1896 que «le fer qui a servi à la construction de la tour n'est pas n'importe lequel. Il a fait l'objet d'un choix minutieux. Il vient de mines algériennes et a été fabriqué dans les forges et usines de Pompey Fould-Dupont' en Lorraine, Gustave Eiffel l'a choisi notamment en raison de ses propriétés mécaniques. Pour illustrer l'intensité de l'activité minière, à cette époque, il y a lieu de noter que la production du minerais de fer a enregistré en Algérie une moyenne de 400 000 tonnes par an depuis 1875 pour culminer en 1928 à 2 006 092 tonnes, selon le journal l'Echo des mines et de la métallurgie. Le prix de la tour Eiffel, avec l'ornementation et les nécessités architecturales, a atteint les 5 millions de francs, tandis que la tour métallique a coûté à elle seule 3,405 millions de francs de l'époque. Le minerai provenant d'Algérie représente plus de 68% du prix de la tour! (...)» (2) On peut dire sans se tromper que l'essentiel de la fabrication de qualité est du au fer algérien. L'auteur nous explique ensuite par le menu (trois pages) les escarmouches intertribales (peut être un cas sur la multitude) c'est comme si on rapportait les escarmouches de lorrains de Bretons entre eux comme connaissent tous les peuples, à l'instar des guerres dites de trente ans, de cent ans en Europe où les serfs en nombre veillaient au confort des nobles Pour lui, Dieu fait alors appel aux Européens pour sauver les Africains Pour lui c'est une bénédiction qu'il y ait eu le sabre et le goupillon et la guerre d'épouvante pour sauver ceux qui restent des génocides européens pour les faire rentrer à tout prix dans le giron de la vraie religion tout en faisant des sous -hommes La colonisation n'est donc apparemment pas plus à l'origine de la puissance industrielle de l'Occident qu'elle n'est la cause du sous-développement de l'Afrique. En clair, malgré toute la rapine les pays européens du Sud, l'auteur avoue que les pays du Nord sont plus développés. Naturellement, il n'attribue pas ce retard économique à une déficience scientifique. L'auteur martèle à la suite de son renfort Jacques Marseille, que les colonies était un poids- chiffres discutables à l'appui- et que quand elle s'en est débarrassée la France s'est développée Pourquoi fallait il d'une guerre -évènements d'Algérie pendant longtemps- qui a duré huit ans, une guerre qui a laissé des cicatrices aussi bien dans l'imaginaire algérien qui ne s'est pas remis d'un tsunami qui a eu lieu un matin de juillet 1830,qui s'est perpétué pendant 132 ans de malheur et de désolation et terminé avec l'extermination d'un million des meilleurs enfants Pourquoi a-t-il fallu sept ans et demi pour qu'il y ait délestage, qu'il y ait 3000 soldats français morts pour une cause perdue. On est en droit de s'interroger pourquoi la propagande coloniale a-t-elle donné l'illusion aux Français nés en Algérie, qu'ils étaient là pour l'éternité ne faisant rien pour considérer les Algériens comme des citoyens à part entière qui avaient droit à la dignité au lieu et place du Code de l'indigénat' La détresse réelle des rapatriés, ils la doivent au pouvoir colonial et pour certains à leur certitude qu'ils appartenaient à une race supérieure, ne pouvant concevoir d'avoir des concitoyens algériens comme eux dans une République algérienne. L'OAS ayant élargi le fossé entre les communautés, ne sont restés, en définitive, que sur le million d'Européens d'Algérie que 200.000 Français qui ont compris que leur avenir était en Algérie. Certains parmi eux se sont battus côte à côte avec les autres Algériens pour la liberté et l'indépendance de l'Algérie. Il eut été plus sage pour la France de n'être jamais venue en Algérie ou au mieux partir à partir du moment où les dépenses de la colonie étaient insupportables pour la colonie et l'empêchaient d'avoir le niveau de la Suède si elle n'avait pas perdu 132 ans à supporter une colonie qui n'a fait que prendre!!
