Algérie

Quand Rimbaud faisait l'éloge de l'Emir Abdelkader



Il y a 150 ans, le célèbre poète français de la prose rimée, Arthur Rimbaud, faisait l'éloge de l'Emir Abdelkader et la lutte des Algériens contre le colonialisme dans un poème, peu connu, écrit à l'âge de 14 ans et qu'il avait intitulé «Jugurtha». C'est un poème écrit le 2 juillet 1869 et présenté lors du concours de l'Académie des Ardennes dont il obtint le premier prix. Le poème, de 75 vers en latin, a été publié le 15 novembre 1869 dans le Moniteur de l'enseignement secondaire de l'Académie de Douai.«Dans les monts d'Algérie, sa race renaîtra/ Le vent a dit le nom d'un nouveau Jugurtha»; c'est ainsi que Rimbaud (1854-1891), élève de collège à Charleville (Ardennes, Grand-Est), évoque dans ses vers, à travers la légende de Jugurtha, l'Emir Abdelkader, héros de la résistance algérienne contre l'occupation française, qui avait été déjà libéré (1852) de sa détention au château d'Amboise par Napoléon III.
Un seul sujet était au concours : Jugurtha, roi numide (160-105 av. J.-C.), sur lequel les candidats devaient écrire leur poème. Dans son blog, l'universitaire Chérif Lounès a expliqué que «Rimbaud écrivit son poème en partant de la vie de combat du roi numide Jugurtha contre Rome. Il fit ensuite le parallèle avec celui mené par l'Emir Abdelkader qui s'était opposé, durant 15 années, de 1832 à 1847, à l'armée coloniale française la plus puissante du monde à l'époque».
Frédéric, le père du jeune poète, avait été envoyé à Oran où il avait participé à la colonisation de l'Algérie, notamment en livrant bataille contre l'Emir Abdelkader et son armée qui luttaient contre l'invasion française.
Très probablement sous l'influence des écrits de son père, connu pour avoir été arabophile, notamment en réalisant une traduction du Coran, Arthur Rimbaud s'intéressait à l'époque de ce qui se passait dans le monde arabe. Dans son ouvrage Rimbaud et l'Algérie (2004, Paris Méditerranée, Hédi Abdel-Jaouad, professeur au Skidmore College de New York, a analysé la «fascination» qu'exerça l'Algérie sur le jeune prodige, qui abandonna la poésie à l'âge de 21 ans (1875).
Pour ce professeur, Rimbaud actualise, dans son poème, la légende, afin d'illustrer une autre résistance, celle de l'Emir Abdelkader en lutte contre l'occupation française.
«Malmenant le double mythe de l'Afrique romaine et de l'Algérie française avec humour, le poète est l'un des premiers Français à reconnaître le fait national algérien», a souligné l'auteur de l'ouvrage, affirmant que le poète français «prend le parti de l'Algérie contre la France». Le professeur Marc Ascione a indiqué dans un article publié en juin 1991 dans Le Magazine littéraire, n° 289 que le jeune poète a évoqué, en langue latine, une actualité politique «brûlante», celle de la colonisation de l'Algérie, soulignant qu'il a profité de cette occasion pour «faire l'éloge de la révolte» des Algériens. Arthur Rimbaud parle dans son poème de la colonisation française de l'Algérie, un «destin funeste» arrachant à la légende algérienne sa patrie, souhaitant que de l'Algérie «surgissent cent lions» qui déchirent sous leurs crocs vengeurs les bataillons.
«Tu verras l'Algérie prospérer sous sa loi
Grand d'une terre immense, prêtre de notre droit,
Conserve, avec la foi, le souvenir chéri
Du nom de Jugurtha ! N'oublie jamais son sort :
car je suis le génie des rives d'Algérie !», a ainsi terminé son poème Arthur Rimbaud, un génie de la littérature française.


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