Jeudi 20 mai, le
Centre d'hôtellerie et de tourisme de Bou Saada est en effervescence. Il
reçoit, en ce jour à marquer d'une pierre blanche, une des légendes vivantes de
la Bataille d'Alger : Djamila Bouhired. Accompagnée de Khadidja Kacimi, sa
compagne de toujours, elle a tenu en dépit des aléas de la route, à faire le
déplacement, pour assister à la commémoration du 54e anniversaire de la grève
scolaire du 19 mai 1956 organisée par l'Association culturelle « El Emir El
Hachemi ».
Noyée telle une
perle blanche dans un écrin de verdure, l'école hôtelière, Å“uvre du
célébrissime Fernand Pouillon, inaugurée en mai 1969 par le défunt président
Houari Boumèdiene, n'arrête pas à chaque fois, d'étonner le visiteur. Alliant
le traditionnel et le moderne, elle offre un espace convivial qui pourfend
l'austérité coutumière des établissements d'enseignement ou d'apprentissage. Le
directeur, M.Amar Labed, entouré de son staff, reçoit la Dame sur le perron
couvert non pas d'une bâche, mais d'une authentique tente de transhumance.
Rayée de rouge et de noir, elle est l'expression atavique des armoiries de la
grande tribu des Ouled Nail. Toute une symbolique.
Au salon
d'honneur bondé, c'est le bonheur qui se lit sur tous les visages. Personne ne
songe à serrer la main à Djamila, on l'étreint affectueusement pour lui dire
des mots ne pouvant être que sincères. Le trémolo vocal se saisit de
l'intellectuel à l'instar de Kamel Bouchama, invité pour la circonstance, au
moudjahid tel Thameur Bachiri, président de l'Association du 1er Novembre 1954.
Le consensus autour de l'icône est bien là, attachant et désintéressé.
L'Algérie, meurtrie par sa nuit coloniale, se regarde sereinement à travers sa
suppliciée maintenant apaisée. L'assistance, constituée de personnes de tout
âge dont d'anciens acteurs de l'épopée estudiantine, reçoit par une ovation
nourrie, l'illustre hôte. Entamé par la récitation de quelques versets du Coran
et l'hymne national magistralement exécuté par « Faoudj El Badr » des Scouts
musulmans algériens et placé sous l'égide du wali de M'Sila, le deuxième
colloque culturel intitulé:
Connaissances pour le développement était
ouvert par un bref discours inaugural de M. Lembarek Amrane, premier magistrat
de la cité.
Il célébrait les sacrifices d'une jeunesse
qui a su relever le défi, à une étape décisive de l'histoire de son pays.
Discrètement émue, Djamila ne manqua pas d'offrir les fleurs qui lui étaient
destinées au plus jeune des louveteaux. Ahmed Rachedi et Hassan Kechach,
invités de la ville, ont tenu quant, à eux à faire assister à l'évènement,
l'esprit de Mostefa Benboulaid, à travers la fresque filmique éponyme qu'ils se
promettaient de projeter.
Dirigés par Mohamed Saidi, intellectuel et
ancien ambassadeur et Amar Abdelatif, un des tous premiers agronomes algériens
et ancien élève du lycée de Maison Carrée (El Harrach), les travaux débutèrent
par une magistrale conférence de Kamel Bouchama, intellectuel et auteur
prolifique sur le parcours de Abdelkader en terre du Ec Sham. Beaucoup de zones
d'ombre entourant la vie de l'homme d'Etat et de l'érudit ont été éclairées par
l'orateur. La langue arabe étayée par quelques propos pris à la langue de
Molière et parfois au langage parlé, ont aidé à la compréhension générale du
thème.
