La grandeur face aux épreuves Dans le silence de la dernière heure, le passé ressurgit en fleurs jaunes odorantes.
Dans Quand refleuriront les genêts, Hacène Abdellah nous fait le récit émouvant et glorieux de la vie du jeune Mourad Benafir¸ «né au douar Iflissen, près de son cher village de Tigzirt sur Mer». Usant d’un flash-back classique, l’auteur rappelle la situation économique et familiale difficile dans laquelle se trouvait son père Brahim Benafir, petit fellah possédant «une chaumière» et «un petit lot de terrain qu’il cultivait» et les motifs réels et honorables qui l’ont poussé à vouloir «assurer l’avenir de ses enfants en les faisant accéder à une situation sociale autre que celle qui avait été jusque là la sienne» au moment où est annoncé le début de la Seconde Guerre mondiale.
C’était pour un Algérien, une évidence et une manière de s’affirmer, que de s’engager, fût-ce dans l’armée française au temps de la Colonie, pour aller jusque même en Europe, envahie par les nazis, combattre la cause de la liberté, - cette liberté que le système colonial refusait aux Algériens.
Pour Brahim, comme pour des milliers d’Algériens valides, «l’heure du destin avait sonné». Mais «des hommes partis pour le front», pas de nouvelles, longtemps... Enfin, une lettre! Sans précision du lieu d’expédition -c’était la guerre-, Brahim écrivait: «Comme tous les soldats de mon pays, je suis mobilisé pour défendre la liberté des peuples.»
Et puis, arriva ce que craignait la famille Benafir, réduite à yemma Halima la grand-mère, malade et ses petits-enfants Nora et Mourad, encore enfants. La vieille apprit, un jour d’angoisse et de peur, que «Brahim Benafir est mort en héros et que la France n’oubliera pas son sacrifice». Le drame va immédiatement bouleverser l’existence de Mourad. Leur voisine, la fidèle Seghira, se met de tout son coeur à les soutenir en les recueillant chez elle et surtout «à préserver le petit patrimoine contre les ingérences et l’appétit du beau-frère de Brahim, Chedir Maïèche, lequel prétendait prendre en main les intérêts de ses neveux.» Effectivement, les promesses de Chedir ne sont pas saines. Il veut, à tout prix, maintenir «son autorité sur la famille du soldat disparu».
Le jeune Salem encourage sa mère Seghira à amener «la fortunée et charitable» Madame Irène d’Estoney, alias la comtesse, veuve d’un officier supérieur français en retraite, à intervenir auprès de l’Administrateur français et à prodiguer à la famille de Mourad des aides et des conseils. Comme, de plus, la comtesse était «universitaire, pourvue d’une vaste culture», elle «avait très vite remarqué l’intelligence du petit Mourad et décelé son ardent désir de s’instruire ainsi que cette ambition qui s’affirmait en lui spontanément dans les conversations qu’il soutenait avec aisance pour son âge.»
Par la suite, grâce aux conseils de sa bienfaitrice, Mourad a une scolarité brillante et tous les diplômes de fin d’études dont, le tout dernier, celui de technicien supérieur à l’Institut technique de Maison-Carrée. En 1957, «il sollicita une bourse afin de poursuivre en France des études supérieures en électromécanique. Fils de soldat mort pour la France, il avait de fortes chances d’obtenir satisfaction.»
Et puis, un soir, en rentrant tard chez lui, à l’heure du couvre-feu, Mourad apprend par leur voisine Seghira qu’«un homme est venu jusqu’à la porte de la maison en fin d’après-midi.» Un inconnu qui, lui dit-elle, «a recommandé, à voix basse, mais avec insistance, de t’informer qu’il reviendrait demain au lever du jour.» Cela ne laisse pas Mourad indifférent; il s’en inquiète, car Alger est en effervescence, les grèves et les manifestations estudiantines perturbent les cours...
Mourad se rend à Tigzirt «afin d’assumer (sic) ses obligations envers les siens». Dans la ville, dans la région, dans tout le pays, les jeunes sont concernés par l’appel à la résistance et à la lutte de libération nationale...L’auteur, Hacène Abdellah, décrit la participation populaire à cette guerre d’indépendance avec la finesse et l’enthousiasme de l’acteur engagé. Dans son livre, il y a tant de détails, extraits de faits réels, qui pourraient constituer un document accablant contre le système colonial et ses instruments de terreur l’armée officielle, la police, le renseignement, le tribunal d’exception et l’armée secrète! Il y a des scènes insupportables, toutes suggérées; et elles sont, par ainsi, plus douloureuses.
L’auteur connaît parfaitement le fonctionnement de ce système. Il parle vrai, sans fioriture, sans technique personnelle, sans littérature: il n’est pas écrivain, il ne prétend pas l’être; néanmoins, il témoigne avec émotion d’une époque troublée. Son style est clair, simple, mais juste, c’est-à-dire droit comme le propos du juriste émérite. Il a été bâtonnier à Sétif (1954-1960). Avec des hommes de justice exceptionnels, Vergès, Halimi, Matarasso, Zavrian, Berger, Mantille et Bauvillard, il a assuré la défense des militants nationalistes. Il a été également chef de service délégué de la justice en 1961, sous le gouvernement d’Edmond Michelet, et proche collaborateur du premier garde des Sceaux de l’Algérie indépendante.
Quand les genêts refleuriront,...ils ont refleuri, aujourd’hui. Ils ont atteint bien des hauteurs; leurs tiges vertes et anguleuses sont chargées de petites feuilles caduques; au printemps, ils portent un habit tout jaune d’une multitude de fleurs odorantes. Dans les lointaines campagnes de certaines montagnes, les genêts refleuris vont jusqu’à couvrir entièrement les toits des maisons modestes...Et c’est là qu’est le souvenir.
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Posté Le : 30/05/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Kaddour M’HAMSADJI
Source : www.lexpressiondz.com