L'auteur oublie pieusement d'écrire que la France fut accompagnée dans toutes les querelles qu'elle a faites au monde par les Algériens qui payèrent le prix du sang en vain. Non content de prendre les matières premières, le pouvoir colonial «s'empare de la force vive pour guerroyer de par le monde et offrir de la chair à canon algérienne. Mieux encore, en période de paix ce sont les tirailleurs béton qui ont participé à la reconstruction de la France, les trente glorieuses, les constructions des autoroutes, des bâtiments, des usines et tous les métiers indignes des Français ont été le lot des émigrés sans reconnaissance aucune. Dans son texte, l'auteur va jusqu'à s'apitoyer sur le sort des peuples africains, il oublie que c'est grâce à la colonisation que ces peuples sont clochardisés pour reprendre l'expression de Germaine Tillon. Qui sait s'ils n'auraient pas évolué différemment s'ils n'avaient pas été tenus soigneusement en marge du progrès et de la connaissance' Quand on pense qu'en 132 ans la colonisation a formé en Algérie moins d'un millier de personnes aucune pratiquement dans les sciences et la technologie. Le président Ferhat Abbas a déclaré lors d'une réunion avec les cadres formés alors que la guerre d'épouvante battait son plein, «nous avons formé en cinq ans plus que le système éducatif colonial en 132 ans en cadres techniques et scientifiques». En terminant cette analyse, je retiens le nouveau concept de colonisation heureuse voilà qui nous perturbe quant à la définition du bonheur! Les 6 millions d'Algériens qui sont passés de vie à trépas, victimes de l'oeuvre d'épouvante, de l'évangélisation forcée d'un autre enragé, le cardinal Lavigerie, des famines organisées et par-dessus tout de la torture tout au long de ces cent trente deux ans témoignent de cette colonisation heureuse; Non, la réconciliation n'est pas pour demain avec ces envahisseurs imbus de la certitude d'appartenir à la race des élus qui veulent notre bonheur à tout prix, même à celui de nous exterminer...
Les nostalgériques n'ont pas d'avenir
Cependant, le peuple algérien de par sa culture, son identité et son espérance religieuse n'est pas ingrat, il n'oublie pas toutes celles et ceux qui l'on accompagné pendant ces 132 ans d'épreuve. Dans ce cadre, si l'éducation ne fut permise aux Algériens qu'à dose homéopathique,-nous fûmes des voleurs de feu pour reprendre l'élégante formule de Jean El Mouhouv Amrouche nous ne pouvons pas être reconnaissants à nos maîtres, ces hussards de la République qui prirent beaucoup de risques pour venir devant nous et nous éduquer. Je veux associer dans le même hommage le dévouement de beaucoup de médecins qui comprirent leur mission en soignant la détresse des Algériennes et des Algériens. Je veux enfin ajouter le dévouement de tous les Européens d'Algérie qui ont cru en la nécessité de l'indépendance de l'Algérie qu'ils considèrent à juste titre comme leur pays pour s'y être battus, je pense notamment à Claudine et Pierre Chaulet, à Daniel Timsit, à Fernand Yveton, à Maurice Audin, à Henri Maillot à Maurice Leban, l'abbé Berenguer et tant d'autres qui se dévouèrent à en mourir pour l'Algérie. Je n'oublie pas d'ajouter que dans ce long et douloureux compagnonnage il y eut des Français qui défendirent la cause algérienne, je veux citer là aussi Frantz Fanon, Francis Jeanson, Jean-Paul Sartre. Ils se dévouèrent sans retenue. Notre pays grandirait en affirmant qu'à côté de Saint Arnaud qui avait «les états de service d'un chacal» à en croire Victor Hugo,, des Berthezène, des Bugeaud, il y eut des justes à qui nous témoigneront de notre reconnaissance. Les nostalgériques n'ont pas d'avenir devant la réalité de la colonisation qui fut globalement négative et malheureuse pour les indigènes que nous étions.
1.Bernard Lugan: Le vrai bilan de la colonisation en Afrique (L'Occident sans complexes) https://henrydelesquen.fr/2016/03/15/le-bilan-positif-de-la-colonisation-en-afrique/
2.https://salimsellami.wordpress.com/2017/10/03/en-fait-saviez-vous-que-la-tour-eiffel-est-algerienne.
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Posté Le : 17/02/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Chems Eddine CHITOUR
Source : www.lexpressiondz.com