L'engouement suscité par cet auteur, a débuté
la veille, lors d'une vente dédicace organisée à la librairie Saadane. Le stock
d'Å“uvres ramené dans l'escarcelle, fut contre toute attente, vite épuisé. Le
préjugé ancré dans les esprits, a été réduit en poussière par un lectorat décidément
en latence. Mr Abdelmadjid Rezkane, ancien cadre ministériel, ancien président
de la fédération de basket ball et promoteur des marathons nationaux, invité
lui aussi du colloque, a entamé en parallèle, la prospection à la découverte
d'un éventuel parcours pour l'organisation future, d'une compétition à l'instar
de celle des dunes.
Le deuxième exposé consacré, au développement
local avait pour thème : Atouts et tourisme. Aidé en cela par des planches
projetées sur écran, le talentueux professeur Yacine Ould Moussa économiste,
consultant et expert international fit boire ses paroles à l'assistance. Il
abordait ainsi les tenants d'un tourisme de proximité où la ville en tant
qu'entité socio culturelle, pouvait répondre à toutes les sollicitations du produit
touristique. Les commodités de la mobilité, des communications, de la sécurité
dans sa dimension générique et sanitaire notamment doivent se constituer autour
du gîte et du couvert. Ce créneau, porteur dans le contexte, peut être
avantageusement investi tout comme celui des PME /PMI. La zone d'expansion
touristique (ZET), livrée aux alèas du temps et du béton, peut être
avantageusement soustraite à la curée.
L'exposé du Dr Benadouda, ancien cadre de
l'Etat et actuel maire de la glorieuse Guenzet (Sétif), dernier de la séance de
la matinée, a été délivré sous la forme d'un témoignage sur la création de
l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) et l'aboutissement à
la grève déclenchée le mercredi 19 mai 1956. Il se rappelle encore, en dépit du
temps passé, les figures de proue de cette historique déferlante.
Chargé de l'encadrement de la colonie
estudiantine de la deuxième université de France qu'était celle de Montpellier,
il se rappelle des enfants de Bou Saada tels que Cheikh Abdelatif et les
défunts Belgacem Belamri et Abdelmadjid Bensalem, respectivement étudiants en
pharmacie pour les premiers et en médecine pour le troisième. Les étudiants
algériens structurés, loin certes du champ de bataille, ont joué un rôle
prépondérant dans les arcanes diplomatiques dans les pays, où ils résidaient
dira-t-il. Et c'est à ce titre que des bureaux furent ouverts dans plusieurs
capitales européennes. L'orateur évoquera son expérience au bureau de Madrid
que les aboutissants de la politique gaullienne de terre brûlée, feront
martialement fermer. Il sera même emprisonné pour délit de subversion. La
section d'Alger, constituée autour de Mohamed Seddik Benyahia président,
comprenait Amara Rachid vice président, Hafsa Bisker secrétaire générale,
Zoulikha Bekadour trésorière. Mohamed Lounis, Salah Benkobi, Mustapha Saber,
Taouti et Benhassine étaient tous membres de l'organisation politique
estudiantine naissante(1). Beaucoup de ces étudiantes et étudiants rejoindront
le maquis, certains d'entre eux n'en reviendront pas ; d'autres constitueront
le premier encadrement du jeune Etat qu'ils auront arraché à l'hydre coloniale,
par les larmes et le sang. La nouvelle organisation supplantait l'Association
de la jeunesse estudiantine musulmane( AJEM), créée par Amara Rachid sous la
houlette de Amar Ouamrane. Elle tenait le 13 février son assemblée constituante
; placée sous la présidence de Baghli, celle ci regroupait 200 membres, lycéens
de terminale pour la plupart.
Les travaux reprenaient l'après midi par
l'exposé de Mohamed Houari, professeur d'histoire au lycée Cheikh Abderrahmane
Eddissi, autre figure de l'érudition locale à rayonnement national. Le thème en
était le mouvement réformiste des Ouléma dans la cité séculaire de Sidi
Thameur. Il aura à évoquer, les 21 membres fondateurs de la section locale
présidée par le défunt Abderrahmane Terfaya. L'initiateur historique de la
militance nationaliste a été Hadj Zerrouk Khalifa qui a, lors d'un périple au
Macherek qui a duré 3 ans, rencontré Cheikh Abdelhamid Benbadis à l'université
d'El Azhar. Et c'est en 1931 qu'ils décidèrent d'un commun accord, de se
constituer en association scientifique.
La section de Bou Saada voyait le jour en
1932, son fief en était la mosquée des Ouled Hamida. Sa gestion autonome échappait
à la machine bureaucratique coloniale. Ainsi, la medersa libre mixte faisait
ses premiers pas. La nouvelle orientation religieuse modernisait les concepts
et préparait les masses à l'éveil nationaliste. De nombreux élèves de
l'illustre cheikh répondirent à l'appel de la mère-patrie, huit d'entre eux,
consentirent le sacrifice suprême lors de l'insurrection armée.
L'intermède musical et poétique délivré par
le violoniste et compositeur Mohamed Chemissa et le poète bilingue Bachir
Meftah n'a pas manqué d'ajouter un zeste d'allégresse à la fête. Le cérémonial
de délivrance de diplômes d'honneur aux acteurs morts ou encore vivants de la
grève et qui prirent les armes de la résistance clôturait les travaux.
C'est ainsi que les proches reçurent la
distinction des cinq(5) chouhada connus : Mohamed Attig, Mohamed Baza, Mokhtar
Abdelatif, Said Henni et Hamid Bensalem. Emus, certains parmi les survivants au
nombre de huit (8), ont eu droit aux honneurs appuyés de l'assistance. Il
s'agissait de Hafsa Bisker*, Louiza Bouziane*, Mustapha Ayata*, Hamdane Lomri*
Abderrezak Chérif*,Mohamed Bensiradj*, Belhadj Bensalem et Mohamed Bensalem. La
cérémonie était rehaussée par la présence de Chabane Hamouda, professeur
d'université chercheur, digne fils de Si El Haouès. Il tient, par attachement à
la région, à marquer par sa présence, tout évenement d'ordre historique ou
culturel. Hassan Kechach, a, dans une impeccable incarnation du personnage du
lion des Aurès, fait oublier, le temps d'une longue projection de 2H30 le désespoir
et la frustration. Clôturant la journée, la projection suivie dans un silence
religieux, fut longuement ovationnée. L'émotion, bien vive, se lisait sur tous
les visages, beaucoup n'ont pu contenir leurs larmes. Ne dit on pas que c'est
dans la grande douleur que naissent les grandes espérances ? L'image la plus
sublime à retenir de cette communion a été, sans nulle doute, ces jeunes filles
et ces jeunes gens agglutinés autour de l'icône révolutionnaire, soit pour un
entretien, soit pour une photo souvenir. Magnanime, notre héroïne s'est prêtée,
sans impatience aucune, au jeu. Son livre d'or était bien vivant, il lui
parlait même. Qui a dit que les jeunes ne connaissent rien à la révolution ?
La soirée de clôture de cette mémorable
journée, eut lieu dans le jardin flamboyant de lumières du « Kerdada »
(ex.Transat.). La chorale « El Anouar » a excellé dans les registres du « tarab
el arabi » et dans celui du terroir. Les bardes populaires : Nouibet, Oumhani
et Abdelghafar accrochèrent par leurs épîtres bédouines l'oreille habituée, à
celles de Ben M'Saib ou de Bensahla ; la différence était à peine perceptible.
Il y a lieu enfin, de rendre un hommage
particulier, aux chefs d'entreprises locales et Inalca-Algérie qui ont permis à
la manifestation de se dérouler dans les meilleures conditions matérielles.
L'acte culturel, peut être parfois, de la seule initiative de la société
civile.
Source:
(1) Mme H.
Bentoumi née BiskerLe 24 mai 2010
Renvoi:(*)
officier de l'ALN
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Posté Le : 27/05/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com